Le nouveau pont de Tanènè a été officiellement inauguré ce dimanche. Si cet ouvrage d’envergure se veut être une réponse aux défis de la circulation entre Conakry et les régions de l’intérieur telles que Boké, Fria, Kamsar, il suscite néanmoins une vive controverse, principalement en raison de l’instauration de péages aux tarifs jugés prohibitifs.
Curieusement, l’essentiel de la communication officielle a davantage mis en exergue l’esthétique des barrières de péage, reléguant au second plan la structure même du pont. Une approche qui n’a pas manqué de surprendre l’opinion publique, tant l’essence d’un tel projet réside d’abord dans son utilité sociale et économique.
Les tarifs, quant à eux, soulèvent de sérieuses inquiétudes. De 5 000 francs guinéens pour une moto à 110 000 francs pour un camion, le coût du passage apparaît excessif pour de nombreux usagers. (Voir les tarifs ci-contre). Plus encore, l’annonce officielle affirmant que ce nouvel ouvrage viendrait ‘‘remplacer les quatre anciens ponts métalliques’’ laisse présager la disparition d’alternatives gratuites, rendant ainsi payante toute circulation entre Conakry et plusieurs villes de la côte guinéenne.
Dans la majorité des pays disposant d’infrastructures à péage, une voie gratuite est toujours maintenue, offrant à chacun la liberté du choix selon ses moyens.
En outre, le gain de temps offert par ce nouveau pont reste marginal -moins de 10 kilomètres-, ne justifiant pas véritablement pour de nombreux transporteurs et voyageurs un investissement aussi onéreux. Pire encore, le nouvel itinéraire contourne le centre névralgique de Tanènè, privant commerçants et restaurateurs locaux d’une clientèle de passage précieuse pour l’économie locale.
Il est notoire que le pont unique de Tanènè, initialement prévu sous un schéma de financement en BOT (Build-Operate-Transfer) avec une institution bancaire de la place, repose sur un investissement privé. Dès lors, sa rentabilité financière devient une exigence pour ses promoteurs. Toutefois, l’État, garant de l’intérêt général, se doit de préserver le principe d’accessibilité gratuite aux infrastructures publiques essentielles. À ce titre, le maintien et l’entretien des quatre anciens ponts apparaissent comme un impératif.
La modernisation des infrastructures nationales ne saurait se faire au détriment des droits fondamentaux des citoyens. Le pont de Tanènè, au-delà de sa symbolique, révèle ainsi les défis d’une politique d’aménagement du territoire soucieuse de concilier développement économique et justice sociale.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com