Ah, quelle joie ! En une journée, la Guinée a découvert qu’elle était soudainement devenue riche, très riche même. Pas parce que les marchés débordent de riz à prix cassés, ni parce que l’eau et l’électricité sont désormais servies à gogo ou encore le cortège de véhicules de luxe d’un ancien Premier ministre ne va plus se planter dans la bouillasse, mais simplement grâce à… une calculette internationale et un petit coup de peinture statistique. Voilà donc notre PIB rebondi de 51,2 % comme une marmite de riz Barabarè gonflée d’eau pour nourrir tout le quartier Matam. En mot ou en mille, notre nouvelle richesse ne repose sur rien de solide : Un PIB gonflé par un changement de méthode statistique. Pas plus.
Il est dit, tenez-vous bien, que désormais, nous sommes la deuxième économie d’Afrique de l’Ouest francophone. Waou ! Pas derrière le Sénégal, non, mais carrément devant ! Bon, Côte d’Ivoire, fais gaffe, on te suit ! Il ne manquerait plus que comme on sait le faire d’imprimer des tee-shirts ou des posters grandeur nature- non celles-ci pas sûr, Mandian n’est plus là : ‘‘Guinée, deuxième puissance francophone !’’
On nous dit par ailleurs que cette performance ouvre la porte du club très fermé des marchés obligataires internationaux. En clair, nous pourrons nous endetter plus élégamment, à des taux qui brillent presque autant que les phares de Conakry lors des embouteillages. Enfin, une bonne nouvelle pour le ministre- danseur des Finances : il y aura plus de dettes à fêter que de routes à bâtir.
Bien sûr, tout cela repose sur la mine magique : Simandou. Ce projet est devenu pour nos gouvernants ce que la pierre philosophale était pour les alchimistes. Un Graal, comme le dit Top Sylla, promis depuis des dizaines d’années, qui doit transformer la Guinée en Dubaï de l’Afrique de l’Ouest. Mais pour l’instant, le Simandou, c’est surtout un bon prétexte pour rédiger des communiqués triomphants et annoncer des lendemains qui chantent – pendant que la pompe à eau du quartier reste muette.
On nous attribue un joli B+ par Standard & Poor’s. Chez nous, le B+ rappelle plutôt le bulletin du lycéen dissipé : ‘‘Peut mieux faire, mais avec de gros efforts.’’ Pourtant, au lieu de réviser les chapitres sur routes praticables, hôpitaux équipés ou écoles debout, nos autorités préfèrent encadrer la note et l’accrocher au mur comme un trophée.
Pendant ce temps, les familles guinéennes se demandent si cette magie des chiffres fera baisser le prix du riz – au-delà des publicités de CIAO, soigner ou remplir la marmite. Mais chut ! On vous dira que la Guinée est sur la bonne voie, que l’avenir est radieux. Comme disait un internaute moqueur : ‘‘Makosso avait déjà noté l’économie guinéenne performante… et mon assiette n’a pas changé.’’
Bref, réjouissons-nous : nos statistiques ont pris l’ascenseur. Nos casseroles, elles, attendent toujours dans les escaliers.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com