Conakry se noie. Les images se répètent : des rues transformées en grandes piscines olympiques, des maisons englouties par l’eau de ruissellement, des familles qui passent de bons moments les pieds dans la boue. Officiellement, on parle d’inondations. Mais derrière ce mot, il faut oser dire la vérité : dans la capitale guinéenne et alentours, ces catastrophes ne viennent pas seulement du ciel, elles viennent surtout des mains humaines.
Il faut rappeler que le rôle des services météorologiques est clair : annoncer les pluies et prévenir des risques d’inondations. Ils le font. Mais comment comprendre que l’Ageroute, censée construire et entretenir nos routes et nos caniveaux, se contente aujourd’hui de publier des ‘‘alertes inondations’’ appelant la population à la prudence ? Quelle prudence peut bien adopter une famille quand l’eau déferle directement dans son salon, dans sa chambre à coucher ? La météo peut bien prévenir de la pluie, mais l’Ageroute, elle, devrait prévenir de l’irresponsabilité. Et les exemples ne manquent pas.
Après une visite du Général Mamadi Doumbouya chez l’ancienne ministre Aïcha Bah à la Tannereie, des travaux de bitumage ont été lancés à la hâte. Comme souvent, l’empressement politique a remplacé la rigueur technique : un canal entamé abandonné à mi-chemin est devenu une nouvelle source d’eau usée, qui s’ajoute à celle, déjà non canalisée, dévalant des hauteurs de Yimbaya. Hier mardi encore, les familles en aval en ont payé le prix : inondées, piégées, désemparées.
Ces inondations qu’on voudrait présenter pour naturelles sont en réalité des inondations urbaines, nées de travaux publics mal faits, mal pensés ou jamais achevés. Les qualifier de catastrophes naturelles relève presque de la provocation. Ce sont des catastrophes administratives, produites par des choix irresponsables. Point barre.
Il est temps de changer donc de discours. Et de méthodes. La météo doit continuer d’alerter sur les pluies, mais le ministère des Infrastructures, des Travaux publics et son Ageroute doivent assumer leurs responsabilités. Encore une, fois, publier des posts pour appeler à ‘‘la plus grande prudence’’ relève de l’insulte à la souffrance des populations. La vraie prudence, c’est de construire des caniveaux efficaces, arrêter de bétonner à tout va les routes. La vraie prévention, c’est de finir les chantiers. La vraie responsabilité, c’est de protéger les habitants.
Pour tout dire, à Conakry, il n’y a pas que l’eau qui ruisselle. L’irresponsabilité, elle aussi, déborde de partout.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com