Censure

Damantang aux syndicalistes: ‘‘nous demandons un moratoire pour arriver au deuxième trimestre de cette année’’

Le syndicat menace d’aller en grève à partir du 15 février. Nous avons rencontré M. Damantang Albert Camara, ministre, porte-parole du gouvernement pour la position du gouvernement. A bâton rompu. 

Quel est le point d’achoppement avec le syndicat?

Aujourd’hui le point d’achoppement, comme vous le dites, est le prix du carburant à la pompe. Le syndicat souhaite une diminution immédiate et nous nous demandons un moratoire pour arriver au deuxième trimestre de cette année. C’est à ce moment, si nous respectons nos engagements avec le FMI, que nous aurons des concours financiers extérieurs. Nous serons alors en mesure de faire aux nombreuses charges de l’Etat et donc d’envisager toutes les mesures visant à soulager le portefeuille des Guinéens.

Pourquoi le gouvernement semble inflexible?

Loin de nous cette idée ! Il s’agit plutôt d’une doléance. Celle d’accepter que nous soutenions encore, tous ensembles, notre économie pendant quelques mois afin de bénéficier d’autres ressources que celles dont nous disposons aujourd’hui grâce à cette plus-value momentanée sur le carburant.

Aujourd’hui, les recettes que nous obtenons sont une bouffée d’oxygène pour notre économie qui ne bénéficie pratiquement pas d’autres sources de recettes. Aucune des contributions annoncées pour la relance économique post-Ebola n’est encore parvenue en Guinée.

Il nous semble qu’une trêve doit pouvoir être acceptée dès l’instant où nous ne sommes pas encore sortis de la période d’observation de 90 jours pour Ebola et que nous sommes toujours sous programme avec le FMI.

Le contexte sous régional joue également contre nous : la Côte d’Ivoire, le Mali et le Sénégal pratiquent des prix plus élevés que nous et il n’y a qu’une différence de 300 Gnf sur le prix moyen (calculé à l’échelle du pays) avec le Libéria et la Sierra Leone.

Imaginez qu’en diminuant de 1000 Gnf, notre budget perd 63 milliards par mois ! Si c’est 3000 Gnf en moins (comme le syndicat le demande), nous perdons 190 milliards par mois ! Et dans tous les cas nous perdons de précieux points de croissance. Est-ce vraiment raisonnable d’arriver à cela ?

Les syndicalistes eux-mêmes sont conscients de ces manques à gagner puisqu’ils nous ont proposé ce qu’ils appellent des « niches de recettes » dans le budget à exploiter pour compenser ces pertes de recettes sur le carburant.

Voici toute la complexité du débat : à supposer que par extraordinaire l’assemblée nationale qui a fait de ce budget une loi accepte qu’on revienne dessus, comment voulez-vous que dans un délai aussi court on vérifie, débusque et exploite ces fameuses « niches » ?

En plus de tout cela, il y a un paramètre majeur que personne n’évoque mais qui devrait être fondamental pour prendre la décision de diminuer ou non le prix du carburant à la pompe, c’est son impact réel et effectif sur le pouvoir d’achat du guinéen lambda.

Lors des deux dernières baisses faites en 2015 (de 10 000 Gnf à 9000 Gnf, puis de 9000 Gnf à 8000 Gnf) les syndicats de transporteurs ont refusé de répercuter cette baisse sur le prix du transport. Finalement ce sont uniquement les automobilistes et les transporteurs professionnels qui ont bénéficié de cette baisse pendant que l’Etat a perdu de précieuses recettes et que les citoyens sans véhicules n’ont vu aucune de leurs charges quotidiennes diminuer. Aucune.

Interview réalisée par Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com

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