En cette journée mondiale de la liberté de la presse, l’occasion se prête à une introspection sur la situation alarmante des médias en Guinée. Le paysage médiatique traverse une crise profonde. Pour mieux comprendre l’impact humain de cette situation, nous avons rencontré Mamoudou Boulèrè Diallo, ancien responsable de la section Langue nationale à Espace TV, aujourd’hui tristement surnommé « l’autre chômeur ».
« Cela fait douze mois que nous sommes sans salaire. Nous existons, mais nous ne vivons plus », déclare-t-il avec amertume. Le journaliste dénonce la brutalité de la fermeture de leur média, survenue sans avertissement. « C’était d’une cruauté indescriptible. On ne nous a pas informés. On parle de fautes commises, mais lesquelles exactement ? Jusqu’à présent, je me demande comment Djoma, FIM et Espace ont pu être sanctionnés le même jour, pour les mêmes raisons. Pourquoi aucune sommation ? Pourquoi une interdiction aussi soudaine de faire notre métier, celui pour lequel nous nous sommes battus ? Je suis journaliste, c’est tout ce que je connais. »
Son témoignage est poignant. Il parle d’une période marquée par la détresse, la désillusion, la précarité et l’humiliation : « c’est une période de déception, de doute, d’indignité, de galère, de méfiance. C’est une période innommable, parce que ça me fait mal, que ce soit dans mon pays que cela soit arrivé. Parce que je pouvais être dans un autre pays en train d’exercer le métier, que cela m’arrive et je reviens chez moi. Même si ça ne va pas, je suis chez moi. Mais là, quand j’échange avec des confrères d’autres pays ou d’autres continents, je suis obligé de défendre mon pays. Mais quand on t’expose les faits, le fait est sacré. »
Pour lui, le silence qui entoure ces décisions est incompréhensible. « Si des violations ont eu lieu, pourquoi ne pas nous avoir expliqué ? Pourquoi n’y a-t-il pas eu de procédure claire, de dialogue, de sommation pour sauver les emplois ? Rien du tout. »
C’est de retour de Nzérékoré, où il était allé pour une mission, qu’il a été mis devant le fait accompli. Il a dénoncé un climat de méfiance : « Le mal, c’est qu’on veut te faire croire que ça va. On ne veut pas entendre que les médias sont fermés. C’est un fait. Quand tu parles, on dit que tu es radical. Tu es ceci, tu es cela. On va retenir ta tête. Partout, tu auras peut-être un projet. On va dire non, lui, il est contre nous. On n’est contre personne. »
Et de conclure : « Ce qui est aussi étonnant, c’est qu’il a fallu qu’un journaliste soit ministre de l’Information et de la Communication pour que cela arrive. On ne dit pas que c’est lui l’auteur ou c’est lui la cause. C’est lui qui a agi. Mais qu’est-ce qu’il a fait pour l’en empêcher ? », s’interroge-t-il.
Abdoul Lory Sylla pour Guinee7.com