Je suis tombé, un peu tard, sur une vidéo qui circule depuis près d’un mois. On y voit Ousmane Gaoual, au Liberia, loin des bruits de Conakry, répondant à un militant dubitatif sur sa loyauté envers l’UFDG et son leader Cellou Dalein Diallo. ‘‘Quand Cellou est venu dans le parti en 2007, moi, j’y militais depuis 20 ans’’ ! Prenons un instant pour savourer cette phrase à la fois surprenante et révélatrice, qui aurait mérité d’être gravée dans un manuel de prestidigitation politique.
Selon cette logique, en 1987, Ousmane Gaoual était donc déjà engagé dans les rangs d’un parti… qui en réalité, n’existait pas encore. Car l’UFDG, rappelons-le, n’a vu officiellement le jour que dans les années 2000. 20 ans avant 2007, militer politiquement en Guinée, signifiait, en pratique, adhérer au CMRN (Comité militaire de redressement national) de Conté et ses compagnons. En ce moment, les partis politiques en Guinée étaient aussi rares que l’autocritique dans un forum sur le journalisme organisé par la HAC.
Alors, que voulait vraiment dire Ousmane Gaoual ? Peut-être qu’il militait dans une version astrale de l’UFDG, un concept politique embryonnaire, encore à l’état de rêve. Ou peut-être a-t-il simplement voulu réécrire sa propre chronologie, confondant souvenirs et storytelling.
On pourrait, gentiment, parler d’un lapsus. Une erreur d’expression, un glissement de dates. Mais Ousmane Gaoual n’est pas né d’hier. Il a le verbe affûté, le sens de la formule bien rôdé. Ce n’est pas un novice. C’est un animal politique. Quand il parle, surtout sur des sujets aussi sensibles, ce n’est jamais tout à fait par hasard. Et c’est là que le malaise s’installe. Dans cette manière tranquille de remodeler les faits, comme on ajuste un turban sur la tête pour lui donner la forme voulue. C’est une vieille méthode. On modifie un détail ici, on enjolive un souvenir là, en espérant que personne ne relèvera l’incohérence. Et si quelqu’un le fait ? Tant pis. La parole a déjà été dite. Elle circule.
Ce genre de propos en dit long aussi sur la manière dont certains dirigeants perçoivent leurs concitoyens. Comme si le peuple n’avait ni mémoire, ni calculatrice. Comme si, face à un récit enjolivé, personne ne prendrait le temps de vérifier les dates. Et pourtant, à l’ère de Google, ces petites réinventions de l’histoire ne tiennent plus bien longtemps.
Ironie du sort : dans une autre vidéo, c’est le propre père d’Ousmane Gaoual qui vient remettre les pendules à l’heure. Avec clarté et simplicité, il explique que c’est lui, quand Cellou à été porté à la tête de l’UFDG, qui a présenté son fils à ce dernier pour qu’il puisse ‘‘l’accompagner’’. Une vérité toute nue, sans fioritures, et peut-être plus crédible que les souvenirs à géométrie variable du fils.
En fin de compte, Gorkossoussaye n’a pas vraiment falsifié l’Histoire. Il l’a adaptée. À sa façon. Il s’est écrit un rôle un peu plus ancien, un peu plus glorieux -comme on se donne un passé de résistant dans un vieux film de guerre. Mais entre mémoire et mythe, il reste toujours un petit quelque chose que ni les mots, ni les vidéos ne peuvent maquiller : la vérité des faits.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com