Censure

Discours de Almamy Sékou Soumah, président du cercle de réflexion Agir pour la Guinée

« C’est avec un grand plaisir que je m’adresse à cette honorable assemblée réunie aujourd’hui à Paris au palais Bourbon dans le cadre de notre colloque sur les défis démocratiques en Guinée.

Qu’il me soit permis, à cette occasion solennelle, de remercier l’Assemblée Nationale Française et plus particulièrement Madame Fanelie CARREY CONTE, députée de la 15e circonscription de Paris et Présidente du Groupe d’Amitié France Guinée pour avoir mobilisée autant d’énergies, d’efforts et de volontés pour la mise à disposition de cette splendide salle qui abrite notre évènement.

Mes remerciements vont également à l’endroit de l’organisation internationale de la francophonie, des représentations diplomatiques ainsi que toutes les personnes physiques et morales qui ont contribué à la réalisation de cette journée, qui sera, nous le souhaitons vivement, gravée à jamais dans l’histoire contemporaine de la Guinée, comme un acte fondateur d’une Guinée nouvelle. Une guinée, pour laquelle encore une fois,  les fils et filles se sont mobilisés pour prendre en main leur destin face aux enjeux qui les interpellent en ce quart du 21 siècle.

Mesdames et messieurs ;

Distingués invités ;

Depuis un peu plus d’un demi-siècle, la plupart des Etats du continent Africain ont accédé à la souveraineté nationale. Nous avons vu notre continent changer. Nous avons exploré ses beautés, nous avons partagé ses bonheurs et caressé le rêve d’une vie meilleure. En même temps, nous avons subi le désespoir, l’aggravation simultanée des inégalités et des destructions de la nature. Notre pays la Guinée prend paradoxalement une grande part dans ce parcours Africain malgré sa dotation d’une immense richesse naturelle.

Mesdames et Messieurs;

En ce 21e siècle de la mondialisation, nombreux d’entre nous ont eu la chance et le privilège de parcourir l’Afrique et le monde, nous devons à présent capitaliser ces expériences au service du développement et du bien être en Guinée. Car notre pays est devenu au fil des années la proie d’une épidémie de crises qui accable le plus grand nombre de personnes. Les équilibres sociaux se détériorent, ceux du climat et du vivant s’effondrent. Les Hommes et les Femmes de notre temps sont désemparés.

Ils craignent pour leur emploi, leur sécurité, leur environnement, leur santé et l’avenir de leurs enfants. La marche triomphante du progrès prend les allures d’un immense malentendu, les conditions de vie se dégradent, les difficultés s’accumulent, la précarité devient un sentiment prégnant. Ces réalités engendrent pour beaucoup de nos compatriotes, la peur persistante du chômage sans fin, du déclassement, de l’exclusion, c’est l’angoisse du quotidien de plus en plus insupportable, le mal être récurrent, la perte des repères, la dissolution du lien collectif et des solidarités.

Ainsi, Il convient de rappeler aux autorités de notre pays et à sa classe politique que toutes ces crises qui résultent de la faiblesse des institutions de notre république constituent les défis majeurs de notre marche démocratique depuis l’avènement du multipartisme intégral en Guinée

Mes chers compatriotes,

Après 57 ans d’indépendance, il faut faire l’état des lieux de la politique africaine de Guinée, notamment sur les avancées et les obstacles qui freinent la marche démocratique du pays. C’est autour de cette problématique que le présent colloque va se pencher.

Cette thématique nous permettra également d’analyser les défis et les perspectives de la vie politique Guinéenne et à jeter un regard critique sur la marche démocratique pendant les cinquante dernières années en vue du rééquilibrage des pouvoirs et l’amélioration de la gouvernance démocratique dans le pays.

C’est pourquoi, à cette occasion solennelle, nous suggérons aux partenaires privilégiés de la Guinée qui ont bien voulu accepter de nous accompagner dans la réalisation du présent colloque, notamment le Groupe d’amitié France-Guinée à travers Madame Fanelie CARREY CONTE et l’organisation internationale de la Francophonie à travers Monsieur Cyrille ZOGO ONDO, la mise en place d’un comité consultatif à l’issu de cette rencontre de Paris pour évaluer annuellement le parcours démocratique de la Guinée et apporter périodiquement des solutions appropriées.

