Censure

Guinée : Tant que les catastrophes sont un décor de propagande…

Plusieurs morts. Des familles endeuillées. Des secouristes à la recherche désespérée de corps et de survivants. Voilà le lourd bilan de l’éboulement de Manéah. Un drame annoncé, puisque la presse Mediaguinee notamment, avait déjà alerté sur l’installation dangereuse des populations dans cette zone à risque- voir ci-dessous la capture. Aussi, sur Africaguinee, en juin dernier, le directeur national de l’Aménagement du territoire et de l’Urbanisme (DATU), Amadou Doumbouya, avait promis, des ‘‘mesures concrètes’’ après avoir fait constater que ‘‘lorsqu’on sort de Conakry, on observe de nombreuses constructions sur les collines, ce qui représente un véritable danger. Il faut agir avant qu’un drame ne survienne’’. C’est resté là. Et ce qui devait arriver, arriva !

Comme toujours, la tragédie est suivie d’un ballet d’images : autorités et autres stars viennent poser, pages Facebook remplies de propagande, le site transformé en lieu de pèlerinage politique. Ce culte de l’image est devenu la réponse habituelle à chaque catastrophe. Au lieu d’agir en amont, nos dirigeants préfèrent gérer les drames en communication.

Il faut rappeler que cette obsession de l’image se retrouve aussi dans le domaine de l’assainissement. À chaque inondation à Conakry, on nous répète que la population est coupable parce qu’elle jette ses ordures dans les caniveaux. Oui, il y a de l’incivisme chez nous. Mais expliquer tout notre problème par ceci, est simpliste. Car ce serait d’occulter une réalité: l’assainissement relève d’abord de l’État. Et ce n’est pas à travers des campagnes épisodiques où des responsables posent avec des pelles devant les caméras que la capitale et environs seront assainis. L’assainissement n’est pas un spectacle. C’est une mission publique qui exige rigueur, moyens et planification.

Qu’on se le tienne pour dits : Conakry vit chaque pluie comme une menace, à cause d’une politique urbaine mal pensée. L’on a bétonné à outrance les rues, réduisant la capacité d’absorption naturelle des eaux. Des caniveaux sont construits puis abandonnés à mi-parcours, transformant les quartiers en pièges. Résultat : l’eau, incapable de s’infiltrer, ruisselle sur les routes, stagne, et finit par envahir les concessions.

Il est temps de sortir du cycle infernal fait de drames, de photos et de discours. L’urgence est à une véritable politique d’assainissement et de planification urbaine : un réseau d’évacuation des eaux pluviales fonctionnel, des chantiers achevés et durables, une anticipation des zones à risque. Tant que ces mesures ne seront pas prises, Manéah et Conakry continueront de compter leurs morts.

Et tant que certains-suivez mon regard-, se contenteront de transformer nos drames en séances photos nous serons condamner à compter nos morts. Malheureusement !

Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com