Enfin ! Le voile est levé. Dansa Kourouma, notre très inspiré président du Conseil National de la Transition, a parlé. Et quand Dansa parle, la Nation écoute… ou du moins fait semblant. La Constitution tant attendue, celle qui ‘‘nous ressemble et nous rassemble’’ (slogan maison) s’annonce avec un parfum de déjà-vu : le mandat présidentiel passe de 5 à 7 ans. Oui, 7. Comme les jours de la semaine. Une semaine entière au sommet de l’État, multipliée par deux, avec un peu de chance.
Et bien sûr, ce n’est pas une lubie du CNT, voyons ! C’est la population qui l’a demandé, selon Dansa. Il paraît que pendant la campagne de vulgarisation de l’avant-projet, dans les coins les plus reculés du pays, entre deux cases et trois buttes, le peuple a levé les bras au ciel pour supplier qu’on leur rallonge le mandat présidentiel. Car 5 ans, c’est trop court pour développer un pays. La preuve : Alpha Condé a eu 10 ans au pouvoir. Et les a trouvés insuffisants pour finir ses projets miniers, hydro-électriques, routiers, etc. Et il a tenté une rallonge…Sans succès.
Petite curiosité tout de même : l’avant-projet de la Constitution parlait de 5 ans. Et cet avant-projet, selon ses rédacteurs, était le fruit d’une vaste consultation populaire. Donc… soit le peuple a changé d’avis entre-temps (schizophrénie constitutionnelle ?), soit Dansa a changé d’oreilles. Il faut dire que les oreilles du pouvoir, surtout quand elles écoutent ‘‘le peuple’’, ont souvent des préférences bien sélectives.
Mais notre président du CNT n’est pas seulement à l’écoute du peuple. Il est aussi sous le charme des compliments venus d’ailleurs. Tenez-vous bien : Jean-Michel Blanquer, ancien ministre français de l’Éducation, aurait lu notre projet de Constitution ! Oui, un vrai Français, diplômé et tout. Et il aurait glissé des notes à Dansa : ‘‘Vous avez une des meilleures constitutions d’Afrique francophone !’’ Rien que ça. On aurait préféré un prix Nobel, mais bon, on prend ce qu’on peut. Ou ce qu’on nous donne !
Sauf que… ce même Blanquer a aussi trouvé le texte trop ‘‘verrouillé’’. Trop d’intangibilités, dit-il. Et comme l’ex-ministre ne plaisante pas avec les intangibilités, nos vaillants experts guinéens ont tout de suite corrigé.
Mais revenons au peuple. Car Dansa nous l’a promis : un jour, il viendra s’expliquer devant lui. Ce sera sans doute un jour férié pour nous permettre d’écouter avec attention cet orateur particulièrement prolixe. En attendant, on nous vend à prix d’or une Constitution ‘‘participative’’, rédigée dans des bureaux climatisés, applaudie par Paris, et imposée au nom d’un peuple qui, visiblement, n’a pas lu les petites lignes.
Ce n’est pas une Constitution, c’est un miroir magique : on y voit ce qu’on veut voir. Et surtout ce que Dansa veut qu’on voie.
Mais, de grâce, un petit effort : faites sauter les verrous avant de nous livrer votre chef-d’œuvre constitutionnel. Parce qu’une belle Constitution, ce n’est pas une boîte noire scellée à triple tour, inaccessible même aux générations futures. Ce n’est pas en cadenassant tout qu’on protège la démocratie, c’est en laissant au peuple la clé. Oui, le peuple – ça vous dit ? Celui qu’on consulte surtout après les décisions. Rendre des dispositions intangibles, c’est une façon raffinée de dire au citoyen : ‘‘C’est gravé dans le marbre, donc circulez, y’a rien à modifier.’’ Et ça, même sans être docteur en constitutionnalisation avancée appliquée, on peut le comprendre. Il suffit juste d’un peu de bon sens. Mais ça, c’est peut-être trop flexible pour un CNT rigide.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com