Censure

Interview/Maimouna Diakhaby, une des animatrices de ‘‘#PasSansElleGN’’ dit tout sur le mouvement

Maïmouna Diakhaby, est une activiste, membre du mouvement des femmes qui, depuis la mise en place du dernier gouvernement, dénonce la sous représentativité des femmes. Sur les réseaux sociaux, le mouvement a créé le hashtag ‘‘PasSansElleGN’’. Et qui marche ! Nous avons eu un entretien à bâton rompu avec elle.

Vous avez créé un mouvement féministe avec, sur les réseaux sociaux, le Hashtag ‘‘PasSansElleGN’’, qu’est-ce qui vous a amené à cela ?

Le mouvement émane en fait de la consternation face à la sous-représentation des femmes dans le gouvernement actuel. Comme vous le savez, le président de la République a continuellement dédié ses deux mandats aux femmes, et également lors du 8 mars, il a promis à la majorité silencieuse qui est majoritairement composée de femmes de mettre en place un gouvernement qui sera à l’écoute de la population. Donc, nous avons estimé que cela n’a pas été fait et nous avons voulu donc parler de notre mécontentement, puisqu’on estime que les Guinéennes sont suffisamment capables d’intégrer les instances de décision de la Guinée et qu’elles y ont droit, parce qu’elles représentent la majorité de la population, et également parce qu’elles sont compétentes. Donc, c’est à cet égard qu’on a créé le mouvement.

pour que la problématique des femmes soit prise en compte de façon adéquate, il faut plus de femmes dans le gouvernement

Vous dites que le président de la République voulait un gouvernement à l’écoute de la population, alors est-ce que vous pensez qu’il n’y a que des femmes qui écoutent les femmes, c’est-à-dire la majorité de la population, comme vous le dites ?

Pas du tout ! Pour que la problématique des femmes soit prise en compte de façon adéquate, il faut plus de femmes dans le gouvernement. Les femmes sont plus a même de comprendre et de régler certaines problématiques propre à elles. Hormis le fait juste d’écouter les populations, elles font partie intégrante de la population et elles ont droit au même titre que les hommes de diriger les instances décisionnelles du pays. Ces instances qui poussent l’avenir du pays, qui nous impactent par leurs décisions tous les jours.

A vous entendre ou quand on regarde comment le mouvement avance, on a comme l’impression que l’on a tendance à faire croire à la population qu’être ministre déjà c’est peut-être une récompense, c’est de ne pas aller travailler, c’est de bénéficier des privilèges…

Je pense qu’être ministre, n’est pas un privilège, c’est un droit auquel ont droit les femmes et les hommes. Les ministres, j’ose imaginer qu’ils travaillent, normalement c’est les fonctions les plus hautes. Cela veut dire que pour être ministre, il faut gravir les échelons, en tout cas dans toute élite. Etre ministre, c’est par le mérite qu’on gagne cette place, c’est une haute fonction pour tous les cadres. Simplement, ce que nous sommes en train de dire, on ne peut nommer un gouvernement qui doit présider la vie de cette nation, c’est la nôtre à tous, femmes comme hommes, sans qu’il n’y ait des femmes. Il faut qu’il y ait des femmes qui puissent aussi défendre.

Mais, il y a des femmes, peut-être en nombre insuffisant !

Mais il y a très peu de femmes, alors qu’on est 52% de la population, il faut au minimal que de façon proportionnelle qu’on puisse se retrouver dans les instances dirigeantes, surtout que nous avons la capacité d’occuper ces fonctions.

Les femmes sont discriminées de façon systématique et systémique

L’autre question est que le poste de ministre est un poste politique ; il se trouve que nos femmes acceptent d’être utilisées en politique, elles ne viennent pas, c’est ce que disent les politiciens. Les femmes préfèrent se plaindre après : on ne nous a pas prises. Mais en réalité, elles ne militent pas normalement, elles ne se mettent pas dans la politique, et elles veulent occuper des postes politiques.

