Censure

Contrat ARPT-Subah : un gouffre financier sans fond

Depuis 2015, l’Agence de régulation des postes et télécommunications (ARPT) fait appel aux services de l’entreprise Subah Infosolutions pour superviser le trafic de télécommunications à l’échelle du pays, moyennant un contrat quinquennal au montant faramineux (4,2 millions de dollars annuels, l’équivalent de 350 000 dollars par mois). Pourtant, les résultats obtenus par Subah, loin de répondre aux attentes, font douter de la capacité du prestataire ghanéen à assurer un tel service à l’échelle d’un pays.

Après cinq ans de services décevants, à l’heure de renégocier le contrat – qui a pris fin le 10 novembre dernier -, l’Etat semble contre toute attente envisager de le prolonger de quelques années.  Face à une telle décision, on ne peut que s’interroger sur les motivations, tant officielles qu’officieuses, qui le poussent à reconduire un contrat qui n’a pas convaincu.

Une première hypothèse serait de considérer que Subah Infosolutions est un leader incontournable de la régulation des TIC. Un simple retour sur l’histoire de l’ARPT suffit à écarter cette option. En effet, avant son entrée e scène en 2015, c’est l’entreprise Global Voice Group (GVG) qui collaborait avec l’autorité guinéenne pour gérer le trafic voix et data du pays. Si le bilan de GVG était encourageant, sa plateforme ayant permis de récolter près de 150 millions de dollars entre 2009 et 2015, le contrat a été brutalement rompu par le DG de l’ARPT de l’époque, Mustapha Mamy Diaby. Cette initiative soudaine et unilatérale avait d’ailleurs suscité de nombreuses interrogations, entraînant une condamnation de l’ARPT par la Cour d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Paris à 21,7 millions de dollars pour rupture abusive de contrat et impayés. Un précédent qui rappelle que Subah est loin d’être le seul prestataire RegTech en Afrique.

Conflit d’intérêts ou pot-de-vin ?

Autre hypothèse, qui reste à réfuter : celle de possibles intérêts pour des membres influents de l’ARPT à reconduire un contrat avec l’entreprise Subah. Des rumeurs circulent en effet concernant une éventuelle implication de l’ancien DG de l’ARPT et ministre des Postes, télécommunications et de l’économie numérique, Mustapha Mamy Diaby, ce qui expliquerait pourquoi ce dernier avait choisi de rompre avec GVG pour s’associer à Subah. Conflit d’intérêts ou pot-de-vin ? Le bruit court en tout cas que l’ancien DG aurait des intérêts officieux dans cette affaire.

Tous les regards se tournent donc aujourd’hui vers l’autorité de régulation guinéenne, pour savoir si cette dernière fera l’erreur de reconduire un contrat décevant, les résultats n’ayant pas été au rendez-vous ces cinq dernières années. L’une des raisons avancées est le fait que Subah prélève les statistiques d’appels (CDR) directement auprès des opérateurs alors même que le prestataire s’était engagé à les collecter de manière instantanée et indépendante. Au final, cela a permis aux opérateurs de ne déclarer qu’une partie de leurs chiffres, leur permettant de réduire les taxes dues de manière substantielle. Un non-respect de contrat que tout autre institution se serait empressée de sanctionner, d’autant que ce service a coûté cher au contribuable guinéen.

Pourtant, alors même que ce contrat pèse lourd dans les finances de l’Etat et qu’il a conduit l’ARPT au bord du gouffre, cette dernière semble sur le point de le renouveler… Incompréhensible !

Mohamed Kaboul, journaliste indépendant

Le contenu de cet article n’engage pas la rédaction de guinee7.com.

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