Censure

Libye, Mugabe et affaire 3ème mandat : La lecture critique de Dr Mamady Kaba de l’INIDH

Le Président de l’Institution Nationale Indépendante des droits de l’homme, Docteur Mamady Kaba a, dans un entretien accordé à nos confrères de la radio  City.fm, dans son émission du dimanche « A vous de convaincre »,  abordé longuement le drame libyen, avec ces marchés aux « esclaves », révélés au grand jour dans  un documentaire de la chaîne Cnn. Dr Kaba a été également interrogé sur l’épineuse  question du 3ème mandat, après la dernière sortie du chef de l’Etat. Décryptage.       

Bonjour Docteur Mamady Kaba.  Est-ce que vous avez été pris de court, surpris par les nouvelles d’un esclavage en cours en Libye où des Africains d’origine de l’Afrique noire sont vendus, comme du bétail sur le marché libyen?

Vous savez en Libye, il y avait depuis un certain moment, des informations plus graves sur le traitement inhumain et dégradant, qui était infligé aux noirs, qui utilisaient ce pays comme transit, pour atteindre l’occident. Mais aujourd’hui la preuve est établie. Ça  fait un bon moment, qu’on avait des informations, mais c’étaient des informations difficiles à vérifier, et maintenant la preuve est établie, grâce à l’expertise   de CNN, que nous remercions de passage. Sinon ça fait peut-être plus d’une année, qu’on avait ces informations-là, mais on n’était pas capable de les vérifier.

Et donc c’était difficile de les annoncer ou de se prononcer dessus. Maintenant que la preuve est établie, il est important que les témoignages se fassent. Vous avez à tout moment des plaintes des parents, des personnes vivant en Libye. C’est-à-dire des migrants, des parents se plaignaient du fait qu’il fallait payer de l’argent pour libérer leurs fils détenus. A un moment donné, on avait pensé que   c’était un chantage de la part des migrants sur leurs familles,  parce que la majeure partie de ces migrants-là quittaient le pays sans l’aval de leurs familles.

Ou peut-être un chantage de la part des passeurs eux-mêmes ?

Des passeurs et des jeunes eux-mêmes, c’est-à-dire quand vous êtes arrivés quelque part, vous avez besoin d’argent, vous utilisez des arguments pour inciter, pour faire peur à la famille, pour l’inciter à faire envoyer de l’argent. On avait pensé que c’était un chantage de cette nature-là. Mais, maintenant que la preuve est établie, que ce n’était pas du chantage, c’était vraiment de la réalité.

Si vous ne payez pas cet argent, on  vous vendait pour récupérer cet argent-là. Il y a plusieurs niveaux de responsabilités. Ceux qui achètent, c’est-à-dire les Libyens qui achètent les migrants sont des criminels, ceux qui vendent ces migrants-là, la plupart ce sont des passeurs, des réseaux de passeurs qui vendent ces migrants et les groupes armés qui contrôlent le territoire sur lequel, le commerce là est exercé.

Les différentes factions armées qui pullulent en Libye ?

Exactement, parce qu’en réalité, il ne faut pas se voiler la face, en Libye pour le moment il n’y a presque plus d’Etat. Le gouvernement  en place n’arrive pas à installer son autorité sur la capitale, à plus forte raison sur le reste du pays. Donc c’est un gouvernement qui ne contrôle pas véritablement le territoire national. Donc ce sont des groupes armés qui font la loi sur le périmètre dans lequel ils sévissent. Ces groupes armés tirent profit du commerce des Libyens qui ont besoin.

Il faut reconnaître que l’esclavage existe dans les traditions arabes, anciennes. Donc, l’esclavage n’est pas une nouveauté, c’est juste une renaissance. Les noirs ont toujours été les principales victimes de ce commerce depuis la nuit des temps, et je pense que ça continue encore. Ce que nos ancêtres ont vécu. Nous sommes en train de le vivre aujourd’hui au 21e  siècle, ce qui est inacceptable. Donc il faut situer les responsabilités.

Sachant que la Libye n’a plus un Etat capable de contrôler l’ensemble de son territoire, pour combattre ce genre de pratique, Il faut que les Etats prennent des mesures en amont. Qu’il y ait par exemple, en Guinée, il faut qu’il y ait une loi anti-traite, une loi spécifique, une loi très claire contre la traite des personnes qui permette de traquer les réseaux des passeurs, de punir les membres de ces réseaux-là, conformément à nos lois.

