Le ministère de l’Enseignement pré-universitaire et de l’Alphabétisation (MEPU-A) illustre à quel point la gestion des affaires publiques en Guinée est marquée par l’improvisation. Le scénario est presque caricatural : d’abord une annonce officielle fixant la rentrée scolaire au 25 septembre 2025, puis, quelques heures plus tard, une rectification sortie de nulle part, ramenant la date au 15 septembre. Le tout, sans la moindre explication, comme si les élèves, les parents et les promoteurs d’écoles privées n’étaient que des figurants dans une pièce dont le ministère change le script à chaque instant.
Cette désinvolture dans la communication officielle traduit une légèreté inquiétante. Car il ne s’agit pas ici de déplacer une réunion ou de reporter une conférence : il s’agit de la rentrée des classes, un événement qui mobilise des millions de familles, des milliers d’enseignants et des centaines d’établissements scolaires. Dans un pays où chaque rentrée est un casse-tête pour les parents, annoncer une date, puis la modifier sans justification, relève de la provocation. C’est le moins qu’on puisse dire.
Il faut aussi rappeler le paradoxe cruel : alors que la Guinée traverse une crise de liquidité sans précédent, le ministère décide d’avancer la rentrée. Comment les parents d’élèves, déjà étranglés par l’incapacité à accéder à leur propre argent dans les banques, pourront-ils assumer les frais d’écolage, d’uniformes et de fournitures scolaires dès la mi-septembre ? Autant dire que cette précipitation ne tient aucunement compte du quotidien des familles guinéennes, lesquelles à force de s’accrocher au diable, ont fini par couper sa queue.
Les écoles privées prises en otage
À cette précarité, s’ajoute une autre réalité : les écoles privées, qui constituent une part importante du système éducatif guinéen, se retrouvent piégées. Traditionnellement, les parents rechignent à payer un mois d’écolage lorsque les cours ne couvrent que quelques jours. De l’autre côté, les enseignants exigent, à juste titre, leur salaire complet. Entre les deux, les promoteurs d’écoles privées, déjà fragilisés, sont laissés à eux-mêmes. Le ministre Jean Paul Cedy, lui-même enseignant et (ancien ?) promoteur d’école privée, connaît mieux que quiconque ce dilemme. Alors pourquoi impose-t-il un calendrier qui ne fait qu’accentuer ce conflit récurrent ?
De toute façon, le changement de calendrier de la reprise des cours révèle une philosophie de gouvernance: celle de la navigation à vue, sans anticipation, sans concertation, sans considération pour les acteurs directement concernés. Le MEPU-A aurait pu ouvrir un débat avec les syndicats d’enseignants, les associations de parents d’élèves, les promoteurs d’écoles privées, et même les services économiques de l’État, pour définir une rentrée réaliste, adaptée aux contraintes du moment. Mais non : on annonce, on corrige, on efface, et on recommence.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com