Censure

CNT. L’art d’évaluer sans se remettre en cause

Il faut le lire pour le croire. L’administration du Conseil national de la Transition (CNT), dirigée par Dansa Kourouma, lance une évaluation du personnel parlementaire. Une initiative qui, sur le papier, pourrait paraître louable. Mais à bien y regarder, elle pose plus de questions qu’elle n’en résout.

D’abord, interrogeons le timing et la légitimité. Une administration transitoire, installée sans mandat populaire, dont la vocation est d’organiser la fin de la transition, peut-elle sérieusement prétendre auditer une administration parlementaire qui a survécu à plusieurs régimes, géré des assemblées élues, et porté sur ses épaules l’institution parlementaire malgré les vents et marées ? Ce personnel, chevronné, expérimenté, a accompagné tant les élus légitimes que les différents CNT issus de régimes d’exception. Et voilà que des intérimaires veulent leur faire passer un test de conformité aux ‘‘valeurs du poste’’ ?

La fameuse instruction signée par le secrétaire général du CNT, Aboubacar Camara, est un chef-d’œuvre de flou administratif. On y parle d’analyser ‘‘l’environnement professionnel immédiat’’, de vérifier la compatibilité des ‘‘valeurs personnelles’’ avec les fonctions exercées. À la bonne heure ! Depuis quand l’évaluation des valeurs morales est-elle une compétence administrative ? Et qui se chargera de juger ? Des experts recrutés sur concours ? Non, souvent des novices parachutés par affinités politiques, nommés à des postes de responsabilité sans autre légitimité que celle du bon vouloir de leurs parrains.

Le malaise est profond. Tandis qu’on parle de performance et d’amélioration du cadre de travail, des agents expérimentés sont rétrogradés, privés d’avantages acquis depuis longtemps, sans procédure transparente. Pendant ce temps, de nouvelles recrues sans expérience s’installent, confortablement, dans des bureaux qu’elles ne savent pas gérer.

Cette opération d’évaluation ressemble à s’y méprendre à une chasse aux sorcières maquillée en réforme. Une tentative à peine voilée d’affaiblir une administration républicaine au profit d’un cercle restreint, où le clientélisme le dispute à l’amateurisme.

Le plus inquiétant, c’est ce silence assourdissant. Le secrétaire général, pourtant signataire de l’instruction, se dérobe. Il refuse de parler à la presse sans ‘‘autorisation du bureau du CNT’’. Voilà une administration qui veut interroger la transparence des autres, mais fuit la sienne.

À défaut d’évaluer les autres, le CNT ferait mieux de s’autoévaluer. L’exercice serait salutaire -et sans doute éclairant- sur ce qu’il est devenu : un organe de transition en mal de modestie, en quête de pouvoir, mais en panne de légitimité.

Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com