Censure

Macron veut lutter contre les fake news (fausses nouvelles) sur Internet

Emmanuel Macron s’exprime rarement dans les mĂ©dias. Depuis son Ă©lection, le prĂ©sident de la RĂ©publique s’est contentĂ© d’interviews au compte-gouttes. Il a mĂȘme instaurĂ© une certaine distance avec les journalistes, source de tensions, d’incomprĂ©hensions. Le chef de l’État a cependant tenu Ă  prĂ©senter ce mercredi 3 janvier ses vƓux Ă  la presse, lors d’une cĂ©rĂ©monie organisĂ©e Ă  l’ÉlysĂ©e, Ă  17h30. Le prĂ©sident renoue ainsi avec une tradition de la Ve RĂ©publique, nĂ©e sous la prĂ©sidence du gĂ©nĂ©ral de Gaulle.

Le rituel des vƓux Ă  la presse avait Ă©tĂ© dĂ©laissĂ© depuis François Hollande en 2014. L’ancien locataire de l’ÉlysĂ©e avait remplacĂ© l’exercice par une confĂ©rence de presse. En les rĂ©tablissant, Emmanuel Macron remet Ă  jour une tradition prĂ©sidentielle, marque une volontĂ© d’apaisement et livre quelques pistes concernant la rĂ©gulation des mĂ©dias, l’avenir de l’audiovisuel public.

La prise de parole d’Emmanuel Macron a Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ©e d’un court discourt d’Elisabeth Pineau, prĂ©sidente de l’association de la presse prĂ©sidentielle (APP). Le chef de l’État s’est ensuite exprimĂ© devant les journalistes invitĂ©s, qui n’ont pas pu poser de questions Ă  l’issue de son intervention, contrairement aux vƓux de Nicolas Sarkozy en 2008 et François Hollande en 2014.

1. Une « saine distance » entre le pouvoir et les médias

Lors de ses vƓux Ă  la presse, Emmanuel Macron a plaidĂ© pour une « saine distance » entre pouvoir et mĂ©dias, critiquant une « proximité » qui a longtemps nui, selon lui, Ă  l’action publique. Une façon de justifier la raretĂ© de la parole prĂ©sidentielle dans les mĂ©dias dĂ©sormais. « Trop souvent, pouvoir et mĂ©dias ont donnĂ© l’impression d’une complicitĂ©, et parfois d’une brutalitĂ© qui Ă©tait son revers, dont (la) dignitĂ© dĂ©mocratique fut la premiĂšre victime », a dĂ©clarĂ© le prĂ©sident de la RĂ©publique.

« C’est pourquoi je crois beaucoup plus fĂ©cond que chacun exerce son rĂŽle dans son intĂ©gritĂ©, Ă  distance des tentations de castes et de pugilats outranciers et avec un retour aux fondamentaux qui est d’abord le respect », a-t-il ajoutĂ©.

« La volontĂ© lĂ©gitime de questionner un texte, une politique, je ne la remettrai jamais en cause. Mais cette obsession de vouloir comprendre le contexte pour ne jamais parler du texte de l’action, elle n’est pas lĂ©gitime. Savoir si je prĂ©pare mes vƓux de jour, de nuit, s’ils seront debout, assis, couchĂ©s, n’a aucun intĂ©rĂȘt », a affirmĂ© le prĂ©sident.

2. Une loi pour lutter contre les fake news

« La libertĂ© de la presse n’est pas une libertĂ© spĂ©ciale, elle est la plus haute expression de la liberté ». Durant son discours, Emmanuel Macron a rappelĂ© la nĂ©cessitĂ© d’une presse libre, indispensable Ă  la vie dĂ©mocratique.

Le prĂ©sident de la RĂ©publique a ensuite axĂ© son allocution sur la lutte contre les fausses informations qui se sont propagĂ©es sur internet ces derniĂšres annĂ©es et ont perturbĂ© les Ă©lections prĂ©sidentielles amĂ©ricaines et françaises, entre autres. Le chef de l’État a annoncĂ© qu’un « texte de loi » allait ĂȘtre dĂ©posĂ© « prochainement » pour lutter contre les fake news sur internet en « pĂ©riode Ă©lectorale ». Il a Ă©voquĂ© la « propagande » de « certains mĂ©dias » financĂ©s par des « dĂ©mocraties illibĂ©rales ».