Les événements survenus ces dernières décennies en Guinée, les paroles dites par les principaux leaders de la classe politique Guinéenne, les actes quotidiens de ceux qui ont à charge la gestion administrative et politique du pays, démontrent à suffisance que l´environnement, au sens large du terme, ne favorise pas, pour le moment, les espoirs de la grande majorité de la population.

Certains comportements, malgré les discours politiques optimistes, continuent de donner à réfléchir et de faire douter peut-être de notre volonté de nous en sortir réellement.

La Guinée, malgré tous les espoirs qui peuvent aujourd´hui animer bon nombre de ses habitants, sombre dans de douloureux problèmes dont les conséquences risquent d’hypothéquer inéluctablement l’avenir des générations futures.

Pourtant la classe politique Guinéenne doit chercher les moyens de faire exister le pays dans le concert des nations, à travers une démarche originale, reflet de sa maturité politique et de sa propre spécificité.

Dans ce cadre, l´essentiel sera de redonner espoir aux milliers de citoyens qui continuent d´espérer, aux milliers d´enfants qui veulent mieux vivre pour rebâtir leur environnement délabré depuis un peu plus d’un demi siècle.

Nous pensons pour cela qu’il faudra transcender les contradictions subjectives et se convaincre que le changement dépend de chacun et qu´il est, en effet, possible de renverser le cours des événements et de transformer l’existant.

Comme dans la sous région Ouest Africaine et ailleurs dans le monde, la République de Guinée a voulu construire dans les années 90, un nouveau mode de gestion politique.

La démocratie a donc ainsi semblé naître en Guinée. Mais comment la gère t-on ? Comment la comprend-on au sein des populations ? A-t-elle aujourd’hui, malgré les difficultés qui lui sont inhérentes, tracé la voie à un avenir meilleur pour la Guinée et les Guinéens ? Voilà les questions auxquelles nous tenterons d’apporter quelques réponses au cours de ce colloque.

Chers amis jeunes ;

Vous savez autant que moi et j’ai l’intime conviction que la Guinée, aujourd’hui affaiblie et déboussolée, a tous les atouts pour rebondir. Sa plus grande richesse, c’est son capital humain au sein duquel plus de 70% a moins de 35ans, il revient donc à cette frange importante de la population de s’affirmer pour reprendre son destin en main et refonder l’espoir chez les Guinéens.

Une autre Guinée est non seulement possible, mais il est nécessaire. La créativité humaine ne fait pas défaut. Fixons-lui des priorités sans confondre progrès et performance.

L’économie, la technologie, l’argent lui même, ne sont pas des fins mais des moyens. Leur donner du sens, c’est la seule expression de la modernité.

La volonté, les compétences, la citoyenneté, l’intégrité, la générosité, l’envie d’agir et le désir de changer sont partout. Je le sais, et j’y puise mon énergie.

Le changement est déjà en marche dans la société civile. Il faut l’encourager, le légitimer, l’accompagner par la cohérence de l’action commune en fixant ensemble de nouvelles priorités. Ouvrons maintenant la porte de l’avenir en engageant la transformation économique et sociale de notre société.

Pour cela, le devoir patriotique nous impose un besoin d’organisation pour faire face à notre destin commun.

Soyons clairs, je le dis sans dogmatisme ni agressivité, le projet d’un nouveau modèle de développement est de mon point de vue incompatible avec les politiques et stratégies développer par les différents régimes successifs que notre pays a connu ces dernières années et auxquels les principaux leaders de la classe politique actuelle ont participé. C’est dans ce contexte précis que le renouvellement de la classe politique Guinéenne s’inscrit dans le sens de l’intérêt général.

Elle se situe donc à l’opposé des choix qui privilégient inégalités et exacerbation des peurs et qui sacrifient les priorités économiques et sociales.

Ne nous trompons pas chers amis jeunes car, nous avons vécu aux cotés des leaders de la classe politique Guinéenne la confiscation de la démocratie dans leur comportement à la tête des partis politiques de notre pays.

