Censure

ANIES : Comptez-moi parmi les sceptiques (Par Ibrahima S. