Censure

Les confidences de Bah Oury

Amadou Oury Bah, vice-prĂ©sident de l’Union des forces dĂ©mocratiques de GuinĂ©e (UFDG) a l’air trĂšs remontĂ© contre la lenteur qui entoure l’exĂ©cution des dĂ©cisions de justice portant sur les violences qui se sont soldĂ©es par la mort du reporter Mohamed Diallo. L’opposant qui s’est confiĂ© Ă  notre reporter, dans cet entretien, pense qu’il ne pourrait avoir de rĂ©conciliation entre lui et Cellou Dalein Diallo, tant que la justice n’aura pas tranchĂ© dans ce dossier. M. Bah a aussi donnĂ© sa lecture du discours polĂ©mique du prĂ©sident de la RĂ©publique et les incidents qui ont Ă©maillĂ© l’inauguration de la MosquĂ©e de Timbo.

Bonjour  Monsieur Bah. Qu’est-ce qui explique la dĂ©mission de M. Bah de la commission de rĂ©flexion sur l’éducation initiĂ©e rĂ©cemment par le chef de l’Etat?

Bah Oury : Bon ! Je crois que ce n’est pas une dĂ©mission, c’est un retrait pour utiliser les termes les plus adaptĂ©s. Ce retrait s’explique parce que la premiĂšre rĂ©union oĂč on devrait procĂ©der Ă  la mise en place d’une  structure de cette commission, le conseiller Ă  la prĂ©sidence chargĂ© de l’éducation a dĂ©cidĂ© sans concertation, de se proposer prĂ©sident de la commission  et de donner deux autres vices prĂ©sidences, l’une Ă  la sociĂ©tĂ© civile, l’autre au syndicat. Et de mettre en place deux rapporteurs et tous les autres membres devenaient des membres simples. Personnellement, j’ai estimĂ© que sĂ©ance tenante, que le cumul de fonctions de prĂ©sident de la commission et de conseiller Ă  la prĂ©sidence chargĂ© de l’éducation remettait en cause l’indispensable autonomie dont la commission a besoin pour faire correctement le travail comme l’avait recommandĂ© le prĂ©sident Alpha CondĂ©. Donc j’ai dit dans le cas d’espĂšce, cette structuration ruine la crĂ©dibilitĂ© indispensable pour que le travail puisse se faire en toute objectivitĂ© et de maniĂšre exhaustive dans l’intĂ©rĂȘt du systĂšme Ă©ducatif. J’ai dĂ©cidĂ© par la suite  aprĂšs avoir informĂ© le prĂ©sident de la rĂ©publique de me retirer parce que je ne voyais pas une possibilitĂ© dans cette configuration, une possibilitĂ© de faire correctement le travail comme il a Ă©tĂ© demandĂ©.

Nous avons appris l’inculpation de cinq membres de l’UFDG suite Ă  l’assassinat de notre confrĂšre Mohamed Koula Diallo  le 05 fĂ©vrier dernier. DĂ©jĂ  des voix s’élĂšvent  pour parler d’une justice favorable au camp de  Bah Oudry. Que rĂ©pondez-vous ?

