Censure

Le cardinal Robert Sarah : « Je souhaite de tout cœur que le peuple de Guinée arrête de s’entredéchirer »

Le préfet de la discipline du culte divin de l’Eglise Romaine, le Cardinal Robert Sarah est en Guinée depuis le 09 décembre dernier. Dans la soirée du jeudi 10 décembre, à la cathédrale Sainte Marie de Conakry, il a officié une messe à l’occasion du 70ème anniversaire de sa naissance. Dans son homélie, le Cardinal Sarah est revenu entre autre sur sa vie, le sacerdoce, le terrorisme, en passant par la vie sociopolitique de la nation. Voici l’intégralité de son homélie.

Monseigneur le Nonce,

Chers confrères dans l’épiscopat,

Vénéré autorité de notre gouvernement,

Bien chers frères et sœurs.

Je remercie Dieu qui me donne la joie et la grâce de célébrer cette eucharistie avec vous ce soir. Mais je remercie également les évêques de Guinée et vous tous chrétiens pour la chaleur de votre accueil et pour le privilège d’être invité à rendre grâce avec vous, pour mes 70 ans et pour tout ce que le Seigneur a fait pour moi. Je deviens un ancien et vous êtes venus remercier le Seigneur pour faire de moi un ancien. Ce que je suis, vient uniquement de la bonté miséricorde de Dieu. Je ne suis rien, par mon origine mais je le dois à mes parents, à mon pays. Et à tous ceux qui ont contribué avec patience et de grande sollicitude pour me façonner comme homme, comme chrétien et comme prêtre. En même temps, que je remercie Dieu pour le don de la vie, je lui rends grâce surtout pour la grâce de sacerdoce. Dieu est vivant, il a besoin d’hommes qui vivent pour lui et qui le portent aux autres hommes. Comme le plus grand trésor, Dieu est véritablement le plus grand trésor de l’homme. Oui, cela a du sens d’être prêtre, le monde a besoin de prêtres, de pasteurs de saints prêtres, aujourd’hui, demain et toujours, tant qu’il existera. Le prêtre doit être un homme de Dieu, d’une grande maturité humaine, d’un modèle de vertus humaines, morales et capable de prononcer par l’exemple de sa vie, ces paroles grandioses qu’a adressées saint Paul aux chrétiens de Philippe.

Frères, tout ce qu’il ya de vrai, de noble, de juste, de pur, d’aimable, d’honorable, tout ce qui peut y avoir de bon dans la vertu et la louange humaine, voilà ce qui doit vous préoccuper. Je vous suis donc reconnaissant de venir avec moi remercié le seigneur pour mes 70 ans. Mais surtout lui dire merci pour mon sacerdoce et lui demander pardon de n’avoir pas toujours vécu en pleine cohérence avec la grâce de mon baptême et de mon sacerdoce. Mais je voudrais aussi rendre grâce au Seigneur avec vous d’avoir éloigné de la Guinée des calamités de la violence et des divisions ethniques et politiques. D’avoir éloigné l’épidémie Ebola. Ensemble nous devons chanter les louanges du Seigneur qui a permis des élections présidentielles paisibles. Puissions nous désormais nous tenir la main dans la main quelque soit nos tendances politiques ou notre ethnie pour construire la nation guinéenne et le bien être de ses enfants. Les manifestations et les violences de rue qui conduisent à des destructions matérielles et à des pertes de vies humaines sont les signes d’immaturité et d’irresponsabilité sociopolitique. La seule lutte que nous devons mener est celle contre notre misère morale et matérielle. Battons nous par le travail et la qualité professionnelle, pour promouvoir le développement économique et sociale de notre pays. De jour en jour et d’année en année, il nous faut construire un Etat solide, fort et parfaitement conscient de sa mission; la mission de l’Etat est de préserver l’ordre dans la cohabitation entre les citoyens, de créer un équilibre de liberté et de valeur permettant à chacun de mener une vie digne. Nous pourrions également dire, l’Etat garantit le droit comme condition de la liberté et du bien être collectif. La notion d’Etat renvoi donc d’une part à l’acte de gouverner, mais d’autre part  d’après cette conception, cet acte de gouverner ne se replie pas à un simple exercice de pouvoir mais inclue la protection de droit de chaque individu et le bien être de tous. Je souhaite de tout cœur que le peuple de Guinée arrête de s’entredéchirer, de s’entretuer et de se détruire par la violence politique ou interethnique. J’invite humblement les leaders politiques à renoncer définitivement à cette stratégie. La violence n’édifie rien, elle est criminelle et augmente la misère et la ruine matérielle et humaine de notre peuple. Elle détruit notre pays et notre famille nationale. La Guinée est une famille et c’est triste que les membres d’une même famille s’entretuent.

