Censure

Pour une ONG suisse, BSGR constitue un ‘‘cas d’école’’

Le diamantaire Beny Steinmetz a été trompé par son flair en Guinée. Soupçonné de corruption dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, il est également mis sous pression en Suisse, d’où est dirigé son groupe

Le premier président démocratiquement élu qu’ait connu la Guinée, Alpha Condé, a initié en 2011 un examen des contrats miniers signés avant son investiture. C’est ce processus, exemplaire par sa transparence, qui a permis de découvrir le «casse du siècle»: profitant des dernières heures de vie du dictateur Lansana Conté, Beny Steinmetz Group (BSG) a obtenu en 2008 la concession des blocs 1 et 2 du gisement de fer de la mine de Simandou, le plus grand non-exploité au monde. Contre un investissement de 165 millions de dollars, BSG a revendu dix-huit mois plus tard 51% de ses parts au brésilien Vale pour 2,5 milliards de dollars!

Début 2013, une enquête pénale a été ouverte aux Etats-Unis. Alors que le FBI a mis la main sur des documents et des témoignages accablants, Beny Steinmetz nie toujours les accusations de corruption et accuse le président guinéen Alpha Condé de mener une «campagne de désinformation» contre lui.

L’enquête progresse

Fin août, des perquisitions ont été menées à Genève et en France voisine, sur commission rogatoire de la Guinée, dans les locaux de BSG et au domicile de ses principaux protagonistes. Parqué à Cointrin, le jet privé de Beny Steinmetz a également été visité par la police. Le 18 octobre, le milliardaire israélien a été auditionné par la justice genevoise. Une procédure judiciaire genevoise a été ouverte pour « corruption d’argent public étranger ». L’enquête est pour l’instant dirigée contre « X… ».

BSG: une structure tentaculaire

Plutôt que d’enquêter sur l’affaire de corruption en Guinée, très bien documentée, la DB s’est focalisée sur BSG et sa structure d’une rare complexité. Elle a tenté de reconstitué l’organigramme du groupe. Conclusion? Même si les sièges de BSG se situent entre les iles vierges britanniques, Guernsey, le Luxembourg, les Pays-Bas et d’autres juridictions réputées pour leur fiscalité accommodante et les facilités qu’elles offrent pour dissimuler ayants droits économiques et activités, le groupe est en réalité dirigé depuis Genève.

Les personnes-clés résident toutes au bout du lac, côté français ou côté suisse. A Genève, Paul Protopapas, le responsable des finances de l’ensemble du groupe, dirige Onyx Financial Advisors, une antenne de BSG qui constitue en fait son véritable centre de décision. Il partage cette fonction avec Sandra Merloni-Horemans, fidèle administratrice à la tête également d’une demi-douzaine d’entités liées au groupe, de Conakry à Guernesey et de Genève à Amsterdam. C’est également au bout du lac que l’on trouve l’un des administrateurs de la Fondation Balda, ultime véhicule de redistribution des profits au service de la famille Steinmetz. Il s’agit de l’avocat genevois Marc Bonnant, ami du milliardaire. Enfin, c’est bien depuis la Cité de Calvin, où il réside depuis 2005, que Beny Steinmetz administre BSG.

Pour davantage de transparence

Le cas BSG constitue un «cas d’école». Il montre pourquoi la transparence doit s’appliquer aux firmes actives dans le domaine des matières premières et souligne une fois de plus la nécessité pour la Suisse de suivre le mouvement international, déjà effectif aux Etats-Unis et dans l’Union européenne, obligeant les entreprises à publier leurs paiements aux gouvernements (licences, concessions, impôts, etc.).

Par ailleurs, la structure de BSG et le cas guinéen montrent comment le recours abusif aux paradis fiscaux facilite la dissimulation d’activités illégales, en particulier la corruption dans les Etats fragiles, ainsi que l’évasion fiscale au détriment de ces derniers. Pour mettre un terme à ces pratiques, les propriétaires et les ayants droits économiques des firmes doivent être publiés dans les registres du commerce suisses.

Source : La Déclaration de Berne

PS : La Déclaration de Berne est une association créée en 1968. Elle regroupe des citoyennes et des citoyens décidés à agir en Suisse pour un monde plus juste. Elle interpelle les décideurs politiques et économiques suisses sur les inégalités dans le monde et les blocages qui empêchent le développement des populations pauvres de la planète.

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