Comme on a eu une loi sur le terrorisme, il faut qu’on ait une loi sur la traite des personnes. Et c’est cette loi qui va permettre à l’Etat d’identifier les réseaux des passeurs, parce que ce sont des réseaux qui sont connus et les auteurs sont connus dans les communautés. Il faut qu’il y ait une loi très claire contre la traite des personnes, c’est cette loi-là qui va permettre au procureur de poursuivre les membres du réseau des passeurs et les punir, pour qu’en amont le combat soit efficace.

Le deuxième niveau de combat, doit être mené en Libye, maintenant. Ceux qui achètent les migrants et ceux qui facilitent l’exercice de ce commerce, c’est-à-dire les groupes armés. Il faut travailler à faire en sorte que ceux-là aussi soient punis conformément à la loi. Je pense que ces deux niveaux de responsabilités doivent être identifiés, et le combat doit être mené à ce niveau-là, pour qu’on parvienne à un résultat. Les ambassades libyennes ne sont vraiment capables de rien, ce sont des fonctionnaires qui ont souvent du mal à communiquer même avec leurs pays d’origine, c’est-à-dire  la Libye, parce que le gouvernement lui-même  fait face à des sérieux problèmes de sécurité à l’interne.

Est-ce que vous êtes en train de nous dire que les mobilisations qui sont annoncées devant les différentes ambassades de Libye à travers le monde, c’est un peu un coup d’épée dans l’eau, parce qu’il n’y a pratiquement pas de relations entre les ambassades et ceux qui tiennent lieu de gouvernement ou d’Etat en Libye ?

Bon, il faut toujours se mobiliser,  les mobilisations sont très importantes parce que ça permet d’attirer l’attention du monde entier sur la gravité de la situation en Libye. Il faut toujours trouver un endroit pour le faire. Donc l’Ambassade de Libye est toujours l’endroit indiqué pour le faire, pour attirer l’attention du monde entier. Mais il ne faut pas s’attendre à un résultat de la part de l’ambassade, parce que l’ambassade elle-même a toutes les difficultés à coordonner quoi que ce soit avec les autorités du pays, qui sont confrontées à des graves problèmes sécuritaires. Le gouvernement qu’on tente de légitimer en Libye n’arrive pas à se mettre à l’abri des groupes armés. Les groupes armés sont plus forts et puissants que le gouvernement légitime, ce qui fait que ce sont les groupes armés qui contrôlent le pays et les ambassades n’ont pas le contact avec les groupes armés. Donc il ne faut pas s’attendre à ce que la solution provienne des ambassades.

La mobilisation est très importante pour montrer que nous sommes opposés à ce qui se passe en Libye. Mais la solution doit venir de nos Etats, de nos gouvernants, de l’union africaine, de la communauté internationale. Il faut qu’il y ait une union sacrée contre le phénomène. Que chaque Etat prenne des dispositions. Que l’union européenne et l’union africaine prennent une résolution très claire contre la traite des personnes. Et que chaque Etat s’approprie des dispositions de cette position de l’union africaine, afin que le réseau des passeurs soit combattu au niveau des Etats.

Et ensuite, que cette union-là travaille contre les groupes armés en Libye. D’abord, il faut travailler à faire taire les armes en Libye ; à faire en sorte que les Libyens puissent avoir un gouvernement légitime. Un gouvernement qui contrôle l’ensemble du territoire. Que tous les fils de la Libye s’unissent pour trouver un Président et un gouvernement, et ensuite faire en sorte que les Libyens contrôlent l’ensemble du territoire, que l’autorité de la loi s’exerce sur l’ensemble du territoire, sinon, il n’y aura aucune solution possible.

Il faut que la Libye ait un répondant, qu’il y ait un gouvernement légitime, un gouvernement organisé qui puisse nous aider à combattre ce genre de phénomène. Le plus important, est de parvenir en amont à trouver des lois répressives contre  les passeurs, et en aval avoir un gouvernement en Libye, avoir un Etat en Libye, avoir un répondant, pour combattre le phénomène en Libye.

Docteur, il a fallu attendre que  CNN diffuse  un documentaire sur la tragédie libyenne, pour que les africains, notamment les Institutions comme l’UA commencent à pousser des clameurs d’indignation. Est-ce que à votre avis le drame qui se joue en Libye n’est pas l’arbre qui cache la forêt par rapport au dossier de l’immigration, quand on sait que tous les ans des milliers de sub-sahariens meurent noyer dans la méditerranée, en tentant la traversée à bord d’embarcations de fortunes ?

Oui ! Effectivement, c’est l’arbre qui cache la forêt. Il y a beaucoup de tragédies en Libye, il a fallu que cette situation d’esclavage soit mise sur la place publique pour qu’on s’indigne. Mais il est évident qu’il y avait beaucoup de maltraitances pas seulement en Libye. Nos frères et sœurs subissent des maltraitances d’une extrême gravité dans des pays comme l’Algérie.

