Censure

Retour de Kouyaté, Alpha, Chantal Colle…Faya François Bourouno lance un pavé dans la marre

Faya François Bourouno, chargé de communication du Parti de l’espoir et du développement national (PEDN), explique dans cet entretien les raisons qui font que son parti ne prendra pas part aux manifestations de l’opposition, prévues après le ramadan. Il aborde également le cas de la gouvernance Alpha Condé, et l’affaire de « diffamation » qui oppose Lansana Kouyaté et dame Chantal Colle. Entretien.

Comment se porte actuellement le PEDN ?
Faya François Bourouno : Le parti se porte très  bien. Les militants sont très engagés. Les structures travaillent. Nous avons mis en place une commission pour préparer la réception du Président du Parti qui arrive là dans les prochains jours. Le bureau exécutif se réunit pour prendre les décisions et les exécuter. Les inspecteurs politiques suivent les instructions du bureau exécutif et coordonne également les activités des fédérations qui leur sont confiées. Les fédérations aussi travaillent. Elles aussi coordonnent les activités des sections et des sous sections. Nous avons des difficultés par endroit au fur à mesure avec les inspecteurs que nous désignons pour superviser les activités des fédérations qui nous remontent des difficultés pour y faire face. Donc c’est pour vous dire que le parti se porte très bien.
Quelle analyse faites-vous de la situation socio-politique et économique actuelle du pays ?

C’est une question très vaste. Mais en somme il faut reconnaître que la situation sociale, politique et économique de la Guinée, elle est très dramatique, elle est calamiteuse et elle ne laisse aussi aucune perspective. L’exécutif ne donne aucun sens de tracer les perspectives pour dessiner un bon avenir pour la Guinée. Aujourd’hui vous prenez la
situation au plan social, vous constaterez que les Guinéens sont de plus en plus divisés. Le discours communautaire est en train de prendre le devant sur les discours politiques, sur les discours rassembleurs.
Les Guinéens se sentent beaucoup plus dans leurs communautés, dans leurs ethnies qu’au niveau de la nation. La nation est en train de disparaître. Il y avait des problèmes avant, mais Alpha Condé est venu aggraver ces problèmes aujourd’hui. Il a cultivé ce qu’on appelle la politique de division, familiale, communautaire, ethnique et régionaliste. Quant à l’insécurité, vous voyez combien de fois les Guinéens sont incertains de leur vie même. Parce que tous les jours c’est une comptabilité macabre qu’on lit dans les quartiers. Le régime devient de plus en plus effacé. L’Etat n’existe plus en Guinée, ce sont les populations qui règnent dans les quartiers, dans les villes, dans les communes. Partout les citoyens se regroupent pour demander qu’on ne veut plus de ce préfet, le soir le décret tombe. Donc la règle n’est plus dictée par l’Etat, mais plutôt c’est l’Etat qui est en train de subir la règle du peuple dans le désordre. Au plan politique vous constaterez qu’il n’y a pas de dialogue politique dans ce pays. On ne sait plus qui est le maître de la situation. La constitution prévoit que le Premier ministre soit l’initiateur du dialogue politique dans le pays. Malheureusement tel n’est pas le cas. On est en train de gouverner la Guinée dans l’inobservation totale de nos textes de lois. Le président de la République continue à prendre part aux réunions au sein de son parti, ce qui est inconstitutionnel.

Sur le plan économique ?
Vous prenez la situation économique, elle est caractérisée par la misère qui s’installe de plus en plus. Les indicateurs macro-économiques sont totalement au rouge. Le chômage est devenu très inquiétant. Il n’y a pas de perspective de développement. Le pouvoir d’achat du Guinéen est devenu aujourd’hui insupportable. Les prix ne font que grimper. D’ailleurs c’est une première fois qu’on constate que le régime n’envisage aucune mesure pour alléger un peu le panier de la ménagère à des périodes aussi sensible comme le mois de ramadan. Il n’y a pas de coordination, de politique pour relancer réellement l’économie. Ne serait-ce que pour stabiliser certaines tendances qui détériorent les conditions de vie des citoyens, notamment la tendance par rapport au chômage, par rapport au taux d’inflation qui doit être un stabilisateur maîtrisant la dimension des prix, mais aussi maîtrisant la dimension du rapport entre la monnaie nationale par rapport aux monnaies étrangères. Mais aujourd’hui vous constatez qu’à ce niveau, il y a un rebond très négatif qui est en train de se faire sentir. L’euro aujourd’hui est à un million de franc guinéen, le dollar est presqu’aussi à un million. Tout cela dénote de la faiblesse de notre production, mais aussi de l’incompétence dans la gestion de notre politique économique qui pratiquement n’existe même pas.

