Censure

‘‘Nous ne sommes pas là pour chanter les louanges du président’’, dixit Mamadi Kaba, le président de l’INIDH

Le président de l’Institution nationale indépendante des droits humains (INIDH), Dr Mamady Kaba s’est exprimé devant un parterre de journalistes de la presse nationale, dimanche dernier. Une occasion qu’il a mise à profit pour aborder la situation des droits de l’Homme en Guinée, un pays où des civils continuent de tomber sous des balles des agents des forces de l’ordre, à la moindre manifestation pacifique.

Quel est votre convergence avec Maitre Cheick Sacko

Notre convergence c’est notre volonté commune pour faire prospérer la Guinée sur le plan de la justice, pour permettre que  les populations aient accès à la justice. Lui son rôle est de créer des conditions d’accès à la justice, et nous notre rôle est de critiquer ce qui ne se fait pas bien ou ce qui ne se fait pas du tout,  pour que les populations aient accès à la justice. Notre rôle est de surveiller ce que fait le ministère de la Justice, afin que ce qui est oublié ou ce qui n’est pas bien fait soit rappelé au gouvernement, afin que le gouvernement puisse prendre ça en compte dans ses prochaines planifications.

Parfois, Vous n’avez pas le même point de vue que le président de la République. Ce qui fait d’ailleurs que  parfois vous êtes critique. Est-ce qu’on peut pousser le cynisme jusqu’à penser que c’est parce qu’on ne vous donne pas votre subvention à temps, qu’il y a de la  frustration…

Ceux qui pensent comme ça, je pense qu’ils n’ont pas bien compris, parce que si je suis vraiment frustré, j’abandonnerais tout simplement. J’ai d’autres moyens de gagner ma vie et je ne pense pas que je suis là pour avoir des privilèges. Je suis là pour apporter une contribution à l’encrage démocratique, et au progrès des droits de l’homme. Le président de la République est le chef du pouvoir exécutif. Il est élu pour mettre en place un projet de société qu’il considère comme la solution aux nombreux problèmes auxquels la population est confrontée.

Quand le président travaille, toutes les solutions qu’il met en place, exprime que ce sont les bonnes mais les contrepouvoirs sont mis en place pour aider le président à faire la différence entre ce qui se fait bien et ce qui ne se fait bien. Vous comprendrez que le président n’a pas besoin de contrepouvoir pour chanter ses louanges, apprécier ce qu’il fait. Il a beaucoup de gens dans  son cabinet pour le faire. Il a son gouvernement pour le faire, il a les Ambassadeurs pour le faire, les administrations territoriales pour le faire. Il n’a vraiment pas besoin d’institution comme la nôtre pour lui dire ; ce qu’il fait bien ou pour apprécier ce qu’il met en place comme stratégie, pour satisfaire les besoins de la population.

Ce qu’il attend des institutions  qui  sont des contrepouvoirs, qu’elles  l’aident à savoir qu’est ce qui ne fonctionne pas dans ce qu’il met en place comme stratégie ? Qu’est-ce qui ne marche pas ? Qu’est-ce qui est mal fait ? Qu’est-ce qui doit être fait davantage pour satisfaire les besoins de sa population ? Donc il a besoin de contrepouvoir pour connaître les aspects négatifs de sa gouvernance parce que les aspects positifs, il a déjà trop des structures pour le lui faire savoir, pour le soutenir dans ce qui marche.

Maintenant les contrepouvoirs que nous sommes, sont utiles pour lui faire savoir ce qui ne fonctionne, ce qui est négatif dans sa gouvernance, afin qu’il puisse les améliorer. Il y a deux paramètres à ce niveau. C’est comme à la justice, vous avez le procureur et les avocats. Le procureur est là pour défendre et pour représenter l’Etat et défendre l’Etat contre l’accusé. Et les avocats sont là pour défendre l’accusé contre l’Etat. C’est dans la confrontation que le juge qui est arbitre apprend la vérité et décide en fonction de cette vérité.