Un traitement aussi qui avoisine l’esclavage ?

Vraiment, qui avoisine l’esclavage, et personne ne pipe mot. Il faut encore qu’il y ait des révélations scandaleuses, pour qu’on commence à verser des larmes de crocodiles. Effectivement, les informations existent. En Libye, en dehors des migrants qui meurent en haute mer, il y a même les populations libyennes qui subissent des atrocités incroyables, des personnes qui subissent des abus sexuels, des abus de tout genre, des exécutions sommaires, des fosses communes sont découvertes. Des personnes qui sont tuées pour leurs appartenances etc.

Il y a au fait un pays divisé entre quatre factions armées qui font la loi en Libye…

Effectivement, entre quatre factions, et chaque faction fait la loi sur son territoire. Et les dirigeants africains ne peuvent pas dire qu’ils ne sont pas au courant de ces exactions-là. Il y a des atrocités en Libye, ce qui se passe en Libye, ce que subissent les Libyens eux-mêmes c’est innommable, aujourd’hui, il y a un scandale qui est révélé, qui attriste tout le monde, qui est l’esclavage. Mais il faut travailler à créer un Etat.

Ce qui se passe en Libye, hors du commentaire, personne n’est capable aujourd’hui de donner un tableau exhaustif des tragédies qui se passent en Libye. La Libye est devenue aujourd’hui, un territoire de tragédies,   les Libyens eux-mêmes n’échappent pas à la tragédie. Les exécutions sommaires sont monnaies courantes, des personnes qui sont enterrées vivantes etc. Donc il faut vraiment  travailler à trouver une solution de longue durée, et la solution durable consiste à doter la Libye d’un gouvernement légitime, d’un Etat viable.

Dr, est-ce qu’il faut remettre sur pied l’Etat libyen, il faut punir les passeurs qui marchandisent ces migrants, il faut punir ceux qui les achètent et qui les réduisent en esclavage, mais il y a aussi une complicité pour ne pas dire une culpabilité de l’Europe, parce que ces personnes qui s’échouent en Libye, qui ne parviennent pas à rejoindre le territoire européen sont victimes d’une politique qui fait que tout ce qui se passe là aussi l’Europe ne peut pas ne peut pas dire qu’elle n’était pas au courant de ce trafic d’êtres humains?

L’Europe n’est responsable que de ce qui se passe sur son territoire, en tout cas les migrants qui parviennent à atteindre les côtes européennes sont pour la plupart sauvés. Il y a des actions pour sauver les vies des migrants sur mer quand ils sont sur les côtes occidentales. Et ceux qui parviennent à atteindre le territoire européen, ont quand même un traitement qui prend en compte la dignité humaine etc. Tout n’est pas parfait. Il y a aussi des comportements condamnables qui se passent là-bas, mais dans l’ensemble les droits des migrants ne sont pas forcément violés comme c’est le cas en Libye.

La situation en Libye, les Africains sont ceux qui doivent trouver la solution. L’Europe doit nous accompagner, mais nous sommes responsables, nous Africains de ce qui se passe en Libye. Nous devons travailler à arrêter les violences qui se passent en Libye.

Dr, Quand on sait que la Libye quoi qu’on dise de Kadhafi et de son régime était un pays stable. On sait qu’il a fallu que la Libye soit envahie suite à une résolution prise par les nations unies, et cette invasion était menée au bâton  par un pays comme la France. Est-ce que cela ne prouve pas d’une autre manière que si la Libye vit toutes les tragédies que vous avez décrites là, c’est parce que ces pays occidentaux ont fait tomber un régime qui d’une manière ou d’une autre, gardait quand même une stabilité ?

Personnellement, je n’ai pas apprécié ce qui est arrivé en Libye avec l’assassinat de Mouammar Kadhafi. Il faut bien voir la situation, il y avait de la stabilité en fait en Libye, parce que cela repose  la question de l’alternance. Quand la stabilité d’un Etat s’organise autour d’un individu ou d’un groupe d’individus, l’Etat n’est pas stable. L’Etat n’est stable que quand vous avez l’alternance démocratique, des institutions fortes et vivantes dans le pays. Quand un individu est emporté soit par la guerre soit par la mort brutale etc, l’Etat continue de fonctionner, et l’Etat peut survivre à l’individu qui est mort.

