Censure

Morissanda, l’art de la parole et la diplomatie de l’annonce

Guinée - USA

Il faut reconnaître à Morissanda Kouyaté une qualité rare : l’art de transformer chaque rendez-vous en victoire diplomatique. Là où certains diplomates attendent un communiqué conjoint, lui dégaine son smartphone. Là où d’autres mesurent les nuances, il proclame la bonne nouvelle.

Il faut dire qu’au royaume du verbe, les Kouyaté sont rois. Et notre ministre ne manque pas de souffle – surtout quand il s’agit de faire vibrer les tambours du succès national. Sa dernière déclaration, publiée sur sa propre page Facebook, n’a pas échappé à la règle.

Le chef de la diplomatie guinéenne a tenu à partager ‘‘la bonne nouvelle’’ de sa rencontre, le 6 octobre 2025 à Washington, avec l’ambassadeur Jonathan G. Pratt, Chef du Bureau des Affaires Africaines au Département d’État américain. En dépit du shutdown paralysant une partie de l’administration fédérale, le ministre dit avoir été reçu ‘‘chaleureusement’’ pour passer en revue les relations historiques entre la Guinée et les États-Unis, tout en évoquant le gigantesque programme Simandou 2040. Surtout, note-t-il, les autorités américaines auraient salué le référendum du 21 septembre et réaffirmé leur soutien à la Guinée, y compris pour les prochaines élections présidentielle et législatives.

Sur la forme, la communication est impeccable. Sur le fond, elle soulève toutefois des interrogations. Car en diplomatie, le qui reçoit qui compte autant que ce qui est dit. Certains observateurs relèvent, non sans ironie, qu’il n’est pas anodin pour un ministre de s’enorgueillir d’une rencontre avec un chef de bureau – fût-il celui des Affaires africaines. L’équivalent du Dr Kouyaté n’est pas M. Pratt, mais bien le Secrétaire d’État américain, Marco Rubio. En d’autres termes, le chef du bureau, si influent soit-il dans la mécanique diplomatique de Washington, reste un haut fonctionnaire, non un membre du Cabinet.

Mais qu’importe, diront d’autres : dans les relations internationales, chaque poignée de main vaut reconnaissance, chaque audience est un signe de dégel. Et puis, face au silence officiel du Département d’État, le ministre a pris les devants – fidèle à son tempérament d’orateur, préférant le verbe aux communiqués lisses.

Le vrai enjeu, au fond, n’est pas la hiérarchie protocolaire, mais la portée réelle de cette rencontre. S’agit-il d’un simple échange de courtoisie, d’un contact de travail, ou d’un signal politique plus fort à l’adresse du gouvernement de Transition ? Les Américains, prudents, n’ont rien communiqué. Les Guinéens, enthousiastes, ont parlé pour deux.

Morissanda Kouyaté, maître de la parole, aura une fois de plus marqué son passage médiatique. Mais en diplomatie, le silence des autres en dit parfois plus long que nos propres annonces.

Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com