L’Etat aussi fonctionne de la même manière, le président de la République est le juge, il est l’arbitre. Il y a un camp constitué  par le cabinet par le gouvernement par les structures déconcentrées qui lui disent ce qui fonctionne dans sa gouvernance, ce qui est bien, ce qui est apprécié de sa gouvernance et de l’autre côté, il y a le contrepouvoir qui  défend un point de vue contraire qui travaille à lui faire comprendre ce qui est négatif, ce qui ne fonctionne pas, ce qu’il doit améliorer.

Alors la confrontation de ces deux idées permet au président de découvrir la vérité et de prendre de nouvelles décisions qui soient plus proches de la réalité et qui soient plus à même d’apporter des solutions auxquelles la population s’attend. Donc, Nous sommes bien dans notre rôle. Nous ne sommes pas créés pour chanter les louanges, les réussites du président mais plutôt nous sommes créés pour rappeler au président les aspects négatifs de sa gouvernance, afin que cela lui serve de repère pour prendre les bonnes décisions qui vont dans le sens de l’intérêt général, de l’avantage des populations qui l’ont élu.

M. le président nous avons appris que des voix s’élèvent pour demander la réforme de l’INIDH, à votre avis cela est –il nécessaire ? Si la réponse est affirmative, pourquoi ?

Vous savez, chaque état commence quelque part, il faut toujours commencer quelque part. Il n’est pas évident que ce soit toujours la réussite qui est attendue. Il y a un départ. Il y a des améliorations au fur et à mesure. L’INIDH n’est pas une institution parfaite tout comme les autres institutions. J’ai rappelé un peu l’esprit de l’institution et sa mission. Donc cela suppose que l’institution soi totalement indépendante et qu’elle soit efficace pour constituer un recours pour les populations. Quand l’institution est indépendante et crédible, les populations ne cherchent plus à se donner justice à elles-mêmes. Elles ont un recours que l’institution constitue. Et l’institution fait travailler les autres institutions qui constituent un contrepouvoir.

Au début l’institution était mise en place et la loi L 08, qui  a prévu qu’il y ait 18 représentants de la société civile et donc une majorité de la société civile et  14 membres de l’administration, c’est-à-dire les représentants des départements ministériels. Puisque les 14 membres de l’administration ont voix délibérative, c’est-à-dire qu’à chaque délibération, les 14 membres de l’administration participent. Vous voyez déjà le poids très important de l’administration dans les décisions de l’INIDH,  c’est-à-dire que  l’institution est un contrepouvoir et le poids du pouvoir dans les décisions de l’institution constitue à peu près 50%, selon la loi parce que le représentant de l’assemblée nationale est aussi un haut commis de l’Etat. Les 18 membres qui constituent les représentants de la société civile, si tous ces 18 membres sont effectivement de la société civile, on a toujours une majorité mécanique qui se dégage en faveur des droits de l’homme, et malgré les voix délibératives, les représentants de l’administration seraient pratiquement en minorité.

La réalité aujourd’hui est apparue différemment parce que parmi les 18 représentants de la société civile, vous avez près de 75% à  80% qui sont des fonctionnaires d’Etat et qui émargent à la fonction publique. Si vous ajoutez ça aux 14 membres de l’administration, vous voyez que pratiquement l’institution est totalement contrôlée par l’Etat et le gouvernement, or c’est un contrepouvoir. S’il est contrôlé par le pouvoir au plan de décisionnel, vous comprendrez alors que l’institution est aujourd’hui en porte-à-faux avec la loi qui l’a créée. Ça c’est la première remarque et donc à défaut, d’engager des  reformes plus sérieuses, il est important que l’institution soit rendue conforme à la loi qui l’a créée, c’est-à-dire qu’il y ait effectivement 18 membres de la société civile qui ne sont pas des fonctionnaires qui n’émargent pas à la fonction publique. Et que le représentant de l’assemblée nationale soit une personnalité, un expert indépendant qui ne soit pas également un fonctionnaire d’Etat. Cela permettrait d’avoir une institution qui soit conforme à la loi qui l’a créée.

