Censure

Vérité d’un référendum : c’est le terrain qui commande ! (Par Tibou Kamara)

Référendum 21 septembre 2025

Certains sont arrivés trop tard dans un monde politique trop vieux, avec la prétention illusoire de bouleverser des règles du jeu éprouvées et un ordre solidement établi. Ces mêmes avaient rêvé de devenir khalife à la place du khalife, dont ils refusent de reconnaître la préséance chèrement acquise, ainsi que la légitimité historique qui résiste au temps et survit aux épreuves.

Pourtant, comme les doigts d’une main, les hommes ne sont ni égaux ni interchangeables. Certains seront toujours au-dessus d’autres, mèneront la course en tête et garderont, quoi qu’il arrive, leur place dans la société ainsi que l’estime de leurs concitoyens. Une évidence que l’on n’a jamais niée ni contestée naguère, comme c’est le cas maintenant.

Le temps et les événements révèlent au grand jour, pour le malheur de ceux, nombreux et naïfs, qui croyaient avoir renversé la table, réussi le tour de force d’effacer d’un trait l’histoire et les mémoires, de dompter l’avenir, de contrôler les destins, que l’on n’inverse pas les rapports de force comme par enchantement. La popularité se cultive, et n’est pas grand homme politique qui le veut. Tout dans la vie est une œuvre de longue haleine. Comme l’affirme le philosophe Alain, c’est un piège de se considérer « surhomme avant d’avoir été homme ».

Le syndrome d’hybris est un air du temps et l’un des travers des réseaux sociaux, qui grisent de nouveaux « prophètes » en leur offrant une notoriété fulgurante mais sans consistance. On finit par se croire ce que l’on n’est pas : un leader capable de mobiliser les foules, de changer le cours de l’histoire, bref, de posséder une influence réelle que l’on confond avec une simple présence médiatique.

Une influence symbolique qu’on voudrait assimiler à une toute-puissance indéniable. Un amalgame fatal et une confusion des genres toujours nuisible.

Au demeurant, communiquer n’est pas s’exhiber comme un paon ni étaler des penchants narcissiques, encore moins s’inventer une vie et une histoire, mais briller par la générosité de ses idées, l’éclat de ses résultats et se distinguer par la force de ses arguments dans le débat et auprès des populations. Ce ne sont pas les invectives publiques ni les articles dithyrambiques, destinés à tromper la vigilance populaire sur son influence ou ses performances, qui forcent l’admiration. Chacun a des yeux pour voir, des oreilles pour entendre et est aussi témoin de l’actualité et des chroniques politiques et électorales. On sait qui vaut quoi, qui parvient à quoi, et malheureusement aussi qui se contente de crier sa “tigritude” faute de pouvoir « bondir sur sa proie ».

LE PEUPLE, ULTIME ARBITRE

Un acteur avait été conseillé par un proche de dévoiler son identité pour obtenir une place dans un restaurant qui refusait du monde. Il a rétorqué : « Si j’ai encore besoin de me présenter, c’est que je ne suis pas encore devenu quelqu’un ». Ceux qui parlent d’eux-mêmes ou font parler d’eux à longueur de journée, avec bruit et fracas, parfois contre espèces sonnantes et trébuchantes, ne sont encore personne, sinon d’autres s’en seraient chargés à leur place. En tout cas, ils n’auraient pas eu besoin d’une grande dépense d’énergie ni d’une surexposition  médiatique pour se faire remarquer et tenter d’imposer leur présence. La réalité ramène toujours toutes les fabrications médiatiques et les tonneaux vides politiques à leur véritable dimension de prestidigitateurs et de brasseurs d’air.

La propagande est un couteau à double tranchant. Elle flatte l’ego et entretient l’illusion de compter et d’exister, ne serait-ce que virtuellement. Mais elle n’a pas la force de mobiliser, de rallier ni de drainer des électeurs dans les urnes. On ne s’improvise pas leader ni ne devient acteur automatiquement après un décret de nomination ou en se précipitant à occuper le devant de la scène dans un vide volontairement créé. Le statut ne confère pas la stature, pas plus que la fonction n’impose le mérite, la notoriété ou la légitimité.

On se rappelle les propos désabusés de Louis XVI, sur son balcon, au début des émeutes populaires qui allaient scellé son sort : « Mais pourquoi se révoltent-ils alors qu’il me semblait qu’ils étaient heureux ? ».

« Pourquoi ne sont-ils pas allés en grand nombre aux urnes, alors qu’on m’a fait croire que j’étais adulé et soutenu par tous mes concitoyens ? »,  pourrait aussi se demander, sous les lambris de son palais, un homme fort du moment dans son pays.

On peut s’auto-satisfaire, s’enorgueillir d’exploits, continuer à faire la politique de l’autruche, mais pas à une époque où l’on ne peut plus tricher avec l’intransigeance des faits ni se dérober aux rigueurs de la réalité.  Si la campagne électorale est un temps favorable à la vanité, à l’imposture, à la spéculation, aux mensonges aussi, comme l’a relevé Clemenceau, l’élection reste un moment de vérité où les masques tombent et les mythes s’effondrent : on voit que tout ce qui brille n’est pas or, combien de fois certains se sont surestimés, tandis que d’autres ne pèsent rien aux yeux des citoyens-électeurs.

Il y aura un avant et un après 21 septembre 2025, pour le bonheur de certains et le malheur d’autres. La roue de l’histoire tourne, celle de la fortune aussi.