Au début des années 2000, alors que la Guinée faisait face à des incursions rebelles à ses frontières, un comité de crise fut mis en place par le président Lansana Conté. Autour de la table, se retrouvaient les ministres de la Défense, de la Sécurité, de l’Intérieur, de l’Information et des Affaires étrangères, sous la présidence du secrétaire général de la Présidence, Fodé Bangoura. Sur instruction du chef de l’État, Cellou Dalein Diallo, alors ministre des Transports, entre autres, rejoignit ce cercle restreint chargé de suivre l’évolution des attaques.
Chaque jour, le comité se réunissait pour faire le point. Un jour, face à la gravité de la situation, Cellou Dalein proposa au président Conté d’envoyer deux émissaires : l’un auprès du gouvernement américain et l’autre auprès du gouvernement britannique. Il souligna que ni Washington ni Londres n’entretenaient de bonnes relations avec Charles Taylor, accusé de soutenir la rébellion. Le président Conté approuva l’idée et lui demanda qui pourrait accomplir cette mission. Dalein suggéra la ministre des Affaires étrangères. Mais, contre toute attente, quelques jours plus tard, un motard vint le chercher : c’est lui-même que le président avait finalement désigné pour cette mission confidentielle.
Seuls Fodé Bangoura et l’ambassadeur Éric Thiam étaient informés. Cellou Dalein s’envola discrètement pour Washington en tant qu’envoyé spécial du président guinéen. Il sollicita l’appui de son cousin Issa Diallo, ancien chef de cabinet du secrétaire général des Nations unies, pour préparer les entretiens. Ce dernier l’aida à élaborer des notes classifiées et non classifiées, dans le respect du protocole diplomatique.
À Washington, Cellou Dalein rencontra le conseiller à la sécurité nationale et participa à une réunion regroupant des représentants du département d’État, du Pentagone et de la Maison Blanche. Dans son exposé, il insista sur les liens historiques et économiques unissant la Guinée et les États-Unis : ‘‘Après notre indépendance, nous avons bénéficié du soutien américain pour notre admission aux Nations unies. Le président Sékou Touré est d’ailleurs décédé aux États-Unis, symbole de la solidité de nos relations. Et le plus grand investisseur privé en Guinée, c’est Alcoa, à travers la CBG’’, rappela-t-il.
Il plaida pour une aide américaine afin de préserver les acquis économiques et politiques du pays, menacés par la rébellion. L’argument fit mouche. Le sous-secrétaire d’État aux Affaires africaines, William M. Bellamy, promit un soutien non pas financier ou militaire, mais sous forme de renseignement et de formation.
De retour à Conakry, Cellou Dalein fit son rapport au président Conté, qui se montra satisfait. Sur son invitation, William Bellamy se rendit à Conakry pour constater la situation. Sa visite demeura confidentielle, tenue secrète même du ministère des Affaires étrangères. Ensemble, ils se rendirent à Pamelap pour évaluer les dégâts des attaques.
Bellamy proposa ensuite que Dalein soit maintenu comme envoyé spécial auprès du gouvernement américain, mission qu’il continua d’assumer lors de plusieurs autres déplacements. C’est dans ce cadre qu’il proposa d’utiliser la base de Soronkoni -récemment libérée par la société italienne Salini après la construction de la route Kouroussa-Kankan – pour accueillir les troupes guinéennes formées avec le soutien américain, les Rangers.
Au fil de ses missions, il participa également aux démarches ayant conduit à l’adoption de sanctions ciblées contre Charles Taylor et ses proches aux Nations unies. Aujourd’hui, Cellou Dalein Diallo se déclare fier du travail accompli : ‘‘J’ai géré ce dossier depuis le début. Nous avions réussi à reprendre le contrôle du terrain et à rétablir partiellement la sécurité dans nos zones frontalières. Le président Conté était satisfait.’’
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com