Nous avons été selon les circonstances victime ou témoin de violation flagrante des dispositions réglementaires et statutaires par les leaders sous le regard impuissant de ses collaborateurs d’un certain âge ;

Nous avons été empêchés de nous exprimer dans nos partis en raison de notre jeune âge, alors qu’aux âmes biens nés, la valeur n’attend point le nombre des années ;

Nous avons été chosifiés par nos leaders pour des besoins politiques à très cours terme ;

Nous avons été incités à la révolte populaire dans les rues de Conakry au prix de nos vies ;

Nous avons été témoins ces dernières décennies du comportement irrationnel de nos leaders à des hautes fonctions au sommet de l’Etat ;

Nous avons été et continuons à être victimes des attitudes anti démocratiques de nos leaders qui continuent encore et à se maintenir à la tête des différentes formations politiques qu’ils occupent depuis déjà des décennies en violation flagrante des documents juridiques de nos formations politiques respectives.

Il est temps et grand temps de dire non, et un non, non négociable à la violence, à la dictature, à l’ethnocentrisme, à l’exclusion et aux partis politiques patrimoniaux dans notre pays.

Dans ce moment de gravité et de complexité que traverse encore notre pays, le cercle de réflexion AGIR POUR LA GUINEE n’a pas d’autre ambition que de contribuer à ouvrir la voie d’une société nouvelle, économique et sociale. Nous le ferons avec modestie mais détermination, sans arrogance mais avec toute notre volonté et notre énergie en faveur d’une Guinée des quatre régions fortes et solidaires.

L’heure est maintenant au changement de cap pour refonder l’espoir

Le moment est venu de réduire les abîmes qui nous séparent et mettre en avant la Guinée contrairement aux agissements de la plupart de nos ainés.

Le temps de la construction et de la transition générationnelle est arrivé.

Notre désaveu envers les attitudes de nos dirigeants politiques doit être sans appel.

Mesdames et Messieurs ;

Distingués invités ;

Apaiser, se rassembler, réformer… voilà en trois mots ce qui anime ma démarche.

Apaiser d’abord en commençant par éviter les controverses ou les clivages inutiles qui ne répondent à aucune préoccupation prioritaire des Guinéens ;

Se rassembler ensuite au-delà des appartenances partisanes. Il faut certes des partis politiques pour faire vivre la démocratie, notre constitution le prévoit ainsi, mais nous constatons tous que les divisions traditionnelles ne correspondent plus aux aspirations nouvelles ;

Enfin reformer Je suis convaincu que la Guinée a urgemment besoin de réformes profondes : reformes du système éducatif en tout premier lieu sans doute, reformes du système de défense et de sécurité, reformes du système législatif et judiciaire, reformes du système de gouvernance etc… la liste n’est pas exhaustive, mais il s’agit d’attirer l’attention de la jeunesse sur la nécessité d’engager des reformes bien préparées. C’est-à-dire Co-construire le pays avec les Guinéens en privilégiant la compétence et le mérite.

Avec notre volonté commune, le courage et la détermination, je ne doute pas un seul instant que nous pouvons faire de la Guinée le miroir de l’Afrique. J’en appelle donc aux citoyens et aux citoyennes pour qu’ils se rassemblent et se mobilisent afin de transformer la volonté du cercle de réflexion AGIR POUR LA GUINEE, en énergie collective.

De l’expérience d’un désastre humain et économique  inouï qui a duré beaucoup trop longtemps, doit naître une société nouvelle dont toute la Guinée sera fière.

Mes chers compatriotes ;

Nos actions quotidiennes, en tant que simples Guinéens, doivent susciter une réalité Guinéenne concrète qui renforcera la foi du Guinéen en la paix sociale, confirmera sa confiance en la noblesse de l’âme humaine et maintiendra tous nos espoirs envers une vie glorieuse pour tous.

Tout ceci, nous le devons tant à nous-mêmes qu’aux étrangers qui souhaitent investir dans notre pays pour en faire une destination privilégiée de la sous région.

Je n’hésite pas à dire à mes compatriotes que chacun d’entre nous est aussi intimement attaché à la terre de ce beau pays. Car, chaque fois que l’un d’entre nous touche le sol de ce pays, nous ressentons un sentiment de renouveau personnel. L’humeur nationale change au profit de la patrie.

Nous sommes mus par un sentiment de joie et d’euphorie lorsque l’herbe verdit et que les fleurs s’épanouissent.

