Censure

Face à l’agitation sociale : Le pouvoir manie la carotte et le bâton

C’est comme si les remous sociaux qui ont paralysé la préfecture de Boké, durant le mois de septembre dernier, avaient eu un effet de contagion sur d’autres  préfectures de la Guinée, notamment  Kérouané et Beyla, situées dans le sud-est du pays, où les populations ont battu le pavé respectivement les 9 et 18 octobre dernier, pour réclamer l’amélioration de l’accès aux services sociaux de base et aux infrastructures.

Le pouvoir d’Alpha Condé répond à cette agitation sociale massive, par la répression des manifestants, dont la plupart sont molestés et jetés dans des prisons, tout en promettant aussi de faire face aux revendications des populations.  

La préfecture de Boké qui recèle d’importantes ressources bauxitiques a retrouvé un semblant de calme, après des manifestations qui avaient paralysé la ville pendant plus de deux semaines, en septembre dernier.

Le calme n’est que précaire, puisque ce lundi, une manifestation pacifique a été organisée dans la ville,  pour exiger le départ du directeur préfectoral de l’éducation, Sinè Magassouba. Celui-ci est accusé d’avoir déposé  une liste d’une trentaine de cadres et d’opérateurs économiques, originaires de la préfecture, au niveau de la direction du Rpg, le parti au pouvoir, les accusant d’être à l’origine des troubles enregistrés à Boké, durant le mois de septembre.

Une démarche qui aurait pour but de déclencher une chasse aux sorcières dans les rangs de ces notabilités, dit-on.

Il conviendrait de rappeler que les populations de cette cité de la basse guinée réclamaient des emplois et un accès aux services sociaux de base et à des infrastructures, lors de ces remous sociaux qui avait fortement impacté les activités dans le secteur minier.

Et vu  que les jours s’égrenaient sans une réaction adéquate des pouvoirs publics, les violences s’étaient propagées aux localités de Kamsar et Kolaboui.

Le gouvernement avait dépêché sur les lieux des services de sécurité pour mater la contestation. Causant la mort de 2 manifestants et près de 80 blessés, ainsi que d’importants dégâts matériels.

L’effet de contagion touche Kérouané,  Beyla et Kouroussa

Alors que les stigmates des violences de Boké sont encore visibles dans la préfecture minière, les populations de Kérouané et Beyla, deux villes situées dans le sud-est du pays, ont à leur tour, exprimé leur colère, à travers des manifestations de rue. Cela respectivement les 9 et 18 octobre dernier.

Ces marches qui avaient un caractère pacifique au départ, ont fini par dégénérer en affrontement entre des agents des forces de maintien d’ordre et des manifestants.

C’est à Beyla où les heurts ont été plus violents. Des cas de blessés  auraient été enregistrés ainsi que l’interpellation de 16 manifestants qui ont été transférés dans la prison civile de N’Zérékoré. Chef-lieu de province situé à une centaine de kilomètres, dont relève Beyla.

D’après les échos qui nous sont parvenus, alors que nous mettions sous presse, la tension demeure très vive dans la ville de Beyla, où la jeunesse  menace de reprendre les manifestations si les personnes interpellées ne sont pas libérées.

Préoccupé Le préfet Lamine Cissé les aurait appelés au calme et la retenue, tout en promettant que les autorités compétentes allaient accéder à leur revendication.

Il faut aussi dire que  du côté  de Kouroussa, une préfecture de la Haute Guinée, se trouvant à près de 600 kilomètres de la capitale, des orpailleurs artisanaux avaient pris la rue le 19 octobre dernier, pour exprimer leur colère contre l’interdiction qui leur a été  faite de travailler dans des zones recelant des mines d’or, par le gouvernement, au d’une unité industrielle.

Privant ainsi de nombreux habitants de la région d’emplois. Mais à Kouroussa, contrairement à Beyla et Kérouané, les autorités administratives, avec l’appui des notabilités de la ville avaient réussi à calmer les esprits, évitant ainsi tout débordement.

De l’eau au moulin de l’opposition

Cette agitation sociale qui commence à se propager à d’autres localités du pays, après les incidents survenus à Boké, ne laisse pas l’opposition indifférente. Elle s’en délecte d’ailleurs, tout en justifiant ce mécontentement des populations vis-à-vis du gouvernement, par l’incurie et le pilotage à vue des affaires de l’État, qu’elle impute au pouvoir d’Alpha Condé.

Le chef de file de l’opposition guinéenne, Cellou Dalein Diallo a exprimé sa solidarité aux populations de ces zones, lors d’un meeting qui s’est tenu au siège de son parti samedi dernier, dans la banlieue de Conakry.

« Vous avez suivi ce qui se passe à Kérouané, à Beyla, à Kouroussa. Je voudrais exprimer la solidarité de l’Ufdg avec les populations de ces localités qui ont été exposées à des violences inouïes. La ville de Beyla est aujourd’hui comme sous occupation… Des violences ont été exercées sur nos compatriotes parce qu’ils revendiquaient des choses légitimes », a déploré l’opposant.

Tout en affirmant que son parti était ‘’de cœur avec les populations de ces localités, qu’il soutient contre ce régime dictatorial qui est en train de diviser le peuple et de le soumettre à une misère injustifiable’’.

Des missions de médiation sur fond de violence policière

Dans les localités ayant en proie à l’agitation sociale, la majorité présidentielle a dépêché des délégations composées de députés originaires de ces préfectures, pour jouer les bons offices.  Des missions qui se sont heurtées parfois à l’hostilité des populations. Comme à  Kérouané, où les députés Amadou Damaro Camara, président du groupe parlementaire du Rpg arc-en-ciel et Djènè Saran Camara, tous deux natifs de la préfecture, avaient eu maille à partir avec les manifestants, qui les avaient pris à partie, le 12 octobre dernier.

A Beyla, une mission du gouvernement était attendue dans la ville, au moment où nous mettions sous presse, en vue de sensibiliser les populations sur la volonté du pouvoir de doter la préfecture d’infrastructures routières, et améliorer l’accès aux services sociaux de base, pour les populations de cette partie du pays, où règne la pauvreté.

La jeunesse de Beyla exige toutefois la libération des 16 personnes interpellées et transférées dans la prison centrale de N’Zérékoré, comme préalable à toute négociation.

On le voit, le pouvoir se montre donc très habile dans le maniement  de la carotte et du bâton, pour venir à bout des remous sociaux qui gagne de plus en plus les provinces intérieures.

Mamady Kéita (L’Indépendant)

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