Les banques commerciales en Guinée font face à une crise de liquidité depuis plusieurs semaines. Une situation préoccupante qui alimente les débats dans le milieux économique.
Dans une vidéo postée sur Facebook, l’économiste et homme politique Dr Ousmane Kaba s’est à son tour exprimé sur le sujet.
Selon lui, cette situation est une pathologie bien connue. “Lorsque les banques n’arrivent plus à satisfaire les besoins de retrait des clients, on dit que la banque est illiquide. Évidemment, il ne faut pas confondre les liquidités et l’insolvabilité”, a déclaré Dr Ousmane Kaba, tout en précisant que l’insolvabilité se produit lorsque la banque accorde de mauvais crédits qui ne peuvent pas être remboursés, entraînant ainsi sa faillite. “On n’est pas du tout dans ce cas. Je ne voudrais pas que les gens soient alarmés. C’est une simple crise de liquidité. Et ça existe souvent dans les économies”, a-t-il tranché.
En ce qui concerne les causes de cette crise, Dr Ousmane Kaba souligne la nécessité d’analyser les sources d’approvisionnement des banques. Il avance deux hypothèses principales. “La banque a deux sources essentielles. Soit c’est les clients qui déposent leur argent au guichet de la banque, sur leur compte. Soit la banque s’approvisionne auprès de la banque centrale. Au niveau de la banque centrale, soit les banques ont déposé de l’argent à la banque centrale, parce que la banque centrale, c’est la banque des banques. Tout ce que vous faites auprès de votre banque, la banque aussi fait la même chose auprès de la banque centrale.”
Il poursuit : “Donc, s’il y a manque de liquidité, voyons un peu ce qui se passe au niveau de la banque centrale. Donc il faut revoir toute la politique d’émission de la banque centrale. Donc qu’est-ce qui se passe ? Est-ce que les banques n’ont pas accès à leur argent déposé auprès de la banque centrale comme elles le souhaitent ? Ou est-ce que la banque centrale refuse de refinancer les banques commerciales ? Généralement, lorsque cela arrive, c’est parce qu’entre-temps, la banque centrale, qui est la banque de l’État, a fait trop de dépenses pour l’État, des dépenses non prévues, c’est ce que nous appelons dans notre jargon les dépenses extra-budgétaires. Si l’État fait beaucoup de dépenses non prévues, alors que la quantité de la monnaie, la masse monétaire, est surveillée par les institutions de Bretton Woods, notamment le Fonds monétaire international, pour éviter l’inflation, on dit que vous ne devez pas dépasser telle quantité de monnaie dans l’économie. Alors si la banque centrale crée beaucoup d’argent, c’est-à-dire fait beaucoup de dépenses pour l’État, des dépenses non prévues, elle a tendance à compenser au niveau du secteur privé. Donc elle peut être amenée à réduire le refinancement auprès des banques commerciales pour que celles-ci réduisent les crédits au secteur privé. On appelle ça en économie l’effet d’éviction. Ce n’est pas une bonne politique. Il faut que l’État arrête de faire des dépenses extra-budgétaires”, a-t-il expliqué.
Autre cause potentielle : la réticence des citoyens à placer leur argent dans les banques. “Donc, dès que les gens se méfient de la banque, ce n’est pas une très bonne chose. Et qu’est-ce que font les clients ? Ils thésaurisent la monnaie. C’est ce qu’on appelle la thésaurisation. Mettre son argent sous la paillasse, dans son armoire fermée, ou ceux qui vendent au marché, on met beaucoup d’argent dans les armoires et on ferme dans les caisses. C’est quelque chose que je déconseille formellement. Pourquoi ? Parce que des voleurs peuvent vous guetter. Ou alors, nous avons souvent des accidents d’incendie. Donc, ce n’est pas une bonne chose. Donc, c’est les deux sources qui peuvent créer la pénurie d’argent au niveau des banques qu’on appelle les liquidités”, a déclaré Dr Kaba.
Enfin, Dr Ousmane Kaba ne tergiverse pas quand il s’agit de proposer des solutions à cette crise de liquidité. “Comme je l’ai dit, en revoyant les sources d’argent des banques, pour ne pas que les banques manquent d’argent, il faudrait d’abord que la Banque centrale revoie toute sa politique d’émission et de refinancement. La politique de refinancement, il faut que la Banque centrale respecte les règles. D’abord, que l’accès des banques à leurs propres dépôts auprès de la BCRG soit illimité et immédiat. Deuxièmement, lorsque les banques ont besoin de financement, que la BCRG puisse les refinancer dans des conditions convenues. (…), il faut que la Banque centrale respecte les règles du jeu pour que le public ait confiance en son système bancaire. Mais deuxièmement, il faudrait que les déposants aient confiance dans leurs banques. Alors vraiment, j’invite tous les agents économiques qui ont de l’argent par dévers, de se débarrasser de cet argent et de déposer au guichet de leur banque. C’est très très important. Ça évite les problèmes de vol, ça évite les problèmes d’incendie, ça évite les problèmes de brigandage”, a-t-il conseillé.
Bhoye Barry pour guinee7.com