Censure

Investi pour un second mandat : Alpha va-t-il changer?

Dans son intervention faite  Ă  l’occasion de  son investiture le 14 dĂ©cembre dernier, Alpha CondĂ© semble avoir rompu avec le genre de discours qu’il avait l’habitude de servir Ă  ses compatriotes, et qui Ă©taient gĂ©nĂ©ralement  de nature Ă  exacerber les tensions sociopolitiques. Cette fois le ton Ă©tait rassembleur, comme si le prĂ©sident voulait tracer une ligne de dĂ©marcation entre son premier mandat et le second qui s’annonce sans doute Ă  ses yeux, sous de « meilleurs » auspices.

La cĂ©rĂ©monie de prestation de serment du prĂ©sident Alpha CondĂ© s’est dĂ©roulĂ©e lundi dernier, en grande pompe. Le gouvernement n’a mĂ©nagĂ© ni ses efforts ni ses finances pour donner toute sa force et sa solennitĂ© Ă  l’évĂ©nement.

Un Ă©vĂ©nement qui fut rehaussĂ© par la prĂ©sence de 13 chefs d’Etat du continent, venus tĂ©moigner leur soutien et leur solidaritĂ© Ă  leur homologue guinĂ©en. Au palais Mohamed V, les  chefs d’Etat du Burkina Faso, Michel Kafando, du Congo Brazzaville, DĂ©nis Sassou N’Guesso, de la Sierra Leone, Ernest Bai Koroma, de la Lybie, Aguiba Salah Issa et du Mali, Ibrahim Boubacar KĂ©ita, du SĂ©nĂ©gal, Macky Sall, du Gabon,  Omar Bongo, pour ne citer que ceux-ci Ă©taient prĂ©sents.

D’ailleurs le prĂ©sident a entamĂ© son discours prononcĂ© pour la circonstance par un clin d’Ɠil Ă  ses « amis ». « Je suis trĂšs sensible aux tĂ©moignages d’amitiĂ© et de soutien qui me sont adressĂ©s depuis la proclamation des rĂ©sultats de l’élection prĂ©sidentielle du 11 octobre 2015. Et je voudrai ici remercier et souhaiter la bienvenue en GuinĂ©e, notre cher pays, Ă  tous nos hĂŽtes, les chefs d’Etats qui ont bien voulu honorer de leur prĂ©sence cette cĂ©rĂ©monie de prestation de serment. En mon nom propre et celui du peuple guinĂ©en, j’exprime la profonde gratitude pour cette marque de fraternitĂ©, d’amitiĂ© et de sympathie. Un motif de fiertĂ© pour le peuple guinĂ©en », a indiquĂ© Alpha CondĂ©. 

De sa reconnaissance aux forces vives et Ă  la presse

Le chef de l’Etat a ensuite adressĂ© ses fĂ©licitations aux forces vives et Ă  la presse nationale. Une premiĂšre dans son discours. Car, il avait habituĂ© les GuinĂ©ens Ă  prendre Ă  partie les mĂ©dias, pour lesquels il affichait gĂ©nĂ©ralement du mĂ©pris.

« J’adresse ma reconnaissance aux forces politiques, aux organisations de la sociĂ©tĂ© civile, aux associations professionnelles, aux jeunes, aux femmes et aux anciens qui se sont impliquĂ©s pour assurer la tenue d’un scrutin apaisĂ© et le triomphe de notre programme politique : Ă  savoir, la GuinĂ©e en marche vers le progrĂšs.

Je fĂ©licite l’ensemble de la presse nationale qui a fortement contribuĂ© Ă  la sĂ©rĂ©nitĂ© et au bon dĂ©roulement du scrutin. Je tiens Ă  le  relever et Ă  saluer son travail.  Peuple de GuinĂ©e, le 11 octobre 2015,  par votre volontĂ© souveraine, vous m’avez une fois de plus accordĂ© votre confiance pour prĂ©sider aux destinĂ©es de notre cher pays. En me réélisant Ă  la magistrature suprĂȘme, vous prenez avec moi un engagement nouveau et fort pour traduire dans les actes notre devise Ă  savoir, le travail, la justice et la solidaritĂ©. Je vous promets de consacrer toute mon Ă©nergie Ă  prĂ©server l’indĂ©pendance de la GuinĂ©e, sa souverainetĂ© chĂšrement acquise, son unitĂ© nationale et son rayonnement dans le monde», a-t-il dit dans son discours.

De la construction d’un pays uni, fort, libre et fraternel

Le chef de l’Etat s’est aussi engagĂ© Ă  amĂ©liorer la gouvernance, en vue d’amĂ©liorer la vie des populations.

« L’essentiel de nos actions vise Ă  atteindre nos objectifs qui demeurent : la construction d’un pays uni, fort, libre et fraternel. Un pays tournĂ© vers   la prise en compte des aspirations de nos populations, par  une gouvernance soucieuse d’offrir aux uns et autres une vie meilleure Ă  travers une politique de dĂ©veloppement, marquĂ©e du sceau de la lutte contre la pauvretĂ©, de la mise en place d’une politique d’éducation et de  santĂ© menant Ă  l’épanouissement de nos populations. »

Que vaut un serment ?

Un adage dit qu’une loi ne vaut que ce que valent les hommes chargĂ©s de l’appliquer. On peut en dire autant d’un serment. Il ne vaut que ce que vaut celui qui prĂȘte serment, et ceux chargĂ©s du suivi du serment.

VoilĂ  cinq ans que le professeur Alpha CondĂ© prĂȘtait serment pour son premier mandat, c’était avec la mĂȘme solennitĂ© que maintenant. Il a jurĂ© « devant le peuple et sur son honneur de respecter et de faire respecter la Constitution et toutes les lois de la RĂ©publique » et « qu’en cas de parjure que la loi lui soit appliquĂ©e dans toute sa rigueur ».

Demandons-nous maintenant qu’est-ce qu’il a Ă©tĂ© de ce serment ? Que de scandales financiers et de crimes de sang sont restĂ©s impunis ! Que de conflits intercommunautaires ont Ă©tĂ© provoquĂ©s ou attisĂ©s par le pouvoir !

Que de manƓuvres dĂ©loyales ont entachĂ© le processus Ă©lectoral ! En consĂ©quence de tout cela cette malgouvernance qui a plongĂ© le pays dans une rĂ©cession Ă©conomique sans prĂ©cĂ©dent.

Alors quand on demande aujourd’hui aux GuinĂ©ens  de croire au nouveau serment d’Alpha CondĂ©, nombreux sont les citoyens qui restent dubitatifs. Il a Ă©tĂ© possible de lui accorder le bĂ©nĂ©fice du doute au dĂ©but de son premier quinquennat. Cela ne sied plus en 2015.

Des observateurs  soutiennent que l’homme Ă©tant perfectible Ă  l’infini, on peut encore faire confiance que le professeur est capable de changement et qu’il va le faire. Mais  il ya des gens qui pour leur  part continuent de faire preuve de scepticisme.

Ils disent Ă©couter toujours d’une oreille le discours d’un homme politique, et prĂ©fĂšrent l’attendre sur le terrain des actes.

Comment un homme d’environ 80 ans peut-il, mĂȘme si c’est son souhait, changer de fusil d’épaule ? Les vieilles habitudes sont une seconde nature pour chacun de nous. On s’en dĂ©fait difficilement. EspĂ©rons nĂ©anmoins le miracle.

O. TIERO   in L’IndĂ©pendant, partenaire de Guinee7.com                                                                                       Â