La banlieue de Conakry est plongée dans la tristesse après la mort mystérieuse de Karamo Keita, 24 ans. Son corps a été retrouvé le 29 août dernier à Kaloum. La famille soupçonne son grand d’être impliqué dans ce drame. Ce dernier, présenté comme le dernier à avoir eu un contact avec la victime, est actuellement entre les mains de la justice.
Dans la maison mortuaire de Simbayah École, la douleur est immense. Les proches décrivent un jeune « brillant », sans histoires, profondément humain. Selon Alimou Keita, grand frère du défunt, une mauvaise rencontre serait à l’origine de ce destin tragique : « Depuis qu’on est arrivé dans ce quartier en 2013, ils ont pris contact. C’est ainsi qu’ils ont tissé un lien de petit et grand. Mais vraiment, la famille n’avait pas apprécié le lien. Le papa, paix à son âme, n’avait pas aussi apprécié le lien. Il avait mené tous les combats qu’il faut pour les séparer. »
Le frère poursuit : « Il y a un temps même, il avait dérobé le petit pour l’envoyer ailleurs, un endroit où lui seul savait. À travers les enquêtes, on a pu retrouver le petit à Boké. Ils sont revenus à Conakry. Ils sont allés à la gendarmerie avec mon papa. Il a pris des engagements pour ne plus s’approcher du petit. Malheureusement, il ne respectait pas ses engagements. Moi, qui suis là personnellement, j’ai mené un énorme combat pour les séparer. Lorsque je les apercevais dans la rue, je me jetais sur mon frère pour qu’il ne puisse plus s’approcher de lui. »
Alimou se souvient d’une accalmie après ces efforts : « À cette époque, tout était bon. Ils se sont éloignés, il n’y avait aucun problème. Mais ils se voyaient discrètement. On nous informait, on menait nos enquêtes. Mais comme mon frère n’avait plus de problèmes à la maison, tout allait bien. C’est comme ça, jusqu’à ce que mon père soit décédé, on n’a jamais eu de problèmes. »
La famille justifie cette distance imposée par la réputation de l’accusé. « Tout le monde connaît sa réputation dans le quartier. Le gars, moralement, il n’est pas bien dans la tête, disons ça comme ça. Il a créé assez de dégâts dans le quartier. Il y a eu des insultes publiques tout le temps, des bagarres. Il prenait des stupéfiants. Il n’a pas une bonne réputation du tout », explique Alimou.
Pour lui, Karamo avait tout pour réussir : « il est diplômé en économie à l’université Kofi Annan de Guinée. Il travaillait tout dernièrement. Il a toujours été brillant au primaire, au collège, au lycée. Il n’a jamais échoué. Même à l’université, il était bien encadré. Ses amis peuvent en témoigner. (…) Nous-même, on était fiers de lui. Très très fiers. Mais c’est juste le gars-là qui a voulu le dérober. »
La tante de la victime, Souadou Bah, vit elle aussi un choc immense. Elle se souvient de l’épisode de Boké entre 2017 et 2018, lorsque Karamo avait 16 ans et de l’aide qu’il a apportée à son « grand » : « … ils ont plaidé, il a pris un engagement. J’ai récupéré mon fils, on est venus ensemble à Conakry. Et depuis tout ce temps il était mineur, il a fini ses études, il a commencé son boulot (…). Tout dernièrement, il (Karamo, NDLR) l’a rencontré, il a voulu l’aider, il l’a mis au boulot. Il a volé, il a été viré, il a plaidé, il est resté là. Et il (présumé fautif) a kidnappé presque un mois. »
Cette fois-ci, ses recherches l’ont menée jusqu’à l’impensable : « on a été à la Sûreté, DPJ, la Sécurité sociale. Ils m’ont dit qu’il n’y a rien. J’ai demandé dans les autres commissariats, on m’a dit non. Puis je suis venue à l’hôpital, à l’urgence. J’ai montré sa photo, on m’a dit non, qu’il n’est pas là. Je suis allée à la morgue d’Ignace Deen, les gens m’ont dit qu’ils ne l’ont pas vue. Je suis venue à Donka, on m’a dit non. La deuxième fois, vendredi, je me suis dit : Non, il va falloir que je fasse encore des recherches. Je suis passée à la morgue, j’ai montré sa dernière photo, toute récente. Ils m’ont dit oui, le corps est là. J’ai dit : Est-ce que je peux voir le corps ? La même nuit ? Ils m’ont dit non, sauf le matin. Samedi matin, je suis allée à la morgue, j’ai trouvé mon enfant là. Je suis venue à la gendarmerie, on est passés ensemble, on l’a tous identifié. J’ai appelé son oncle. »
Elle dénonce avec amertume l’attitude du suspect : « Il a été arrêté, et le pire encore, il finit tout ce qu’il a fait. Il vient dans la famille, comme quoi il n’a pas vu Karamo depuis des jours. Il vient avec toutes ses affaires, son portable, sa moto. Il s’en va comme si de rien n’était. C’est le lendemain que la gendarmerie est venue le prendre. »
Effondrée, elle ajoute : « Cela fut fort, mais il a fait ce qu’il voulait. Je laisse la justice faire ce qu’il faut, la loi. Et la loi divine, seul Dieu a ses raisons. Je laisse à Dieu. Il a pris mon enfant à l’âge auquel on ne s’attend pas. Il l’a tué. »
La famille Keita, aujourd’hui « abattue, abasourdie, choquée », dit compter à la fois sur la justice des hommes et celle de Dieu pour que Karamo repose enfin en paix.
Abdoul Lory Sylla, pour guinee7.com