Cela garantit à peu près, la majorité à la société civile dans les prises de décisions de l’institution. Mais plus loin encore des reformes plus sérieuses doivent être envisagées comme le font nos pays voisins : Le Sénégal, le Burkina Faso, le Mali, qui ont tous engagé des réformes profondes pour intégrer dans leurs institutions des pratiques qui font école aujourd’hui au plan international. C’est-à-dire un nombre de commissaires réduit entre cinq  et onze membres. Et tous ces membres-là sont des experts en droit de l’homme, des personnalités de la société civile qui ne sont pas des fonctionnaires, non seulement pas des fonctionnaires mais qui sont des experts dans le domaine des droits de l’homme. Ils travaillent à temps plein pour l’institution. Ils font carrière au sein de l’institution, pendant le temps de leurs mandats. Ils ne font rien d’autres que le travail de l’institution. Ils sont traités comme tel par le budget de l’Etat et tout le pouvoir  leur est donné, pour qu’ils travaillent tous les jours à rétablir les populations dans leurs droits.

Ensuite, il faut bien que l’institution s’intègre dans les dispositifs institutionnels de l’Etat, c’est-à-dire  qu’une fois l’institution est en place, les membres qui sont en nombre très réduit ont juré de ne faire que le travail des droits de l’homme comme nous l’avons fait, que l’institution là puisse travailler avec toutes les institutions de l’Etat : la gendarmerie, la police, les armées, la justice, que tout le monde collabore avec l’institution, afin que la complémentarité permette aux autres institutions de remplir leurs missions à la satisfaction des populations.

En définitive, les institutions qui constituent un contrepouvoir ne doivent pas travailler à satisfaire le pouvoir en place. Si le pouvoir est satisfait de vous, ça veut dire que vous ne faites pas correctement votre travail. C’est la population, les sans voix, les pauvres victimes qui n’ont aucun moyen de se faire entendre, ce sont eux qui doivent être satisfaites de vous. Si les pauvres citoyens vous applaudissent, ça veut dire que vous faites correctement votre travail.  Si c’est l’Etat qui est satisfait de vous, ça veut dire que vous ne travaillez pas correctement parce que votre travail est dirigé en grande partie contre les actions du gouvernement et de la puissance publique.

La manière dont le pouvoir est utilisé contre les populations, la manière dont l’exercice du pouvoir pèse sur les populations, c’est contre cette manière-là vos activités doivent aller pour alléger le poids du pouvoir sur les épaules des populations,  c’est ça votre rôle. Si vous travaillez à braver ceux qui veulent abuser du pouvoir, vous êtes sûrs que ceux qui détiennent le pouvoir ne seront jamais contents de vous, parce que votre mission est de les empêcher d’utiliser pleinement le pouvoir qu’ils ont. Donc ils ne peuvent jamais être contents de vous.

Un citoyen lambda dont les droits sont bafoués ou violés, comment pourrait-il vous saisir, par écrit ou par téléphone?

Vous savez, nous n’attendons pas que vous fassiez un rapport hautement scientifique pour nous saisir. Un simple coup de fil nous saisit, des personnes, des victimes qui appellent simplement à l’INIDH, nous prenons les contacts, nous les rappelons. Et vous pouvez vous exprimer dans la langue que vous comprenez, vous n’êtes pas obligés de le faire en Français. Nous recevons les victimes et les victimes peuvent s’exprimer dans la langue qu’elles comprennent. Et nous avons pour cela une équipe qui comprend une bonne partie des langues nationales. Donc nous écoutons les populations dans toutes les langues.

