En Guinée, la question des jours fériés est rarement abordée dans le débat public. Et pourtant, à l’heure où notre pays cherche à affirmer son identité culturelle dans un monde globalisé, il est légitime – et même sain – de s’interroger sur la pertinence de notre calendrier national, notamment en ce qui concerne les jours chômés et payés.
Notre calendrier est aujourd’hui fortement hérité d’une double influence : d’un côté, un mimétisme postcolonial occidental qui nous a légué certaines dates sans réelle résonance culturelle locale ; de l’autre, une adoption parfois automatique de fêtes religieuses inspirées du monde arabe, certes respectables, mais qui ne reflètent pas toujours l’ancrage populaire de nos pratiques spirituelles et communautaires.
Or, la Guinée est riche de traditions authentiques, enracinées dans ses terroirs et dans le vécu de ses populations. Des manifestations culturelles comme la Mamaya de Kankan, le Soli de Kindia, ou encore Donkin du Foutah, et bien d’autres, rassemblent chaque année des milliers de citoyens autour de valeurs de paix, de fraternité et de transmission.
Ces pratiques, bien qu’anciennes, se sont sécularisées avec le temps. Elles constituent désormais des temps forts de cohésion sociale et de fierté identitaire. Ne mériteraient-elles pas d’être reconnues à la hauteur de leur importance sociale et culturelle ?
Ce plaidoyer n’est pas un rejet des héritages historiques ou religieux. Il s’agit plutôt d’un appel à la réflexion nationale sur un sujet qui touche à notre souveraineté symbolique : le temps.
Dans cette dynamique, il serait utile que le gouvernement, les parlementaires, les universitaires et les acteurs culturels engagent un dialogue serein pour repenser le calendrier des jours fériés, en tenant compte :
- des réalités socioculturelles guinéennes ;
- de la diversité cultuelle et territoriale du pays ;
- de l’impact économique des jours non travaillés ;
- et de l’opportunité de renforcer l’ancrage des traditions endogènes dans notre organisation collective.
Poser le débat sur les jours fériés ne signifie nullement dénigrer les acquis existants, mais plutôt chercher à les compléter, les enrichir et les adapter à notre époque. Car il est peut-être temps que la République de Guinée célèbre aussi ce qu’elle est, profondément, dans son âme populaire et ses réalités culturelles vivantes.
La mémoire collective se construit aussi à travers les jours que nous choisissons de sanctuariser. Et si nous faisions de notre calendrier un miroir fidèle de notre identité plurielle ?