Lors de la présentation du résultat de la consultation nationale sur la réconciliation en Guinée par la commission provisoire de la réconciliation nationale, Alpha Condé n’a pas serré la main à Cellou Dalein Diallo. Votre commentaire?
Si Alpha qu’on connait avait serré la main à Cellou Dalein ça m’aurait surpris, ça allait paraître devant moi comme du rêve. C’est dommage pour la Guinée. Il y a des problèmes en Guinée par rapport au tissu social. Il faut que les Guinéens soient réconciliés. Mais il ne faut pas qu’on pense qu’on a besoin d’avoir un même processus de réconciliation que celui mis en place en Côte d’Ivoire ou au Rwanda, ou en
Somalie ainsi de suite. La Guinée n’a pas besoin de tels efforts pour réconcilier les Guinéens. On a besoin d’avoir un Homme d’Etat ici, qui  dirige la Guinée, qui donne de bons exemples qui se comporte en véritable Homme d’Etat, un véritable Père de la nation. Le Président de la République a besoin de mettre en place une administration dépolitisée, basée sur des compétences et sur l’impartialité totale. Le président a besoin lui-même d’avoir un discours qui unit.
Qu’est ce qui a motivé le départ du PEDN de l’opposition républicaine?
Il n’y a pas eu de départ en quelque sorte, il faut qu’on soit clair. A l’époque nous étions un groupe de l’opposition, il y avait le Collectif des partis pour la finalisation de la transition, il y avait l’ADP (l’Alliance pour la démocratie et le progrès). Les deux groupes se réunissaient et prenaient des initiatives ensemble, organisaient des manifestations, faisaient des déclarations communes. Mais on visait un objectif. Cet objectif au début c’était d’avoir la tenue des élections législatives. Malheureusement comme vous le savez ces élections étaient mal propres. Alors l’opposition s’est réunie à l’époque, on s’était dit de ne pas aller à l’Assemblée. Tous les partis de l’opposition républicaine étaient signataires de cette déclaration. Alors qui a trahi? Ce sont les autres qui sont allés finalement contre leur dire. Le PEDN est resté sur la position dictée par le groupe. Le PEDN avait dit aussi que l’accord du 20 août ne rapporterait à rien, on tombait dans le piège du coup K.O qui s’annonçait déjà. Malheureusement on n’a pas été écouté, on est allé à ces élections. Vous avez vu aujourd’hui le résultat. A Paris les trois anciens Premiers ministres ont signé une déclaration constatant les
différentes violations constitutionnelles effectuées par M. Alpha Condé, ils ont tiré la conclusion de déclarer son illégitimité à la tête de ce pays. Mais quand certains sont venus, vous avez vu les audiences à Sékhoutoureya, ça a remis en cause la déclaration. Qui a trahi? Nous nous sommes restés sur nos lignes de l’opposition pour jouer le rôle de l’opposition. Une opposition c’est une vision. Une opposition ce n’est pas agir sur des circonstances. Aller à l’Assemblée parce qu’on paie des salaires. Si aujourd’hui on regarde le bilan qu’on a, il y a eu combien de morts, combien de commerçants ont perdu leurs biens, est-ce qu’il fallait privilégier les salaires à l’Assemblée par rapport à l’enjeu qui est en face de nous. Quelle est la loi la plus sérieuse qui a été amendée, adoptée à l’Assemblée dans l’intérêt supérieur du peuple de Guinée. Au contraire il y a une loi qui est passée à cette Assemblée où on autorise désormais les forces de l’ordre à tirer sur des manifestants. Voulez-vous que le PEDN s’associe à de tels comportements? Nous, nous disons non. On ne quitte pas l’opposition, nous restons de l’opposition politique mais avec une méthode d’action différente, que celle que nous avons appliquée à l’époque avec les autres qui ont donné des résultats insignifiants.