Il y a juste une semaine nous avons été saisis par une pauvre dame qui Subi des violences de la part de son mari. Elle est venue s’exprimer dans une langue nationale. Nous l’avons écoutée, et nous sommes en train de travailler avec elle pour la rétablir dans ses droits. Vous avez aussi suivi la question du code électoral. Les populations étaient révoltées, la société civile, beaucoup de partis politiques étaient très révoltés par le code et voulaient trouver les moyens d’empêcher sa promulgation. Et donc l’INIDH est la seule institution capable de saisir la cour constitutionnelle en la matière.

Vous avez vu, nous avons reçu la société civile, nous avons reçu beaucoup de partis politiques. Nous avons reçu le simple citoyen, certains ne savaient même pas s’exprimer en français ; nous avons reçu leurs témoignages dans les langues du terroir et nous avons transmis les plaintes à la cour constitutionnelle qui n’a pas pu devoir aller dans le sens de nos plaintes, mais le plus important c’était que les populations trouvent une voix de recours pour atteindre la cour constitutionnelle.

Et je pense que l’ensemble des personnes physiques et morales qui nous ont saisis ont été satisfaites du rôle que nous avons joué. En d’autres cas il ne serait pas possible de trouver les voies légales pour contester une telle décision, alors ce serait le désordre, les populations manifesteraient dans les rues, chacun travaillerait dans son quartier, dans son village, dans son district pour empêcher qu’une telle décision soit prise. Mais à cause de la confiance que l’INIDH a inspirée aux populations, les populations ont renoncé aux actions qu’elles devaient prendre à leur propre niveau pour empêcher la promulgation du code électoral, et ont eu recours à l’INIDH qui a pleinement joué son rôle, même si l’objectif n’a pas été totalement atteint.

Mais l’importance est que l’INIDH a pris toute sa  place dans les cœurs des citoyens et je pense que c’est une réussite. C’est l’esprit qui a poussé la Guinée à créer cette institution pour constituer un recours pour les populations en quête d’être rétablies dans leurs droits.

Dans un passé récent vous aviez émis l’idée de la mise en place d’une commission d’enquête indépendante sur les tueries des manifestants.  Où en est-on avec ce projet ?

Voilà, nous avons voulu innover, et cela fait partie des attributions de notre institution. Nous devons travailler à préconiser, à recommander au gouvernement et au président de la République, au président de l’Assemblée nationale, et à toutes les institutions. Nous devons proposer des nouveaux moyens de rétablir les populations dans leurs droits ; c’est l’une de nos missions fondamentales. L’éducation de la population, la sensibilisation des populations, mais la proposition et des recommandations nouvelles ou novatrices qui permettent de rétablir les populations dans leurs droits.

C’est dans cette perspective que nous avons constaté que chaque fois des manifestations pacifiques étaient  organisées, des militants de l’opposition sont tués à balles réelles. Alors il y a eu des enquêtes annoncées mais qui n’ont jamais abouti. Alors cela a créé des frustrations, ça a créé le désespoir. Et ça a poussé l’opposition et la société civile à se radicaliser. Et la radicalisation n’est pas un moyen de progrès pour la démocratie. La radicalisation est un frein à l’évolution de la démocratie. Et puisque nous, en qualité de la sentinelle de la démocratie, il nous revenait d’agir, de proposer de nouvelles méthodes qui empêcheraient que cette radicalisation, ce désespoir surviennent, c’est pourquoi nous avons proposé cette fois-ci une nouveauté.

Nous avons voulu mettre à notre niveau une commission d’enquête à laquelle des parlementaires de la mouvance et de l’opposition participeraient, la société civile, le ministère de la Justice participeraient. Cela permettrait que ce beau monde enquête de façon indépendante, de façon transparente et le résultat qui en sortirait aurait deux avantages. Le premier avantage : tous ceux qui ont participé à l’enquête sont comptables des résultats qui sont produits. Puisque l’opposition dont les militants sont victimes appartient à la commission ; l’opposition serait comptable des résultats qui seraient obtenus.