Cette unité spirituelle et physique que nous partageons tous avec cette patrie commune explique l’intensité de la douleur que nous porterons tous dans nos cœurs lorsque nous verrons notre pays se déchirer dans un conflit politique terrible, et lorsque nous verrons notre Guinée rejeté, proscrit et isolé par notre sous région, précisément parce qu’elle serait devenue la base universelle de l’idéologie et de la pratique pernicieuse, du régionalisme et de l’ethnocentrisme.

C’est pourquoi, du haut de cette tribune, je lance un appel au pouvoir public Guinéen à privilégier l’unité de la classe politique en faisant de l’opposition républicaine un partenaire dans la gestion des affaires du pays pour favoriser l’émergence d’une nouvelle classe politique en Guinée à l’horion 2020.

Aussi, j’invite l’opposition Guinéenne à plus de circonspection au regard de ses trois échecs électoraux et mettant en avant l’intérêt supérieur de la nation pour une meilleure cohabitation avec le pouvoir en vue de favoriser patriotiquement la transition générationnelle dans la gestion des affaires de notre pays.

Chers ainés de la classe politique Guinéenne ;

Vous qui avez encore la lourde tâche d’entretenir notre jeune démocratie, je voudrais vous rappeler que l’urgence et le devoir patriotique vous obligent à changer de cap.

Car, Changer de cap, c’est d’abord s’appuyer sur le meilleur de l’humanité que sont : la solidarité, le partage, la justice, la démocratie, la tolérance, la modération, la sobriété, la diversité, le juste échange.

Changer de cap, c’est s’émanciper d’un monde happé par la frénésie du toujours plus et par la compétition agressive, s’affranchir du profit et du marché sans limite, réhabiliter l’esprit public.

Changer de cap, c’est engager dès maintenant une transition vers la société nouvelle, économique et sociale, à travers un train de mesures clés et concrètes que la Jeunesse Guinéenne peut développer pour favoriser l’émergence d’une nouvelle classe politique dans notre pays.

Changer de cap, c’est enfin concourir à l’apaisement de la société en rassemblant les énergies plutôt qu’en encourageant les affrontements. Les postures de division chronique sont désormais un luxe indécent face à l’urgence et à la complexité des enjeux.

La société Guinéenne est fatiguée des idéologies creuses. J’invite chacun à prendre sa part dans la mutation en veillant évidemment à une répartition juste et équitable des efforts. Aux peurs et aux pulsions identitaires qui désagrègent les liens du vivre ensemble, il faut opposer un projet de société constructif et partagé. Le meilleur atout pour réussir le changement, c’est la diversité.

Dans ce défi majeur, je sais que la Jeunesse ne détient qu’une partie des solutions. Mais je sais aussi qu’elle a les moyens de se montrer novatrice et audacieuse, notamment dans une Guinée qui comprend seulement 4 régions naturelles et qui est devenu aujourd’hui notre biotope commun. La Guinée, notre pays peut devenir le centre d’émergence d’un nouveau modèle de développement et retrouver ainsi un éclat de référence et de fierté en Afrique et au-delà du continent.

Jeunes de Guinée,

Nous avons triomphé dans notre effort pour insuffler l’espoir dans le cœur de millions de nos concitoyens. Il est temps de prendre l’engagement de bâtir une société dans laquelle tous les Guinéens, pourront marché la tête haute sans aucune crainte au fond de leur cœur, assuré de leur droit inaliénable à la dignité humaine.

Pour cela, nous devons pouvoir engagé les autorités de notre pays dans une nouvelle dynamique qui garantie notre avenir immédiat. Comme gage de cet engagement dans le renouveau de notre pays, le cercle de réflexion AGIR POUR LA GUINEE, suggère, comme cas d’urgence aux autorités Guinéenne, la question de l’amnistie pour plusieurs catégories de nos concitoyens en exil et qui purgent encore injustement des peines d’emprisonnement.

J’ose croire sans risque de me tromper que la liberté et la sérénité doivent être leur ultime récompense.

Que la justice soit présente pour tous !

Que la paix soit là pour tous !

Que le travail, le pain, l’eau et l’électricité soient à la disposition de tous!

C’est à ce prix et seulement à ce prix que nous réussirons le pari de la réconciliation nationale pour la refondation d’une Guinée des quatre régions fortes et solidaires.

Vive la démocratie,

Vive la paix,

Je vous remercie de votre aimable attention.

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