« Nous allons faire Ă©voluer notre dispositif juridique pour protĂ©ger la vie dĂ©mocratique de ces fausses nouvelles », a dĂ©clarĂ© Emmanuel Macron lors de ses vƓux Ă  la presse. « Les plates-formes se verront imposer des obligations de transparence accrue sur tous les contenus sponsorisĂ©s afin de rendre publique l’identitĂ© des annonceurs et de ceux qui les contrĂŽlent, mais aussi de limiter les montants consacrĂ©s Ă  ces contenus », a-t-il prĂ©cisĂ©.

En cas de propagation d’une fausse nouvelle, le locataire de l’ÉlysĂ©e veut pouvoir « supprimer le contenu mis en cause et dĂ©rĂ©fĂ©rencer le site ». La future loi permettra ainsi de saisir un juge en cas de propagation de fausse information ainsi qu’une obligation de transparence sur les contenus sponsorisĂ©s pour les plate-formes web.

3. Mieux rémunérer les créateurs de « valeur ajoutée »

Pour amĂ©liorer la qualitĂ© gĂ©nĂ©rale de l’information et bien diffĂ©rencier les contenus proposĂ©s sur internet, Emmanuel Macron veut trouver des solutions Ă©conomiques pour valoriser les mĂ©dias. « Toutes les paroles ne se valent pas », a soulignĂ© le chef de l’État, qui veut lutter contre « le relativisme absolu » des contenus.

Emmanuel Macron considĂšre qu’il est « indispensable que la valeur ajoutĂ©e soit mieux rĂ©partie auprĂšs de ceux qui crĂ©ent ». C’est Ă  dire que le prĂ©sident de la RĂ©publique souhaite s’engager pour une nouvelle et meilleure rĂ©partition des revenus entre producteurs de l’information (journalistes, auteurs, mĂ©dias au sens large) et certains diffuseurs (Facebook, Google). Un chantier ambitieux, compliquĂ©, mais incontournable Ă  l’heure du numĂ©rique. Le prĂ©sident a Ă©galement interpellĂ© les journalistes Ă  participer Ă  une rĂ©flexion collective sur les mĂ©dias en 2018.

4. Les pouvoirs du CSA accrus

Le chef de l’État a Ă©galement fait une annonce importante concernant le Conseil supĂ©rieur de l’audiovisuel. Emmanuel Macron a ainsi expliquĂ© devant les journalistes prĂ©sents que les pouvoirs du CSA « seraient accrus pour lutter contre toute tentative de dĂ©stabilisation par des services de tĂ©lĂ©vision contrĂŽlĂ©s ou influencĂ©s par des États Ă©trangers ».

Le renforcement du CSA a pour objectif « de refuser de conclure des conventions avec de tels services », ou de « suspendre ou annuler » ces conventions « en prenant en compte tous les contenus édités par ces services, y compris sur internet », a précisé le président de la République.

5. Un projet de loi sur l’audiovisuel public pour fin 2018

C’est l’autre grande annonce des vƓux Ă  la presse. Emmanuel Macron a confirmĂ© la prĂ©sentation en Conseil des ministres, « avant la fin de l’annĂ©e » 2018, d’un projet de loi sur l’audiovisuel public. À la fin du premier trimestre 2018, des propositions partagĂ©es, chiffrĂ©es et structurĂ©es, construisant un scĂ©nario de transformation Ă  mettre en Ɠuvre seront rendues par la mission sur laquelle s’appuie la ministre de la Culture », Françoise Nyssen, a dĂ©clarĂ© le prĂ©sident de la RĂ©publique.

« Ce travail doit ĂȘtre le fruit, non seulement du groupe interministĂ©riel constituĂ© de la concertation en cours avec les sociĂ©tĂ©s audiovisuelles placĂ© sous l’autoritĂ© de la ministre, mais Ă©galement de ce dĂ©bat extrĂȘmement large qui nous permettra de comparer les diffĂ©rents modĂšles europĂ©ens et internationaux parfois retenus et qui peuvent utilement nous inspirer », a prĂ©cisĂ© le chef de l’État.

« L’audiovisuel public est au service de la cohĂ©sion nationale, il est un miroir tendu Ă  la Nation et il doit ĂȘtre pensĂ© pour tous les publics, pour toutes les pratiques et viser l’excellence pour tous, a-t-il soulignĂ©. C’est cela sa mission d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et sa raison d’ĂȘtre. »

Source : RTL