L’assemblée nationale qui comprend toutes les forces politiques du pays devait être représentée, donc l’assemblée nationale qui comprend toutes les forces politiques du pays devait être représentée, donc l’assemblée nationale devait être comptable des résultats obtenus, et sous la couverture de l’INIDH les résultats devaient être exploités pour rétablir les victimes dans leurs droits. Tous ceux qui ont participé à la commission, travailleraient pour rétablir les populations dans leurs droits. Si la justice devait être saisie, cette saisine serait soutenue par l’INIDH, par l’assemblée nationale, par le ministère de la Justice, donc ce serait une saisine fortement soutenue qui n’aurait aucune chance de tomber dans des oublis ou tomber dans des tiroirs.

S’il y avait des lois qui devaient être votées, ces lois-là auraient beaucoup de chance de passer parce que des députés de la mouvance et de l’opposition ont été impliqués depuis le début, jusqu’à l’expression de la nécessité d’une loi. Alors on n’aurait pas de difficultés à faire passer à l’assemblée, une loi qui permettrait de faire évoluer la situation dans le bon sens ; ce serait vraiment une solution novatrice qui donnerait à l’opposition et à la société civile des nouveaux espoirs, des nouvelles perspectives, et si les choses étaient passées ainsi, je suis sûr que les tueries que nous avons eues la dernière fois, les deux militants de l’opposition qui ont succombé à leurs blessures, je pense qu’on y arriverait pas.

Je suis sûr que les manifestations qui ont eu lieu le 04 octobre dernier contre l’impunité, cette manifestation n’aurait pas lieu, alors aujourd’hui nous sommes dans une sorte de blocage parce que le système traditionnel d’accès à la justice a montré ses limites et ne peut plus faire l’objet de propagande au niveau national. Il faut trouver un autre moyen de redonner la confiance aux populations, pour dire voilà cette fois-ci vous  serez rétablies dans vos droits. Si cette fois-ci les populations doivent être rétablies dans leurs droits, ça veut dire que cette fois-ci des nouvelles méthodes ont été expérimentées.

Si le pays avait accepté cette commission que nous avions préconisée, nous aurions anticipé sur les crises qui s’annoncent, mais puisque nous attendons que les problèmes nous touchent pour faire un pilotage à vue, alors nous allons prendre les mêmes décisions, mais dans des circonstances différentes, cela affaibli l’Etat si c’est toujours suite à la pression de la rue que l’Etat doit prendre des décisions, l’Etat s’affaibli. L’autorité de l’Etat s’affaiblit parce que le bénéfice du progrès revient à l’opposition qui fait pression sur  l’Etat à travers la rue. Or l’Etat doit lui-même  donner  la preuve de sa crédibilité, en anticipant sur les crises. Donc cette commission d’enquête a été bloquée principalement par le bureau de l’assemblée nationale qui n’a pas voulu accompagner cette initiative.

On vient de célébrer le 8ème  anniversaire du massacre du 28 septembre 2009, mais on ne vous a pas entendu officiellement parler de ça. Est-ce que vous maintenez votre position qui est de garder votre distance ou votre positon a évolué ?

J’étais alité au moment de la commémoration du 28 septembre, c’est pourquoi nous n’avons réagi officiellement. Mais sinon c’est l’une de nos préoccupations majeures. Aujourd’hui, je suis un tout petit peu gêné parce que notre combat pour le 28 septembre a deux aspects parallèlement complémentaires. Le premier aspect c’est celui de contribuer à rétablir les victimes dans leurs droits et je pense que c’est l’aspect le plus important. Le second volet c’est la garantie de non répétition des crimes. Nous voulons qu’il y ait justice, afin que des crimes de ce genre ne se reproduisent plus dans notre pays. Mais le premier volet conditionne le second, c’est-à-dire que rétablir les victimes dans leurs droits, demeure la première priorité, et cela engendre de facto le second volet.

