Censure

De père en fils, le fiel en héritage (Par Tibou Kamara)

Polémique

On ne peut cacher le soleil avec la main. De la même manière, on ne trouve pas la lumière en suivant, le fiel aux lèvres, d’autres personnes comme leur ombre. Quelle drôle de vie que de pâlir de jalousie en entendant parler des autres ou en les voyant briller de mille feux, accaparant les premiers rôles de l’actualité !
Certains sont faits pour agir et laisser leur marque, tandis que d’autres se complaisent dans l’inquisition et les faits divers. L’histoire à laquelle on fait allusion à tort et à travers n’est pas dictée par des sautes d’humeur ni par les vociférations de “marmots-parias” et de vils rentiers.

C’est le propre des enfants gâtés de croire que tout leur est dû et revient de droit, et qu’en dehors du cercle familial et de l’ombre tutélaire parentale, il n’y a pas de destin possible. Comme le rappelle Antoine de Rivarol, “c’est un terrible avantage de n’avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser”. Ce n’est pas parce qu’on est né d’un voleur de la République qu’il faut se croire sorti des cuisses de Jupiter.
Une fois, peut-être le hasard. Deux fois, la Providence. Mais chaque fois sollicité pour servir ne peut être considéré comme de l’opportunisme ou une simple coïncidence. Tout de même !Quiconque est mis au défi d’apporter la preuve d’une cour à un pouvoir quelconque, ou d’une trahison d’un engagement ou envers une personne, au-delà des clameurs publiques et des campagnes de diffamation.

Qui se souvient encore de la frêle silhouette, insignifiante, de Soriba Kaba, alias “Kaba-plateau”, qui flottait dans ses costumes plus grands que lui, autant que ses fonctions de ministre de l’Économie et des Finances du général Lansana Conté, à une époque où le contrôle rigoureux d’aujourd’hui sur la gestion publique n’existait pas encore, permettant de constituer un matelas d’or pour ses héritiers et leurs descendants ? Très peu de Guinéens gardent en mémoire ce “diaspouri”, comme on aimait à appeler les exilés déracinés, rentrés au pays après avoir traîné leur bosse ailleurs, non pas pour apporter leur pierre à l’édifice national, mais pour garantir leurs vieux jours à la veille de la retraite, après de longues et pénibles années d’errance en Occident. Soriba Kaba n’a rien accompli qui puisse susciter la reconnaissance des Guinéens ni permettre à l’un de ses rejetons désemparés, inaudibles et gagnés par le spleen d’une lignée condamnée à l’infamie, de s’en prendre à des acteurs plus présents et marquants que lui, dans la durée et le temps, qui se débattent encore avec le lourd héritage encombrant de sa génération : tous les échecs, toutes les trahisons et sans doute les reniements les plus abominables. Combien de visiteurs nocturnes ont vu la silhouette ingrate du ministre du général Conté hanter les couloirs du domicile de l’opposant Alpha Condé à Mafanco ?

Parti sur la pointe des pieds, après avoir mal servi et surtout connu une longue traversée du désert sans honneurs ni respect, ses oreilles doivent siffler dans sa tombe ignorée de tous, en entendant les mots de son fils égaré qui glissent sur l’épaisseur d’une peau que ni la calomnie ni la haine ne pourraient atteindre, comme l’eau sur les plumes d’un canard. Quelle prétention que de s’imaginer qu’avec une pluie d’injures sans relief, dans un pamphlet qui semble tout droit sorti du manuel du parfait frustré, on puisse ébranler quelqu’un qui en a vu d’autres ! Assurément, on se trompe de cible, sinon de bulletin météo.

Les “chiens ne font pas de chats”, dit l’adage. C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner de l’aigreur et de l’agressivité du fils d’un homme mort dans l’anonymat et l’indigence morale, frustré et abandonné de tous. On verra bien qui figurera à quelle place dans les livres d’histoire. Ceux qui, bon an mal an, furent de tous les combats à toutes les époques, n’en déplaise à ceux qui veulent la République en héritage, mais souffrent de voir d’autres, qui ne soient pas de leurs familles, tribus ou clans, exister et compter dans le récit national, et avoir également leur mot à dire sur le devenir et l’avenir du pays. Ou ceux, nostalgiques d’un passé révolu du temps où le statut de “fils de …” ouvrait toutes les portes et valait son pesant d’or en trafic d’influence et rackets publics, tel ce “beau” aspirant désespéré à la succession de son père dans la poubelle de l’histoire.

Apparemment, certains peinent à balayer devant leur porte, sinon lorsqu’on a eu un père qui s’est servi dans les caisses de l’État pour assurer l’éducation de ses enfants et le confort des siens, en leur permettant de vivre dans la fainéantise et l’arrogance de biens mal acquis, on ne devrait ni s’aventurer dans l’espace public ni se permettre de distribuer des bons et des mauvais points.

Le débat ne fait que commencer, aussi bien avec les commentateurs-apprentis-sorciers qu’avec leurs mentors qui tremblent de voir leurs petits secrets dévoilés, sans lesquels ils revendiquent d’être des saints et gardent tout leur mythe.
Il est vrai que mauvais sang ne saurait mentir.
Tibou Kamara