De la rédaction d’articles à la composition d’images, Ismaël a troqué les mots pour la lumière. Jeune chef opérateur guinéen, il éclaire aujourd’hui les récits audiovisuels les plus en vue d’Afrique de l’Ouest. Entre rigueur technique et liberté créative, il porte un regard lucide sur son métier et rêve d’un cinéma guinéen qui aurait enfin les moyens de ses ambitions.
Il y a dans son regard une intensité rare, la même que celle qu’il cherche à capter derrière la caméra. Ismaël n’a rien d’un technicien effacé ou impersonnel. Il parle de l’image comme d’un langage, d’un battement secret capable de raconter ce que les mots ne peuvent pas toujours dire. À un peu plus de 30 ans, il est devenu l’un des chefs opérateurs les plus recherchés de la scène audiovisuelle ouest-africaine. Pourtant, rien ne le prédestinait à une telle trajectoire, si ce n’est une sensibilité précoce au cinéma et aux récits bien racontés.
Du journalisme à l’image : Le chemin d’une vocation
Tout commence à Conakry, au sein d’une famille férue de cinéma local. « Ce n’était pas la technique qui me fascinait à l’époque, mais la capacité des acteurs à transmettre quelque chose de profond », se souvient-il. D’abord journaliste pour le site Guinee7.com, Ismaël se forme après à la photographie de cinéma. Très vite, il quitte donc la plume pour la caméra. « Une image bien construite peut dire autant qu’un paragraphe entier», n’est-ce pas ?
C’est sur le tournage du long métrage Saloum qu’il trouve sa voie : assistant caméra sur le plateau, il découvre les coulisses exigeantes de la direction de la photographie : « C’est là que j’ai compris que je voulais faire ça toute ma vie. »
Ismaël travaille aujourd’hui en freelance, un choix assumé qui lui permet de naviguer entre les formats, les équipes et les cultures. Il collabore avec des maisons de production prestigieuses telles que Marodi.tv (maison de production de Maitresse d’un homme marié, notamment), Oxygen Africa ou encore Gorée Cinéma. Avec Marodi, il s’attaque à des séries-fleuves de 50 épisodes : « C’est un marathon visuel. Il faut tenir la qualité sur la durée, sans perdre l’identité de la série. » À l’opposé, chez Oxygen Africa, il participe à des productions publicitaires courtes, destinées à de grandes marques : « En deux ou trois jours de tournage, on doit tout donner. C’est très formateur, très intense. »
Cette diversité nourrit son regard, aiguise sa maîtrise des contrastes, des rythmes et des ambiances. Surtout, elle lui offre une liberté précieuse : « Le fait de ne pas être lié à un contrat d’exclusivité me permet de choisir des projets en accord avec mes convictions. C’est vital. »
L’esthétique au service du récit
Mais qu’est-ce qu’une « belle image » ? Pour Ismaël, la réponse est sans équivoque : « Une belle image, ce n’est pas qu’un joli cadre. C’est une image qui raconte. » Il cite Ellen Kuras, cheffe opératrice américaine, comme référence majeure : « Il faut que les images aient un sens. Elles doivent raconter une histoire. » Une phrase qui résonne profondément chez celui qui refuse l’esthétisme vide.
Son rôle, en tant que chef opérateur, est double : construire l’identité visuelle du film tout en se mettant au service du récit. « Je travaille main dans la main avec le réalisateur, mais aussi avec les chefs électro, le décorateur, les stylistes. Tout doit être cohérent. Une belle lumière ne suffit pas, il faut qu’elle corresponde à l’émotion du moment», enseigne-t-il.
Et la Guinée dans tout ça ?
S’il tourne majoritairement à l’étranger, Ismaël n’en reste pas moins profondément attaché à la Guinée. Mais le constat est amer : « Quand on réussit à se faire un nom ailleurs, revenir travailler en Guinée relève presque du rêve. » Les projets manquent, les financements aussi. « Il y a des talents, mais pas d’écosystème. Il faut des structures, des plateformes, des opportunités concrètes. »
Pour autant, il ne baisse pas les bras. Un projet personnel est en cours, en gestation discrète : un espace de création, ancré en Guinée, dédié aux jeunes cinéastes. « L’idée, c’est de leur offrir un lieu où ils pourront créer librement, sans être freinés par les limites techniques. »
Transmettre la flamme
À la jeune génération qui rêve de cinéma, Ismaël délivre un message à la fois lucide et passionné. « Le monde évolue. Le modèle classique du travail est en perte de vitesse. L’avenir appartient aux créatifs. Mais il faut être conscient que ce métier est exigeant, précaire, instable. »
Pour lui, trois qualités sont indispensables : la passion, la discipline et la sincérité du regard. « Racontez ce que vous voyez, ce que vous vivez. Ne cherchez pas à plaire. L’image la plus forte, c’est celle qui vient du cœur»
Lire l’intégralité de l’interview ici avec generation224.info
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