On pouvait espérer que le forum organisé cette semaine à Conakry par la Haute Autorité de la Communication (HAC) sur ‘‘l’avenir de la presse en Guinée’’ soit un tournant décisif. Trois jours pour débattre, diagnostiquer sans détour et tracer des pistes concrètes pour sortir le journalisme guinéen de l’impasse. L’occasion semblait rêvée. La désillusion fut à la hauteur des attentes.
Ceux qui, de bonne foi, ont voulu croire à un espace de réflexion ouverte ont vite compris leur naïveté. Très vite, le débat s’est transformé en une mise en scène soigneusement orchestrée, où la critique institutionnelle, même modérée, devenait une offense, et où les intervenants applaudis étaient ceux qui préféraient accuser les médias privés plutôt que de questionner les dysfonctionnements du système. Toute tentative de remettre en cause le rôle du régulateur guinéen dans cette crise s’est heurtée à une fin de non-recevoir, voire à une hostilité visible.
Lorsqu’un journaliste a osé suggérer que la HAC elle-même devrait entamer sa mue, à l’instar des médias qu’elle prétend guider, le président Boubacar Yacine Diallo, visiblement piqué au vif, s’est levé pour répondre avec une véhémence étonnante, allant jusqu’à proposer la porte de sortie à la voix discordante. Faut-il rappeler que l’arrogance institutionnelle est rarement un remède aux malaises structurels ?
Le forum s’est ainsi mué en tribune d’auto-congratulation, loin des préoccupations réelles des journalistes : précarité, pressions politiques, censure économique, insécurité professionnelle. On y a préféré glorifier un reportage ou une enquête -dont les contours restent flous- réalisé (e) par un journaliste de la presse d’État, présenté comme un héros national. Certains n’ont pas hésité à évoquer le prix Pulitzer. Pince-sans-rire. De toute façon, l’effet de manche n’aura échappé à personne.
Ce forum aurait pu être un moment d’introspection collective. Il s’est révélé être un exercice de communication en faveur d’une institution (la HAC) en fin de mandat, plus soucieuse de prolonger son existence que d’assurer sa mission. À force de fuir la critique, on condamne la presse à l’immobilisme. Et l’on oublie, qu’à l’heure où les démocraties vacillent, le rôle d’un régulateur n’est pas de plaire au pouvoir ou de se protéger, mais de garantir un espace de liberté, de rigueur et de vérité.
L’avenir de la presse ne se joue pas dans un forum de l’autosatisfaction. Il se bâtit dans le courage d’écouter les vérités qui dérangent.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com