Vous avez vu la mort du Président au Ghana. Les Institutions se sont mobilisées, la démocratie a survécu à la mort du Président. Je vous assure si le colonel Kadhafi était mort de sa belle mort, la Libye connaîtrait le sort qu’elle connait aujourd’hui parce que tous les ingrédients étaient créés pour que le pays implose. Le colonel dirigeait le pays d’une main de fer. Donc il était une personnalité charismatique qui dirigeait le pays d’une main de fer, mais soyez sûrs que même si le colonel Kadhafi n’avait pas été tué, s’il mourait de sa belle mort sur son lit de maison où d’hôpital, la Libye connaîtrait le sort qu’elle connait aujourd’hui. Parce que tout tenait à sa seule personne, la corde de la stabilité tenait à sa seule personne. Donc il fallait que Kadhafi soit immortel pour que la stabilité soit durable.

Donc c’est pourquoi, il est important que la stabilité des Etats ne  tienne pas à un individu. Qu’il y ait l’alternance, qu’il y ait des institutions fortes et solides qui font du pays un Etat vivant, un Etat qui survit à la chute d’un régime, qui survit à la mort d’un individu, un Etat qui est capable de se défendre contre les risques sur la stabilité. Mais quand ça tient à un seul régime, soyez sûrs qu’il n’y a pas de stabilité.

Vous devez participer dans quelques jours à Abidjan, à un atelier organisé par l’association francophone des Institutions nationales indépendantes des droits de l’homme, qui portera sur l’immigration. Est-ce que vous pensez que des décisions fortes sortiront de cette réunion sous régionale ?

Exactement, les Institutions nationales des droits de l’homme de la francophonie vont se retrouver pour échanger sur la question et moi-même je fais partie des panelistes. Je pense qu’il est important que nous parvenions à quand même des positions qui pourraient aider nos gouvernements respectifs à faire en sorte que la question de la migration trouve une solution durable. Parce que c’est vraiment très révoltant. Ce qui se passe en Libye, nous n’avons pas toutes les informations de ce qui se passe en Libye. Toutes les informations ne sont pas mises sur la place publique ; ces informations qui circulent aujourd’hui ne constituent que  la partie visible de l’iceberg. Ce qui est caché derrière est beaucoup plus important, que ce que nous savons aujourd’hui. Ce que nous savons est déjà très révoltant.

On parle même en dessous de trafics d’organes humains, Dr Kaba?

Exactement. On ne peut pas mettre toutes les informations à la place publique sinon, ça va créer autre chose. Beaucoup des migrants sont tués, les organes sont enlevés et vendus.   Les trafics d’êtres humains  et d’autres exactions sont commis. Je vous assure que ce que nous savons sur les réalités aujourd’hui en Libye ne constituent pas les 10% des exactions qui se passent en Libye.

Il y a une véritable tragédie humaine en Libye. Il faut que nos dirigeants se lèvent. Ce qui se passe en Libye est très grave et très révoltant, nous ne savons que très peu. Alors, il est important de travailler à mettre un gouvernement en place, de mettre fin à l’influence des factions sur le territoire. Et dès que cela se fera, vous allez voir, les informations vont commencer à sortir. Mais je vous assure, il y a des informations suicidaires.

La sortie médiatique du Président Alpha Condé, en France, dans une interview qu’il a accordée à des journaux français par rapport au 3ème mandat,  il  dit  clairement  que : ‘’c’est le peuple qui décidera, pour le moment ce n’est pas à l’ordre du jour’’. Alors Dr Mamady Kaba, comment avez-vous accueilli cette autre sortie du Président Alpha Condé ?

Nous continuons d’être préoccupés. Le peuple a déjà décidé en mettant dans la constitution un nombre de mandats limités à deux, non renouvelables. Que les deux mandats soient consécutifs ou non. Et une volonté ferme a été dégagée, prenant en compte  les dispositions de cette même constitution qui interdisent la révision sur la forme républicaine de l’Etat, sur le nombre de mandat, sur la durée de mandat etc. Donc à mon avis, le peuple a déjà décidé. Si le Président dit qu’il se conforme à la volonté du peuple. Moi, je considère alors que le Président ne touchera pas à la constitution. Nous avons un espoir que ce que le Président Alpha Condé peut faire aujourd’hui pour la démocratie en Guinée ; il ne sera pas facile qu’un autre Président ait le profil nécessaire pour le faire.

Donc nous avons aujourd’hui une opportunité unique avec le Président Alpha Condé de renforcer la démocratie et puis l’Etat de droit. Et je pense personnellement que nous ne devons pas rater cette opportunité. Le Président Alpha Condé comprend hautement que l’espoir suscité par le monde entier quant à son avènement au pouvoir. L’espoir reposait sur sa capacité, son profil qui correspond à celui qui va renforcer la démocratie et l’Etat de droit en Guinée. Parce que la priorité en Guinée, c’est de créer un Etat de droit qui soit vivant, qui mette tous les citoyens au même pied d’égalité, et qui garantisse la stabilité de la Guinée sur le long terme. Parce que nous avons suffisamment souffert.