Chers compatriotes, regardons autour de nous et reconnaissons que Dieu nous a donné un beau et riche pays. Pourquoi, nous ne voulons pas nous mettre au travail : la main dans la main pour fructifier le don de Dieu. Si nous bannissons la haine, la corruption et le vol du bien public. Si nous nous mettons au travail, nous vaincrons la misère dans laquelle nous croupissons. Dieu nous viendra en aide, Dieu nous rendra prospère, c’est précisément l’assurance que nous transmettent les textes bibliques d’aujourd’hui. Nous venons d’entendre Dieu  proclamé : « Je suis le Seigneur ton Dieu, je te prends par la main droite et je te dis, ne crains pas, je viens à ton secours. » Cette parole de réconfort et d’assurance que Dieu adresse à Israël, montre combien Dieu est un Père bienveillant et soucieux du bien être et de la sécurité de son peuple. Aujourd’hui, surtout en ce temps de globalisation, nous sommes plus que jamais concernés par cette parole divine. En effet, nous baignons dans un monde et une ambiance qui inspire la peur, l’angoisse, le désespoir, l’insécurité. Nous vivons dans un monde de haine, de violence, de guerre, de terrorisme mondial et de tant de calamités qui nous harcèlent. Devant ces problèmes cruels, notre espérance est peut être sérieusement mise à l’épreuve. Mais Dieu nous garantit son secours, ne crains pas je viens à ton secours. Cette assurance qui nous garantit sa protection, il nous l’a répète à plusieurs reprises. Comme pour chasser définitivement toute peur et toute angoisse de nos cœurs.  Le Seigneur en effet insiste, je viens à ton secours déclare le Seigneur, ton rédempteur c’est le Dieu Saint d’Israël. Même si comme des petits et des pauvres nous connaissons l’extrême indigence et le manque de sécurité et même si dans le désert cruel de nos sociétés, sans Dieu, notre langue se dessèche à cause de la soif et l’abandon. Moi le Seigneur, je vous exhausserai, moi le Dieu d’Israël, je ne vous abandonnerai pas, déclare le Seigneur-Dieu. Le Seigneur ne veut pas le malheur des siens. Il partage nos souffrances, il les prend sur lui et nous libère par son amour. Il nous assiste par son Esprit et rien ne peut nous séparer de son amour. Qui nous séparera de l’amour du Christ : la tribulation, l’angoisse, la persécution, la peur, la nudité, les périls, le glaive. Selon le mode d’écriture, à cause de toi l’on nous met à mort le long du jour. Nous avons passé pour des brebis d’abattoir mais en tout cela nous sommes les grands vainqueurs, par celui qui nous a aimés. Oui, j’en ai l’assurance : ni mort, ni vie, ni ange, ni principauté, ni présent, ni avenir, ni puissance, ni hauteur, ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu, manifester dans le Christ Jésus notre Seigneur. Cette proximité paternelle est pleine d’attention de Dieu. Nous ne la méritons que si nous restons fidèles aux engagements des prophètes : tel que Jean Baptiste qui nous appelle à la conversion. Au redressement de ce qui est tordu en nous,  à la purification de tout ce qui est souillé et au changement radical de notre vie. Nous pataugeons quotidiennement dans le péché, les rancœurs, le refus de se laisser guider par Dieu et les saints commandements.  Jean Baptiste le plus grand de tous les hommes nous prêche à la conversion radicale de notre façon de nous conduire. La conversion est le mot d’ordre de ce temps liturgique, qui nous mène vers la fête de Noël. Les temps sont accomplis, convertissez-vous et croyez à l’évangile. Nous martèle quotidiennement Jean le Baptiste. Jean Baptiste avait une vie austère, dans la sollicitude du désert, il s’était consacré à la prière, au jeûne, il a dû se faire violence pour faire grandir en son cœur l’humilité et le désir de Dieu et une intense vie de prière. Il dû lutter pour que disparaisse en lui toute prétention orgueilleuse et se développe l’homme intérieur, tout obéissant au Seigneur. Il a veillé  nuit et jour dans l’attente du Salut de Dieu. Jean Baptiste est pour nous un modèle de lutte intérieur pour préparer la voie du Seigneur. Nous aussi, il nous faut nous faire violence pour abandonner à tout instant ce monde du péché. Cette violence contre nous même est un processus qui construit l’homme intérieur. Le chrétien authentique, Jean Baptiste s’était façonné par une discipline personnelle, a été capable de reconnaitre Jésus à peine qu’il  l’a aperçu au bord du Jourdain.  