Censure

Travail précaire, peur et silence : le sombre visage de la SOGUIPAH révélé par Amnesty

Amnesty International a publié, ce jeudi 23 octobre 2025, un rapport accablant sur la Société guinéenne de palmiers à huile et d’hévéas (SOGUIPAH), basée à Diécké, dans la région de N’Zérékoré, en Guinée forestière.

L’organisation de défense des droits humains y dénonce de graves violations des droits des travailleurs et des planteurs liés à cette entreprise publique.

Selon Amnesty International, les autorités guinéennes doivent agir sans délai pour garantir le respect des droits humains au sein de la SOGUIPAH et enquêter sur les abus généralisés, notamment les atteintes au droit à un travail décent.

“Le président promettant depuis 2021 de faire de l’exploitation des ressources naturelles un levier pour le développement et l’amélioration des conditions de vie, les autorités devraient agir immédiatement pour garantir les droits humains de ces travailleurs et petits exploitants, conformément au Code du travail guinéen, à la nouvelle Constitution et à leurs obligations internationales en matière de droits humains”, a déclaré Marceau Sivieude, directeur régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale dans le communiqué de presse.

Des salaires en dessous du minimum légal

D’après le rapport, plusieurs employés de la SOGUIPAH sont rémunérés en dessous du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), fixé à 550 000 francs guinéens par mois. “Selon les fiches de paie de 30 personnes datant de 2022 à 2025 consultées par l’organisation, 29 travailleurs avaient reçu un salaire de base inférieur au salaire minimum légal. En septembre 2025, le salaire de base le plus bas versé par la Soguipah sur 24 fiches de paie consultées était de 69 783 francs guinéens pour 170 heures travaillées dans le mois”.

Des planteurs précarisés et des terres confisquées

Le rapport pointe également la situation critique des planteurs de palmiers à huile et d’hévéas liés à la SOGUIPAH. Ces exploitants affirment ne pas avoir accès aux contrats signés dans les années 1990, qui régissent pourtant leurs relations avec l’entreprise. “je n’ai jamais vu cette convention. La Soguipah refuse de la mettre à la disposition des communautés”, a confié un représentant des planteurs.

Ces agriculteurs seraient contraints de vendre exclusivement leur production à la SOGUIPAH, souvent à des prix inférieurs au marché, tandis que l’entreprise effectue des déductions injustifiées sur leurs revenus.
Pire encore, des dizaines de familles ont vu leurs terres confisquées par l’État au profit de la société, sans compensation équitable.
Privées de leurs cultures vivrières, elles dépendent désormais de monocultures peu rentables, accentuant leur précarité.

Une situation connue mais ignorée

Amnesty International rappelle que les autorités guinéennes sont informées de cette situation depuis plusieurs années.
Depuis 2019, des manifestations à Diécké et à Conakry ont dénoncé les conditions de travail à la SOGUIPAH. Les syndicats de planteurs ont déposé plusieurs préavis de grève, le plus récent datant de janvier 2025.

“Au lieu de prendre les mesures nécessaires pour garantir les droits de ces personnes, les autorités ont laissé s’installer un climat de peur et d’autocensure. En 2024, une cadre aurait été licenciée pour avoir dénoncé publiquement les conditions de travail des femmes employées”, lit-on.

Dans le communiqué, Fabien Offner, chercheur senior à Amnesty International, conclut : “ Les autorités de transition doivent tenir leurs promesses répétées de protéger les droits économiques et sociaux de tous dans le pays, y compris le droit à un salaire juste et équitable, condition d’une vie décente”.

Bhoye Barry pour guinee7.com