Il fallait que le peuple confie sa destinée à quelqu’un qui en a le profil, dans l’espoir que la démocratie en sortirait renforcée.

Que la Guinée serait stabilisée pour toujours, et c’est l’espoir que nous continuons de nourrir. Je continue d’appeler le Président Alpha Condé à ne pas sortir de cette logique. Nous comptons véritablement sur lui, pour renforcer la démocratie, la stabilité de la Guinée. Si nous ratons cette opportunité avec lui, il est possible que la Guinée s’éloigne de la stabilité et de l’Etat de droit, auquel on a aspiré, qui a coûté la vie à des nombreux jeunes guinéens. Notre démocratie, nous ne l’avons pas reçue sur un plateau d’or.

Des centaines de jeunes guinéens ont donné leurs vies pour que la Guinée soit un Etat démocratique, stable et prospère, parce que nous avons tous les moyens de la prospérité. Nous avons seulement besoin de la stabilité, d’un Etat de droit viable, pour que les ressources servent à un développement harmonieux de notre pays. Donc aujourd’hui la priorité des priorités est le renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit. Aujourd’hui, le principal défi auquel cette démocratie est confrontée, c’est bien le défi de l’alternance démocratique et de l’institutionnalisation du pays. Et je pense que nous pouvons toujours espérer que cette fois-ci, c’est la bonne. Que nous ne raterons, que nous ne manquerons pas, ce rendez-vous avec la stabilité et la prospérité.

Le Président Alpha Condé se livre à une communication qu’on pourrait qualifier de subliminale,  puisqu’il dit  ‘’c’est au peuple d’en décider.’’ Est-ce que cela ne laisse pas entrevoir la possibilité d’organiser un référendum à cette allure-là ?

Je ne veux pas croire à ça, sincèrement.

Vous, vous aviez au sortir d’une des marches de l’opposition, demandé vivement au Président de faire une déclaration dans les meilleurs délais pour dire qu’il ne serait pas candidat en 2020, on s’en souvient?

Oui, vous savez, nos recommandations sont consultatives, et pas d’obligation pour le Président de les mettre en œuvre. Mais ce qui est important, je veux continuer de croire que la volonté du peuple dont parle le Président se trouve déjà inscrite dans la constitution. Je n’ose pas imaginer que nous irons plus loin que ça, parce que la situation dans laquelle l’Afrique se trouve aujourd’hui, pas seulement la Guinée mais l’Afrique, les peuples sont devenus vivants et exigeants.

Je crains que la levée des verrous sur le nombre de mandats, ne fasse retomber le continent africain dans des pratiques, qu’on croit aujourd’hui révolues.

La situation au Zimbabwe, nous donne à réfléchir parce que quand on connait le passé du comrade Bob, c’est quelqu’un qui a beaucoup lutté pour l’indépendance de son pays. Il a donné à son peuple la raison d’être fier de lui-même. Il était une icône pour son pays. Mais pour n’avoir su quitter le pouvoir quand c’était nécessaire, il s’expose aujourd’hui à une humiliation. Il n’aurait pas dû connaître cette humiliation. Il devait être une icône pour son pays.

Robert Mugabe devait être chanté par son pays pour toujours. Parce qu’il a posé des actes qui sont uniques dans l’histoire de son pays. Il a soutenu l’ANC en Afrique du Sud. Il a soutenu les peuples d’Afrique dans leurs luttes pour l’indépendance. Il a nationalisé des terres dans son pays. Il a donné à son peuple et à l’Afrique des raisons d’être fiers, et c’était important qu’il comprenne alors qu’il devait partir du pouvoir au bon moment, pour ne pas s’exposer à l’humiliation. Faire comme l’a fait Nelson Mandela, quitter pendant qu’il est temps.

Donc moi, j’appelle  tous les dirigeants africains à comprendre que l’alternance au pouvoir, c’est d’abord pour les Présidents qui sont en exercice. Parce que ces Présidents donnent à leurs peuples, des raisons de leur exprimer la reconnaissance,  durant tout le reste de leurs vies.   Et c’est important quand on a marqué son pays. Quand on agit dans l’intérêt de la stabilité, de la démocratie et de l’Etat de droit, de partir au bon moment, et ne pas accepter de se faire chasser du pouvoir.

Une synthèse d’Alpha Amadou Diallo   

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