Censure

Dialogue/Le mea-culpa d’Abdoul Sacko de la société civile : ‘‘C’est une erreur que nous avons commise’’

Abdoul Sacko est le président du Conseil régional des organisations de la société civile de Conakry. Dans cet entretien  qu’il  a accordé à notre reporter, M. Sacko reconnaît l’erreur commise par son institution  en apposant sa signature au bas des accords issus du dialogue politique qui s’est tenu récemment à Conakry. Notre interlocuteur  tient néanmoins à rassurer l’opinion que son organisation ne fait pas dans l’amateurisme comme certains observateurs le croient.

Quelle est votre réaction suite aux accords politiques inter guinéens signés par les parties prenantes au dialogue qui s’est déroulé récemment au palais du peuple à Conakry?

Abdoul Sacko : Ma réaction elle est très mitigée, à deux dimensions : la première, j’ai salué la concertation des acteurs politiques du pays. Cela a permis d’avoir un consensus pour aller aux élections locales. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a plusieurs années les élections locales n’ont pas été organisées. Ce consensus des politiques avait suscité de l’espoir. La deuxième réaction est que je ne suis pas d’accord sur le fait que les partis politiques aient  décidé de tordre le cou à la loi, en s’attribuant les quartiers et districts au grand dam de l’expression citoyenne. Cela nous préoccupe à plus d’un titre. Ce dialogue risque de nous amener à une situation où l’animosité qui existe déjà entre les partis politiques au niveau national se traduirait dans le comportement dans le quotidien des citoyens à la base dans les quartiers. Cela risque de mettre en péril le vivre ensemble des guinéens, pourtant très fragile aujourd’hui.

L’institution qu’est la société civile dont vous faites partie, a quand même pris part au dialogue politique, et figure parmi les signataires des fameux accords.  Avez-vous une réaction concernant votre rôle dans ces accords?

Je suis tout à fait d’accord, comprenez que moi d’abord le fait que la société civile ait été au niveau du dialogue, en tant qu’observateur pour le cas spécial sur les questions des élections locales, je pense que c’était cela le premier raté. Parce qu’il n’y a pas que les partis politiques qui sont intéressés par les élections locales. Tous les citoyens sont intéressés aussi bien dans les élections communales, tout comme au niveau des districts et quartiers. Donc, en voyant  la société civile acceptée d’être un simple observateur au dialogue politique, c’était le premier raté. Donc en acceptant juste d’ouvrir la bouche et regarder les partis politiques, ça a été vraiment l’erreur qu’il ne fallait pas commettre, c’est cela la réalité. Il est vrai qu’il faut observer le principe de solidarité et de respect de l’opinion globale de l’institution auquel j’appartiens. Mais il convient de reconnaître que je faisais partie de ceux qui n’étaient pas partant pour qu’on appose notre signature. Ça a été une erreur de la part de notre institution. Mais je pense qu’il revient maintenant de voir quels sont les mécanismes à entreprendre pour ne pas que cette faute-là, que nous avons commise puisse vraiment permettre aux partis politiques de s’aventurer davantage à la prise en otage de la vie de la nation.

Vous envisagez quoi par exemple pour ne pas que la loi soit piétinée?

Je ne suis pas à Conakry, je suis à l’intérieur pour une formation. Mais comme c’est arrivé comme ça, il y a déjà des actions qui sont entreprises au niveau des instances compétentes, notamment la Cour constitutionnelle et au besoin au niveau de l’Assemblée nationale pour dénoncer cela. Cela va au-delà maintenant de notre institution, qui a vraiment terni son image à travers cette signature. Il revient au peuple de Guinée de fédérer toutes les énergies, pour ne pas que son droit soit bafoué au niveau des quartiers et districts. Cet acte est une entrave grave pour notre démocratie. Mais aussi et surtout sur l’apaisement, sur la cohabitation pacifique entre les citoyens. Il faut dire que c’est une chance pour notre jeune démocratie en organisation ces élections au niveau des districts et quartiers. Qu’on donne la chance aux citoyens de compétir à la base. Que ceux qui vont être élus, qu’ils soient élus à travers leurs compétences et leur intégrité, et non pas sur la base de leurs appartenances politiques. Qui le plus souvent sont taillées sur des questions ethniques. Donc il est question maintenant de fédérer toutes les énergies citoyennes : médias, société civile et par extension même au niveau des partis politiques qui ne sont pas d’accord. Afin de faire un bloc commun pour barrer la route à cette violation de la loi.

M. Sacko certains observateurs estiment que la société civile a fait preuve d’amateurisme dans le déroulement de ce dialogue. Que répondez-vous à ceux-ci?

Je dirai que c’est trop dire. Il est évident que c’est une erreur que nous avons commise, le fait d’accompagner des politiques en signant les accords. Je suis tout à fait d’accord que c’est une erreur qu’on ne devrait pas commettre. Mais je ne pense pas qu’il faille nous résumer à une seule erreur. En mettant en péril tout ce qui a été fait. Moi je suis à l’intérieur du pays, je suis là pour une mission de la société civile. Je suis là dans le cadre de la formation aussi bien des jeunes des partis politiques, des démembrements de la Commission électorale nationale indépendante, des médias sur les thématiques de leadership et de la prévention des conflits électoraux. Donc je pense que si on résume la société civile à cette seule erreur commise pour dire vraiment que nous vivons sur la base d’un amateurisme, je pense que c’est trop dire. Mais je suis obligé de reconnaître qu’on a commis une erreur.

Interview réalisée par Richard TAMONE (Le Démocrate)  

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