Le garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Droits de l’homme, a récemment suspendu un juge d’instruction au tribunal pour enfants, Kaman Goganan Konomou. Cette décision a été publiée sur les réseaux sociaux par le département de la Justice.
Dans un communiqué en date du 14 novembre 2025, le président du Conseil d’administration de l’Association des magistrats de Guinée (AMG) dit avoir pris connaissance, avec une “vive préoccupation”, de cette publication sur la page Facebook du ministère de la Justice et des Droits de l’Homme.
“Le CA de l’AMG tient à préciser que, si conformément à l’article 38 de la loi organique nᵒ 054/CNT/2013 du 17 mai 2013 portant statut particulier des magistrats, le Garde des Sceaux peut suspendre par arrêté le magistrat mis en cause, la décision de suspension qui figure parmi les sanctions disciplinaires prévues par l’article 35 de ladite loi organique, doit être prise dans les limites des prescriptions impératives de l’avant-dernier alinéa de l’article 39 de la loi organique précitée, qui dispose que « la suspension ne comporte pas privation du droit au traitement. Cette décision prise dans l’intérêt du service ne peut être rendue publique », lit-on. Cette exigence est renforcée par le dernier alinéa de l’article 26 de la loi organique nᵒ 055/CNT/2013 du 17 mai 2013 portant composition, organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
L’AMG souligne que : “La démarche inacceptable de publier sur les réseaux sociaux l’arrêté de suspension d’un magistrat, en dehors des circuits institutionnels appropriés, porte atteinte aux principes fondamentaux de l’indépendance de la magistrature, à la dignité de la personne concernée et à la présomption d’intégrité, garantie à tout magistrat, même en cas de procédure disciplinaire, de même qu’elle constitue un acte hautement attentatoire à la carrière et à la réputation du magistrat concerné.”
Le Conseil d’administration rappelle que les décisions de justice, ainsi que celles concernant la suspension ou la discipline des magistrats, sont soumises à des règles de confidentialité, de décence et de respect du statut de la magistrature, qui s’imposent à toutes les autorités publiques, y compris le pouvoir exécutif. “Y déroger constituerait un obstacle à l’indispensable sérénité qui couvre toute la fonction judiciaire”. L’AMG rappelle aussi qu’il s’était félicité, dans un passé récent, de « l’engagement ferme » du garde des Sceaux de ne plus publier de décisions de suspension concernant des magistrats, engagement qu’il croyait désormais “institutionnellement établi”.
C’est pourquoi le CA de l’AMG « condamne fermement cette publication intempestive, qui fragilise la séparation des pouvoirs, perturbe l’indispensable collaboration institutionnelle et nuit à la crédibilité des institutions judiciaires ».
Il invite par ailleurs le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) à exercer pleinement ses attributions constitutionnelles, notamment celles visant à veiller au respect de l’indépendance de la magistrature, conformément à l’article 151 de la Constitution du 26 septembre 2025.
Pour finir, l’AMG prend à témoin l’opinion publique nationale et internationale ainsi que les institutions républicaines, et appelle à un retour à la retenue, au respect des formes légales et des valeurs républicaines dans le traitement des affaires judiciaires. Le Conseil d’administration affirme rester ouvert à toute coopération constructive, tout en se réservant le droit d’utiliser « toutes mesures appropriées » pour faire respecter les garanties constitutionnelles indispensables à l’exercice de la fonction de magistrat.
Bhoye Barry pour guinee7.com