Premièrement, quand on dit politique, on a l’impression que parce que c’est politique, on peut mettre des gens qui ne sont pas compétents. Même quand vous regardez parmi les hommes, il y a des ministres qui ont des fonctions politiques, mais qui ne sont pas compétents. Alors que la politique, ça veut dire quoi ? La définition de la politique, c’est la gestion de la cité. Donc, normalement, ceux qui sont dans la politique sont ceux qui doivent être méritants. Cela veut dire qu’on ne doit avoir que des hommes compétents qui siègent dans ces instances de hautes décisions et ce n’est pas le cas en Guinée ; parce que quand on parle politique, on pense que c’est de la Mamaya. Secundo, les femmes, quand elles ne rentrent pas dans la politique, c’est parce qu’elles sont discriminées de façon systématique et systémique. Pour pouvoir faire de la politique, il faut en avoir les moyens. Souvent les femmes puisqu’elles subissent des discriminations systémiques ont peu de moyens et donc pas les mêmes chances que les hommes. Quand on prend par exemple cette question de parité, de quotas ; si on avait des quotas, les femmes allaient être plus à même d’être représentées en politique. Mais quand vous regardez la base des partis politiques, la majorité, ce sont des femmes, elles se lèvent, elles votent, par contre, elles n’arrivent pas à accéder aux postes.

Vous pensez que c’est la faute aux hommes ?

C’est la faute au système et le système, il est établi majoritairement par les hommes !

L’autre question, c’est un reproche que les gens peuvent faire à votre mouvement, vous n’avez pas fait de mouvement de soutien aux femmes qui se sont présentées par exemple à la présidentielle, on ne vous a pas vues !

Tout à fait, là je suis d’accord. Maintenant je vais vous dire, nous n’avons pas soutenu les collectivement ces femmes, mais de façon individuelle. C’est la première fois qu’on parvient à créer un mouvement qui regroupe l’ensemble des femmes de toutes les couches sociales. Le même soutien n’a pas été donné aux femmes politiques, le soutien-là a été donné de façon individuelle. Aujourd’hui, grâce aux réseaux sociaux, on a pu venir ensemble. A l’époque, on n’avait pas entièrement cette confiance-là, mais nous l’avons aujourd’hui ; donc, il faut aller de l’avant, parce que ce combat des femmes n’est pas qu’un combat que pour les femmes, la résultante de ce combat, c’est pour la majorité de la population, parce que c’est grâce à la pluralité des expertises, des opinions, des capacités, des aptitudes qu’on peut arriver à avoir un vrai développement. Si on ne fait l’apport de la majorité des femmes, surtout dans les instances dirigeantes, on ne pourra pas avoir de développement.

on est indignée que les personnes les plus compétentes de ce gouvernement, qui était Maladho Kaba, notamment et Oumou, soient sorties de ce gouvernement

Il vous souviendra par ailleurs que dans les gouvernements précédents, il y avait assez de femmes, je pense à Mme Sanaba Kaba, qui avait fait beaucoup de choses ; Mme Oumou qui vient de sortir, mais qui avaient un moment donné une certaine lacune… Le français un peu pas au point… Mais il se trouve qu’à l’époque, les gens qui se moquaient le plus, c’était surtout des femmes. Quand vous regardez les réseaux sociaux, ces femmes n’ont pas été du tout soutenues. Certaines même sont sorties du gouvernement, parce qu’elles étaient devenues la risée. Comment vous pouvez attendre qu’on les sorte de là, pour créer un mouvement de soutien, et dénoncer le nombre insuffisant de femmes ?

Je pense que vos propos, vous devez les étayer par des statistiques. Moi par exemple personnellement, je ne me suis jamais moquée de Mme Oumou. Au contraire, nous les femmes, nous sommes indignées pour deux choses ; on est indignée parce qu’il y a peu de femmes et on est indignée que les personnes les plus compétentes de ce gouvernement, qui était Maladho Kaba, notamment et Oumou, soient sorties de ce gouvernement et donc, on se demande où est la place du mérite ? Maintenant, lorsqu’il s’agit de se moquer des gens sur les réseaux sociaux, tout le monde s’est moqué de K², quand il n’arrivait pas à lire les chiffres, et vous avez dit qu’il y en avait assez ; on n’a jamais eu assez de femmes dans les gouvernements guinéens depuis la première république jusqu’à maintenant, nous n’avons jamais eu assez de femmes. La représentativité ne dépasse pas 22% en Guinée.

Le premier gouvernement de M. Youla, il y avait plusieurs femmes, non ?

Il y avait plusieurs femmes, mais ce n’était pas assez. Pour nous les femmes, ce n’était pas suffisant. Pourquoi ne pouvions-nous pas arriver à la parité, alors qu’on a les compétences ?

Interview réalisée par Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com  

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