Censure

Sangoyah dévastée par les eaux : récit précis d’une nuit cauchemardesque

Le quartier Condéyah, situé à Sangoyah dans la commune de Matoto, a été sévèrement touché par les pluies diluviennes tombées dans la nuit du mercredi 30 au jeudi 31 juillet 2025. Inondations massives, murs effondrés, maisons envahies par les eaux et des blessés légers… Au moins une vingtaine de familles se retrouvent aujourd’hui sinistrées. Et dans la colère générale, un nom revient avec insistance : la société ODAV, accusée d’avoir aggravé la situation.

Des barils d’huile au cœur du chaos

À l’aube, le quartier offrait un spectacle de désolation. Des barils sortis d’un dépôt d’huile de moteur usé de la société ODAV jonchaient les ruelles, certains retrouvés jusque dans les habitations. Selon plusieurs habitants, ces fûts proviendraient d’un entrepôt de la société, installée en amont du quartier. Ils estiment qu’ODAV a bloqué le canal d’évacuation des eaux de ruissellement, provoquant un débordement sans précédent.

Une nuit d’angoisse

Ramatoulaye Fofana, veuve et mère de six enfants, raconte avec émotion les instants de panique vécus au cours de cette nuit fatidique :
« On dormait quand ma fille m’a réveillée en criant que l’eau entrait dans la maison. Elle montait rapidement, jusqu’à la poitrine. On a dû forcer la porte pour se réfugier dans une boutique. Un peu plus tard, un mur s’est effondré. L’autre boutique s’était verrouillée avec des enfants à l’intérieur. On a dû casser la porte pour les sauver. Tout est perdu. Nous avions pourtant alerté les autorités à plusieurs reprises sur les activités de cette société. Mais rien n’a été fait. »

Non loin de là, un autre résident montre les dégâts causés par les cuves d’huile : « Elles sont descendues avec la force de l’eau, ont fracassé notre portail et emporté toute la clôture arrière. »

La tension monte dans le quartier

Face aux dégâts, les habitants sont à bout. Certains menacent de bloquer les accès au quartier si des mesures urgentes ne sont pas prises. Ils accusent la société ODAV d’avoir détourné le canal naturel, provoquant une stagnation des eaux dans leur zone.

« Avant, le canal passait de l’autre côté. Depuis qu’ils ont installé leur tuyauterie, tout vient chez nous. C’est monsieur Diaby, de chez ODAV, qui a entrepris ces travaux sans tenir compte de notre sécurité. À chaque pluie, ce sont les huiles usées qui envahissent nos maisons. Nous exigeons l’arrêt immédiat de leurs activités tant que des solutions durables ne sont pas mises en place », lance Mamadi Sangaré, visiblement exaspéré.


Monsieur Sylla, un autre sinistré, handicapé moteur, n’a dû son salut qu’à l’aide de son fils et d’un voisin. « L’eau était trop forte. On a trouvé refuge chez notre voisin. Mon fils et son ami ont dû porter les enfants pour les mettre à l’abri. Sinon, on les perdait. Le mur est tombé sur le pied de ma fille. Elle criait : « Papa, Papa ! » On n’a plus rien. Même pas un endroit où dormir. »

ODAV nie toute responsabilité

Interrogé sur les lieux, Balla Douno, chef des travailleurs de la société ODAV, réfute toute implication directe : « Dieu merci, il n’y a pas eu de victimes dans nos installations. Le mur a cédé, c’est vrai, mais c’est une zone basse. L’eau cherchait un passage. Dire qu’ODAV est responsable, je ne comprends pas. Nous sommes locataires ici. Et la fosse que les gens critiquent, c’est nous qui l’avons construite pour protéger les riverains. Les barils sortis sont vides. Cela fait un mois qu’on ne travaille plus. »

Il ajoute que même leur portail a été endommagé et évoque un phénomène naturel, non lié à une quelconque négligence de la société.

Appel des autorités locales

Du côté des autorités de proximité, la situation est prise très au sérieux.

Mohamed Maciré Camara, président du conseil de quartier, rappelle les efforts déjà consentis pour anticiper de telles catastrophes : « Avec les habitants, les concessionnaires et les occupants, nous avons mené un travail de concertation sur l’évacuation des eaux et l’aménagement des lieux. Une résolution avait été adoptée, mettant en garde contre de potentielles catastrophes si rien n’était fait. Ces documents existent et seront produits en temps voulu. »

Le président du conseil ne cache pas sa colère face aux dégâts subis : « L’eau est montée jusqu’à 1 m 50 dans certaines maisons. Imaginez les conséquences s’il y avait eu du courant électrique. Pour nous, la vie humaine passe avant tout. Nous allons recommander le départ pur et simple de ces concessionnaires. Un rapport sera rédigé à cet effet. Si rien n’est fait, nous saisirons la hiérarchie. »

Abdoul Lory Sylla pour guinee7.com