L’opposition républicaine projette des manifestations de rue dès après le mois de Ramadan. A votre avis est-il opportun d’organiser des manifestations à l’heure actuelle ?
La manifestation est un droit constitutionnel. C’est l’esprit de l’article 10 de notre constitution. Au-delà de ça, la question qu’il faut se poser, on manifeste pourquoi ? Quel est l’objectif que nous visons ? Ce ne sont pas des actions saute-mouton qu’une opposition a besoin. On a besoin d’avoir des actions responsables avec des objectifs clairs et caractérisés par la plus grande conviction à réaliser les objectifs qu’on se fixe. On n’incrimine pas  ceux qui organisent des manifestations, nous invitons simplement à ce que l’esprit du pacifisme puisse régner. Parce qu’à chaque fois qu’un Guinéen meurt, c’est toute la Guinée qui perd. Nous nous dissocions de toute décision allant dans le sens d’avoir les mêmes pratiques qu’hier et avec les mêmes objectifs qu’hier. Nous voudrions avoir des démarches désormais beaucoup plus coordonnées, beaucoup, plus responsables avec beaucoup plus d’objectivités. A l’époque, nous étions très attachés à ce que les manifestations puissent continuer jusqu’à l’obtention de nos revendications. Mais les manifestations à l’époque ont été arrêtées contre la volonté du PEDN. Donc ils sont dans une démarche légitime et légale. Mais nous, nous ne participerons pas à ces manifestations. Pour le moment nous nous privilégions d’abord d’autres méthodes d’actions.

Dans une de vos récentes sorties médiatiques, vous dites que les mandats du gouverneur de la Banque Centrale et ses vices gouverneurs sont arrivés à terme. Expliquez ce passage à nos lecteurs?
L’article 50 du statut de la Banque Centrale stipule que le gouverneur et ses deux vices gouverneurs sont nommés par décret du président de la République pour un mandat de 5 ans, renouvelable une seule fois. Alors les trois gouverneurs actuels ont été nommés le 27 décembre 2010. Le 27 décembre 2015 leur mandat donc est à terme. Au jour
d’aujourd’hui nous sommes au mois de juillet 2016. Donc aujourd’hui ils doivent être soit remplacés ou un décret doit être pris par le président de la République pour les reconduire. C’est ce que la loi stipule. Mais aujourd’hui ils exercent une fonction totalement illégale.

Que pensez-vous de la commission de réflexion sur l’éducation mise en place par le président de la République?
Ça fait rigoler. Les problèmes de l’éducation guinéenne sont connus, on n’a pas besoin d’une commission de diagnostic. L’éducation c’est une question d’orientation. Nous avons besoin des salles de classe pour que les enfants puissent étudier dans un cadre beaucoup plus cohérent.
Nous avons besoin des cadres formés pour que les élèves et étudiants guinéens puissent avoir des cours de qualité. Nous avons besoin d’infrastructures techniques, technologiques et scientifiques adéquats pour que nos étudiants puissent accéder à des plates-formes leur permettant de mettre en pratique ou d’améliorer leur niveau d’apprentissage. Est-ce qu’on a besoin d’une commission de réflexion pour dire que la Guinée a besoin d’une université. Depuis qu’Alpha est au pouvoir, quelle est l’université  qu’il a construite. Quelle est la bibliothèque qu’il a construite dans les universités. Rien de tout cela. La promesse ‘’un étudiant une tablette’’ ; les étudiants ont des tablettes ? Est-ce qu’il faut une commission de réflexion pour donner encore des tablettes aux étudiants. Alpha est à six années de
gouvernance sans poser un seul acte pour accompagner ou améliorer le système éducatif guinéen. Il est en train de nous embobiner dans des histoires de commission de réflexion.

 Où en est-on dans l’affaire qui oppose votre président Lansana Kouyaté à Chantal Colle ?
Chantal a fait une déclaration, il lui appartenait d’amener des preuves. Vous savez quand quelqu’un est caractérisé d’une certaine immoralité, ne lui fait pas ton compagnon, ne lui fait même pas ton rival. Chantal Colle ne vaut rien. C’est une personne qui s’est couchée la nuit, qui s’est réveillée avec ce qu’elle n’a jamais rêvé dans sa vie. Au jour d’aujourd’hui, nous avons besoin de parler des gens qui ont des convictions, qui ont de la moralité, qui ont de la dignité, des gens sur les quels la Guinée peut compter. Mais pas des gens qui ont contribué à détruire la Guinée, qui sont caractérisés par
l’indignité, dont Chantal Colle.

L'indépendant

Entretien réalisé par Alpha Amadou et Sadjo Diallo

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