Censure

Conakry : l’avenir de la presse guinéenne au cœur d’un forum

L’avenir du paysage médiatique guinéen est au centre des discussions depuis ce lundi à Conakry, à l’occasion d’un forum organisé par la Haute Autorité de la communication (HAC). L’événement réunit dans un complexe hôtelier de la place des personnalités de haut niveau, parmi lesquelles des membres du CNRD, du gouvernement dirigé par le Premier ministre Amadou Oury Bah, du président du CNT, Dansa Kourouma, ainsi que des ambassadeurs et des responsables des instances de régulation de la communication venus du Maroc, de Côte d’Ivoire, du Mali et du Sénégal.
Prévu jusqu’à mercredi, ce forum vise à établir un diagnostic de la presse guinéenne et à réfléchir aux conditions propices à son épanouissement dans le contexte actuel du pays.

Dans son discours inaugural, Boubacar Yacine Diallo, président de la HAC, a dénoncé certaines pratiques qui gangrènent la profession : « Nous avons initié, mes collègues et moi, ce forum pour évoquer les sujets concernant l’exercice de la profession. Une profession qui a été infiltrée, n’ayons pas peur des mots, par des individus à la recherche du gain facile, parfois dans la malhonnêteté. Et je suis au regret de faire ce constat devant les journalistes qui sont en face de moi et que je respecte. »

Il a, à cet effet, lancé un appel aux professionnels des médias pour un assainissement du secteur : « Je voudrais donc m’adresser à vous, journalistes professionnels avisés, je voudrais vous demander de sortir de nos rangs ces individus malveillants qui sont venus intégrer la corruption dans nos rangs alors qu’ils prétendent dénoncer cette corruption. Ce sont les premiers corrompus. Nous devons les sortir de nos rangs. Nous avons, nous devons assainir nos rangs pour nous faire respecter, pour nous faire écouter, pour nous faire entendre. »

Selon lui, ce n’est qu’en assainissant le secteur, en créant des entreprises de presse solides et en exerçant la profession avec responsabilité que les autorités pourront apporter leur soutien : « Des entreprises de presse sont régulièrement établies, si des journalistes exercent en toute responsabilité leur profession », a-t-il précisé. Il a aussi annoncé les grands axes de réflexion du forum : « La convention collective, parce qu’un journaliste mal rémunéré est un journaliste exposé. Ensuite, si les journalistes et le syndicat parviennent à un texte consensuel pour donc faire faire la convention collective, je suis convaincu que les journalistes seront à l’abri, et en même temps, il faudra créer l’organe d’autorégulation, pour que le tribunal des pairs s’exerce librement ; il ne s’agit pas simplement de créer cet organe de régulation. Il faut mettre à sa tête des journalistes irréprochables dans lesquels tous les journalistes se reconnaîtront et reconnaîtront le jugement des pairs. Enfin, je voudrais espérer mercredi. Nous fixerons les mécanismes d’autorégulation et de régulation, et j’espère…»

Le président du Conseil national de la transition (CNT), Dansa Kourouma, s’est, pour sa part, réjoui de la pertinence des thématiques retenues. Il a exprimé l’engagement de son institution : « dans le cadre de la vulgarisation de la constitution, à œuvrer avec les médias pour qu’un débat inclusif, apaisé et pédagogique soit mené dans toutes les régions et préfectures et les missions diplomatiques à l’extérieur », réaffirmant également son soutien à la HAC : « toute dynamique de réformes juridiques pertinentes qui nous sera soumise par votre institution. »


De son côté, le Premier ministre Amadou Oury Bah a évoqué les tensions passées entre la presse et les autorités, tout en saluant les avancées : « Pratiquement, ça fait un an jour pour jour que nous avons divorcé. Mais je me réjouis aujourd’hui que les torts ont été justement rétablis. Le temps permet parfois de régler beaucoup de conflits, donc des fois, ce n’est pas à chaud qu’on peut régler des problèmes. Faut laisser le temps au temps. Le temps a permis de désamorcer les sujets et cela a permis de faire en sorte que progressivement l’esquisse et l’émergence d’une forme nouvelle de la pratique de la presse en République de Guinée puissent émerger. »

Et de poursuivre : « Le temps de la raison est venu. D’où la nécessité d’utiliser ces trois journées pour aller en profondeur dans le cadre d’une introspection, pour faire émerger une dynamique qui ne soit pas des dynamiques administratives, mais des dynamiques souhaitées et voulues par les acteurs de la presse de manière générale pour eux et par eux-mêmes, pour parvenir à passer à un second palier permettant à la presse, dans le contexte d’aujourd’hui, d’évoluer en bonne intelligence avec les évolutions institutionnelles et politiques en République de Guinée. »

Après avoir cité les efforts déployés en faveur de la presse, notamment la mise à disposition de maisons de la presse ou la nomination de journalistes à des postes de décision, il a appelé à plus de responsabilité : « La Guinée, les autorités et la presse sont en train de vivre un accompagnage en bonne intelligence. Mais bien entendu, un divorce reste un divorce. Les ressentiments ressurgissent des fois. Je comprends, et vous le savez bien, que dans l’écosystème des femmes et des hommes de médias, certains en souffrent, parce qu’ils ont perdu leurs sources de revenus. D’où la nécessité fondamentale pour nous tous d’être en capacité d’être responsables. Revenons aux valeurs fondamentales. Ma liberté s’arrête là où commence la liberté de l’autre. »
Au nom des organisations de presse, Aboubacar Camara a assuré de l’engagement de la corporation à collaborer avec la HAC dans « la recherche de solutions idoines concertée et partagée à toutes nos difficultés communes, celles qui existent déjà et à venir ».

Abdoul Lory Sylla pour Guinee7.com