Non ! Ce n’est pas une justice favorable au camp de Bah Oury, c’est au contraire, il ya deux mandats d’arrĂȘt qui n’ont pas Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s depuis le 05 fĂ©vrier dernier.  Vous avez un certain Alphadjo pour lequel, il ya un mandat d’arrĂȘt en cours, vous avez « Freeman » dont le nom est Mamadou Saidou Barry, Mamadou Saidou Barry Alias « Freeman » qui ont des mandats d’arrĂȘt mais jusqu’à prĂ©sent, ils ne sont pas arrĂȘtĂ©s. Vous avez l’affaire Ibrahima Sory Camara qui a revendiquĂ© ouvertement l’attaque contre mon vĂ©hicule Ă  Dabondy Ă©cole. Jusqu’à prĂ©sent, il  est en libertĂ©, il n’est pas entendu, vous avez Boubacar Diallo dit « Grenade » qui a agressĂ© mes proches. Il ya des plaintes multiples contre lui, jusqu’à prĂ©sent il n’est pas arrĂȘtĂ©, vous avez Souleymane Bah dit ThianguĂ©l qui est inculpĂ© dans cette affaire mais il jouit toujours de sa libertĂ©. Donc qui peut dire de ce point de vue que la justice est favorable Ă  Bah Oury. Au contraire c’est  mes proches, c’est moi-mĂȘme qui risquons notre vie avec des gens  qui sont prĂȘts Ă  tuer, Ă  assassiner et que ceux-lĂ  ne sont pas encore entre les mains de la justice. Ça c’est un risque pour mes proches et pour moi-mĂȘme. Donc lorsqu’ils crient haut que la justice est favorable Ă  Bah Oury, ce n’est pas exact, c’est une stratĂ©gie politicienne qui consiste Ă  crier le plus haut pour faire peur aux autoritĂ©s judiciaires, pour que ces autoritĂ©s judiciaires, intimidĂ©es ne fassent pas correctement le travail. Lorsque nous sommes allez au PM3 pour faire la plainte concernant Ibrahima Sory Camara, ils nous ont dit, vous savez ces affaires, il faut une autorisation d’en haut. On ne veut pas avoir des attroupements, cela veut dire qu’il ya des gens  qui sont au dessus de la loi, qui peuvent tuer, faire du n’importe quoi, inquiĂ©ter les autres, non ! Je pense que s’il ya la justice, il ya l’indispensable nĂ©cessitĂ© de prĂ©server la sĂ©curitĂ© de tous les citoyens, et dans le cas d’espĂšce notre sĂ©curitĂ© n’a pas Ă©tĂ© assurĂ©e et des gens qui ont jurĂ© de nous assassiner courent en libertĂ©. Donc de ce point de vue, Cellou Dalein et consort doivent revoir leurs copies. Il ya eu une des plaintes, notamment la dĂ©nonciation calomnieuse contre Cellou Dalein, lorsqu’ils ont dit que c’est moi qui avait l’arme et qui ai tirĂ© sur le journaliste. Cette plainte n’est pas encore Ă©tudiĂ©e parce que Cellou Dalein bĂ©nĂ©ficie d’une immunitĂ© parlementaire. De ce point de vue la justice est elle favorable Ă  Cellou ou Bah Oury. Donc ces cas vous permet de dire que la justice devra se faire et que l’impunitĂ© devra ĂȘtre arrĂȘtĂ©e dans le cadre de cet affaire parce que nous irons jusqu’au bout.

Selon des rumeurs, un groupe de sages du Fouta serait sur pied pour tenter une fois de rĂ©concilier Bah Oury et Cellou. Si tel est le cas,  seriez-vous prĂȘt Ă  fumer le calumet de la paix avec Cellou Dalein?

Jusqu’à prĂ©sent, je ne suis pas au courant de cette initiative premiĂšrement. Et deuxiĂšmement quelqu’un est mort, quelqu’un a Ă©tĂ© assassinĂ©, Mohamed Koula Diallo. Est-ce qu’on peut le faire ressusciter avant de faire n’importe quoi ? Il faut qu’il y ait d’abord justice. Justice de maniĂšre pleine et entiĂšre avant de parler autre chose.

L’inauguration de la mosquĂ©e de Timbo a donnĂ© lieu Ă  des incidents. Quelle est votre lecture de cette situation?

Bon ! Je n’étais pas Ă  Timbo, je dĂ©plore ces faits. J’ai dĂ©ploré  surtout qu’une mosquĂ©e aussi vĂ©nĂ©rĂ©e que celle de Timbo, des personnes mal intentionnĂ©es n’ont pas eu la retenue et l’immunitĂ© nĂ©cessaires pour savoir que devant la maison de Dieu, on oublie son manteau de ceci et cela et on se confond au citoyen le plus ordinaire. Certains sont tellement imbus de leur personne qu’ils croient que partout, il faut qu’ils aient tous les honneurs.  C’est une des raisons qui a amenĂ© Ă  ce qu’il y ait ce problĂšme. Si chacun savait se retenir et faire preuve de l’immunitĂ©, je pense que le problĂšme n’aurait pas eu lieu et deux jours avant il y avait dĂ©jĂ  des prĂ©misses qui ont amenĂ©  certains de considĂ©rer que aller Ă  Timbo pour l’inauguration de la mosquĂ©e est une autre maniĂšre de faire de la politique politicienne.  Malheureusement pour eux, ils ont Ă©tĂ© l’une des causes qui a fait que cette inauguration qui devrait ĂȘtre solennelle, qui devrait ĂȘtre trĂšs religieuse a tournĂ© pratiquement au drame. Mais justice se fera lĂ  aussi au-delĂ  de la justice des hommes. La justice divine se fera par rapport Ă  cette affaire concernant Timbo.