Et après l’avoir entendu prêcher, il a cherché à ouvrir les voies et les cœurs de ses contemporains pour que nous aussi reconnaissions et accueillons le Messie, désormais présent au milieu de nous. Pour cela Jésus peut dire de lui en vérité je vous le dis : « parmi les enfants des femmes, il n’a pas surgi de plus grand que Jean Baptiste. »  C’est dire qu’un frère unique, particulièrement choisi. Nous a été envoyé pour que nous préparions notre cœur à accueillir Jésus, le sauveur et le rédempteur du monde. Mais Jésus ajoute : « que le plus petit dans le royaume des cieux, est plus grand que Jean Baptiste. » Par cette affirmation, Jésus veut exhorter les disciples à découvrir la  grandeur de la vocation qu’ils ont reçue et que tant de fois, ils n’en prennent aucune conscience. Même si nous ne  mesurons pas la grandeur de notre vocation chrétienne ; Même si nous ne mesurons pas la splendeur de notre vocation à devenir des saints comme Dieu notre Père est Saint; même si nous ne mesurons pas la noblesse de notre dignité d’enfants de Dieu. Le Seigneur veut redonner aux apôtres et à nous tous la conscience que la foi en Jésus Christ, nous grandir et nous donner une puissance si extraordinaire que nous devons être capables de faire des œuvres encore plus grandes pour la pacifiquement et le salut du monde. Ainsi, Jésus de dire en vérité en vérité je vous dis : « celui qui croit en moi fera lui aussi les œuvres que je fais, il en fera de plus grand. » Nous ne pouvons pas ne pas lui  demander avec une certaine angoisse. Que faisons-nous de cette confiance que notre Seigneur Jésus Christ met sur nous ? C’est une question qui en ce temps de préparation de la fête Noël doit nous entrainer à plus d’engagement à la suite du Jésus, à l’approfondir et à rendre plus solide notre foi chrétienne, à l’imitation de bergers et de rois mages. Mettons-nous en route, nous aussi à la recherche et à la rencontre de l’Emmanuel qui vient, pour transformer radicalement et nous libérer de nos péchés et de nos divisions.  Faisons violence à notre caractère, à nos habitudes mauvaises, à notre duplicité, à nos hypocrisies pour entamer sérieusement une marche de conversion. Surtout à cette année jubilaire de la miséricorde, dans laquelle le Pape François vient de nous introduire depuis le 08 décembre. N’entrez pas, par la porte sainte de votre cathédrale, d’un quelconque sanctuaire sans vous êtres confessé auparavant, et sans ouvrir la porte de votre cœur aux autres dans la miséricorde et le pardon. N’entrez pas dans la maison sainte sans cette décision qui vous réconcilie avec Dieu et avec les autres, sans la ferme décision de suivre Jésus. Même si cela doit nous coûter la vie. Car, il n’y a pas de plus grande preuve d’amour et de miséricorde que de donner sa vie pour ce qu’on aime. Que pourrons-nous espérer de meilleur qu’une mort pour Dieu, pour l’amour de son Saint Nom et la défense de la vérité et pour la dignité de toute personne humaine. Mourrons pour défendre Dieu, pour respecter l’homme et la vie. Jésus est mort pour avoir témoigné de la vérité. C’est uniquement après avoir confessé nos péchés et de s’être repenti que nous connaîtrons la véritable joie de l’année jubilaire de la miséricorde. Que la Vierge Marie nous accompagne. Et moi, je vous béni au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Amen !

Homélie transcrite par Richard TAMONE in Le Démocrate, partenaire de guinee7.com

 

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