Alors quand les victimes, pendant que nous militons pour que la justice se fasse au plus vite, sinon que les dossiers soient transférés à la cour pénale internationale, nous avons entendu les victimes  prendre leurs distances avec nos positions. J’ai entendu la présidente d’AVIPA dire que la saisine de la cour pénale internationale était un facteur de retard, elle pourrait éloigner davantage les victimes d’un éventuel accès à la justice. Cela est un désaveu des victimes. Les victimes ont désavoué ma position, la position de l’INIDH. C’est un peu choquant, puisque les victimes ont plus de droit que l’INIDH dans la conduite de ces dossiers, alors nous ne pouvons pas être plus royalistes que le roi. Cela nous amène à nous refroidir et à refroidir notre ardeur, et faire  en sorte que la volonté des victimes soit faite. Jusqu’à ce que nous ayons la preuve que la position exprimée par la présidente d’AVIPA n’engage pas toutes les victimes.

Le jour où nous nous rendrons compte que cette position n’engage pas toutes les victimes, que toutes les victimes ne sont pas d’accord avec cette position, alors nous reprendrons notre bâton de pèlerin. Mais jusqu’à preuve du contraire, nous considérons que la présidente d’AVIPA a exprimé un vœu  qui anime l’ensemble des victimes, si tel est le cas nous devons faire profil bas, et laisser la volonté des victimes se faire. Une justice au plan national ou une saisine de la cour de justice de la CEDEAO. Si c’est ça la volonté des victimes telle qu’exprimé par madame Asmaou Diallo. Nous respectons leur choix, mais nous ne les accompagnerons pas dans cette aventure, parce que nous n’y croyons pas.

Est-ce qu’AVIPA doit cesser de compter sur l’INIDH si l’association compte accepter que le procès s’ouvre en Guinée ?

AVIPA  doit cesser de compter sur le soutien de l’INIDH si l’alternative à la non-tenue du procès en Guinée consiste à saisir la cour de justice de la CEDEAO. L’INIDH n’ira pas dans cette aventure, parce que l’INIDH ne sera pas comptable de ce qui va être une conséquence tragique pour l’accès à la justice des victimes du 28 septembre. Nous pensons que si la Guinée n’est pas capable de tenir le procès, il faut le transférer à la cour pénale internationale ; puisque nous avons été désavoués dans cette position par la présidente d’AVIPA. Alors nous respectons son choix, mais nous devons lui dire que nous ne les accompagnerons pas dans cette aventure parce que nous pensons qu’elle n’a pas d’issue. Alors nous faisons profil bas, et nous n’allons faire aucune entrave à l’atteinte de ses objectifs.

Est-ce que vous maintenez votre position par rapport à l’incapacité de la Guinée à organiser ce procès ?

Non ! Je pense qu’à ce stade, nous prenons acte de la volonté de M. le ministre de la Justice, il compte sur sa propre volonté et sur la compétence du pool de juges.

Avec l’appui des Etats Unis…

Les Etats-Unis aident au plan matériel, au plan financier. C’est un procès jusqu’à présent qui est au niveau de la Guinée, qui bénéficie de la souveraineté nationale. Nous avons dit que nous sommes très sceptiques qu’il y ait un procès en 2017. Et nous avons dit que nous souhaitons avoir tort. Aujourd’hui, il est évident qu’un procès ne peut pas s’ouvrir en 2017. C’est désormais une certitude mathématique. Maintenant nous émettons les mêmes doutes pour l’année 2018, qui est une année fortement électorale. Je suis persuadé qu’il n’y aura pas de possibilités en 2018 que la Guinée se tourne vers un procès d’une très grande envergure, alors que des élections déterminantes sont en cours dans le pays.

Je suis encore très sceptique que nous puissions avoir un procès l’année prochaine. Je ne doute pas de la volonté de M. le ministre de la Justice. Je ne doute pas de la compétence du pool des juges, mais je doute des capacités générales de l’Etat guinéen à pouvoir organiser ce procès dans les plus bref délais, cela ne nous empêche pas d’appeler encore une fois M. le ministre de la Justice à poursuivre ses efforts pour que le procès se tienne dans les meilleurs délais.

Une synthèse d’Alpha Amadou Diallo 

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