Est-ce que la gouvernance actuelle n’est pas sur un mauvais chemin avec la corruption qui gangrĂšne l’administration et les « dĂ©rives » de langage qu’on reproche au prĂ©sident de la rĂ©publique, qui semble verser dans la communautarisation Ă  outrance?

Non lĂ , il faut rendre Ă  CĂ©sar  ce qui appartient Ă  CĂ©sar. C’est vrai que le discours prĂ©sidentiel a stigmatisĂ© quelques personnes, en faisant rĂ©fĂ©rence Ă  des  communautĂ©s ethniques. C’est une erreur  de communication en parlant d’ethnie. Je pense qu’il ya eu correction Ă  ce niveau lĂ . Mais je pense que ce discours du prĂ©sident de la rĂ©publique qui est malinkĂ©, en direction des cadres qui sont malinkĂ©s devra ĂȘtre vu autrement que si c’était quelqu’un d’autre qui Ă©tait en dehors de la communautĂ© malinkĂ© qui aurait parlĂ© comme ça de la communautĂ© malinkĂ©. Donc il faut prendre la juste mesure des choses, quoi qu’il en soit. Toute rĂ©fĂ©rence Ă  l’ethnie en bien ou en mal dans le discours politique doit ĂȘtre abolie parce que ça n’apporte aucune valeur ajoutĂ©e. Ça  n’amĂšne que des crispations et ça n’amande pas du tout Ă  faire Ă©merger une valeur  citoyenne. Tous les citoyens guinĂ©ens sont Ă©gaux en droit peu importe leurs noms, peu importe leur origine. C’est comme ça qu’il faut prendre les choses. Nous ne sommes pas une rĂ©publique des ethnies, nous sommes une rĂ©publique des citoyens. Des citoyens doivent ĂȘtre de ce point de vue, vus individuellement et non  pas Ă  travers le prisme ethnique. Ceci est valable pour nous tous, c’est valable pour Cellou Dalein qui veut dire regarder lorsqu’il est revenu de Fatako ‘’ils ne nous aiment pas nous les peulhs’’.Quel est ce discours irresponsable, est-ce que ça va dans le sens de la consolidation, de la stabilitĂ©, du raffermissement de l’unitĂ© nationale ? Pas du tout! Donc toute rĂ©fĂ©rence Ă  l’ethnie dans le contexte de cette GuinĂ©e qui est dans un environnement relativement troublĂ© est une attitude qui va Ă  l’encontre de l’intĂ©rĂȘt du pays.

Avez-vous un appel à lancer à vos compatriotes ?

Faire confiance Ă  l’avenir, rechercher la vĂ©ritĂ© et voir les choses avec luciditĂ©, et responsabilitĂ© pour faire prĂ©valoir l’intĂ©rĂȘt du pays. L’intĂ©rĂȘt du pays dans le contexte actuel, c’est aller dans le sens de la dĂ©crispation, aller dans le sens de l’apaisement pour permettre Ă  ce pays de s’attaquer aux vrais problĂšmes, c’est-Ă -dire Ă  la question de la pauvretĂ©, Ă  la question de l’emploi, Ă  la question d’une croissance Ă©conomique indispensable pour faire avancer le pays, et faire en sorte que les GuinĂ©ens puissent jouir un peu de bonheur, c’est ça qui est essentiel. Tous le reste n’est que dans une certaine mesure, qu’avant tout politicien. Et moi je souhaite que la GuinĂ©e et la grande  majoritĂ© des GuinĂ©ens aillent dans le sens de ce qui est essentiel, c’est-Ă -dire l’intĂ©rĂȘt du pays, l’avenir Ă  construire dans un cadre unitaire et dans un cadre qui se dĂ©veloppe.

Entretien rĂ©alisĂ© par Alpha Amadou Diallo                                   Â