Les populations forestières de la Guinée présentent des coutumes si semblables les unes aux autres que les autres populations du pays ont tendance à les considérer une seule et même ethnie. Cependant ces populations forestières affichent bien des différences entre elles notamment à travers les langues qu’elles parlent ; on distingue parmi celles-ci le kissi, le loma, le kpèlè, le mano et le kono.
Parmi ces populations forestières une relation particulière lie d’une part les ethnies kpèlè, mano, kono et d’autre part les lomas ; les premières se considèrent les oncles de la seconde. Alors nombre d’individus des deux bords, surtout parmi les jeunes, se demandent quelles explications donner à la relation d’oncles à neveux ?
Deux explications sont généralement avancées. La première explication qui est la plus répandue dit ceci : à la période des grandes migrations en Afrique de l’ouest suite à l’éclatement de l’empire du Mali (XVIIème S), les lomas arrivent en Guinée forestière, ils sont reçus avec beaucoup de bienveillance par les premiers occupants que sont les kpèlès, manos, konos. Les nouveaux arrivants sollicitent une terre pour s’installer ,ce que leurs hôtes acceptent en leur offrant toute la rive droite du fleuve Diani qui correspond aujourd’hui à la préfecture de Macenta .La relation d’oncles à neveux entre kpèlès et lomas serait née du fait que dans nombre de traditions africaines quiconque vous rend un service signalé sans être lié à vous par le sang devient ipso facto votre oncle .Les lomas se reconnaissent ainsi ,avec tout le respect qui sied à cela, les neveux des kpèlès.
La deuxième explication rejoint plus ou moins la première dans son aspect de reconnaissance d’un service signalé reçu. En effet le culte du génie protecteur de la forêt sacrée aurait été enseigné aux lomas par les kpèlès .Ce génie s’appelle Anfui par les uns, Gnamou par les autres.
Il se trouve que certaines personnes ne partagent pas ces explications. En tout cas un loma de mes connaissances, le regretté Momolou Inapogui de Dandano, rejetait catégoriquement cette relation d’oncles à neveux qu’il taxait de fantaisiste .Pour lui seuls les lomas issus de mères kpèlès peuvent logiquement appeler oncles les kpèlès. Pour ma part j’adhère aux explications données plus haut parce que cette tradition crée et renforce la fraternité entre des hommes d’ethnies différentes. En cela elle vaut tout son pesant d’or.
Walaoulou BILIVOGUI
