La Guinée n’a toujours pas rendu justice pour les crimes graves commis le 28 septembre 2009 au stade de Conakry ont déclaré aujourd’hui six organisations internationales et nationales de défense des droits humains, en amont du 7e anniversaire de ce massacre. Ce jour-là , plus de 150 manifestants pacifiques avait été tués par les forces de défense et de sécurité et plus de 100 femmes avaient été violées. Des centaines de blessés et de nombreux pillages avaient également été dénombrés.
« Combien de temps allons-nous devoir encore attendre avant que justice ne soit rendue » a déclaré Asmaou Diallo, présidente de l’association des victimes, parents et amis du 28 septembre (AVIPA). « Nous reconnaissons les progrès réalisés, mais nous attendons avec impatience le jour où les personnes responsables des meurtres et des viols de nos proches seront jugées. »
Les six organisations sont la FIDH, Human Rights Watch (HRW), l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme et du citoyen (OGDH), l’Association des victimes, parents et amis du 28 septembre (AVIPA), Les mêmes droits pour tous (MDT), et la Coordination des organisations de défense des droits de l’Homme (CODDH).
L’enquĂŞte, qui est menĂ©e par un pool de juges d’instruction guinĂ©ens, a Ă©tĂ© ouverte en fĂ©vrier 2010 mais n’a toujours pas Ă©tĂ© clĂ´turĂ©e. NĂ©anmoins, des progrès majeurs ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s au cours des six dernières annĂ©es en dĂ©pit des obstacles politiques, financiers, et logistiques. D’anciens et d’actuels hauts fonctionnaires ont Ă©tĂ© inculpĂ©s, notamment l’ancien prĂ©sident de la junte du Conseil national pour la dĂ©mocratie et le dĂ©veloppement (CNDD), Moussa Dadis Camara, et son vice-prĂ©sident Mamadouba Toto Camara. De mĂŞme, plus de 400 victimes et des membres de leurs familles ont pu ĂŞtre auditionnĂ©es par les juges, qui ont Ă©galement entendu des tĂ©moins y compris au sein des services de sĂ©curitĂ©.
Certains aspects de l’enquĂŞte demeurent cependant en suspens, notamment l’interrogatoire d’au moins un tĂ©moin important, la localisation d’au moins un suspect, et l’identification des fosses communes oĂą se trouveraient les corps d’environ 100 victimes qui sont toujours portĂ©es disparues. Des tĂ©moins affirment que les forces de sĂ©curitĂ© se sont efforcĂ©es de dissimuler les preuves de leurs crimes et de falsifier le nombre de personnes tuĂ©es. Ces Ă©lĂ©ments ne devraient pour autant pas conduire les autoritĂ©s judiciaires guinĂ©ennes Ă retarder la fin de l’enquĂŞte, ont dĂ©clarĂ© nos organisations.
« Les victimes, leurs avocats de la FIDH et de l’OGDH, et nos organisations veulent maintenant une clôture de l’instruction et la tenue d’un procès qui permettra enfin la vérité, la justice et la réparation pour les victimes » a déclaré Dimitris Christopoulos, président de la FIDH.
Le dĂ©but d’une rĂ©forme profonde du système judiciaire en 2014 a conduit Ă des progrès significatifs dans le dossier et a jetĂ© les bases d’une modernisation attendue du système, ont dĂ©clarĂ© nos organisations. Ces changements sont essentiels pour combler les lacunes importantes du système judiciaire guinĂ©en et pour renforcer son indĂ©pendance, son impartialitĂ© et son efficacitĂ©.
La Cour pĂ©nale internationale (CPI), qui a ouvert un examen prĂ©liminaire sur la situation en GuinĂ©e en octobre 2009, a rĂ©gulièrement rappelĂ© au gouvernement guinĂ©en son obligation de mener ce dossier jusqu’au procès. Le gouvernement guinĂ©en devrait veiller Ă ce que la phase d’enquĂŞte du dossier se termine dans les meilleurs dĂ©lais pour organiser un procès, ont dĂ©clarĂ© nos organisations.
La CPI est une juridiction de dernier recours. ConformĂ©ment au principe de complĂ©mentaritĂ©, elle n’intervient que lorsque les tribunaux nationaux sont incapables ou refusent d’enquĂŞter et de poursuivre les cas qui relèvent de sa compĂ©tence.
« La Guinée pourrait devenir, avec ce procès attendu, un véritable leader en matière de justice pour les crimes graves en Afrique », a déclaré Corinne Dufka, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. « Le gouvernement guinéen devrait apporter tout son soutien aux juges d’instructions pour qu’ils achèvent leur travail afin que les auteurs du massacre au stade soient jugés dans les plus brefs délais ».
Source : FIDH et HRW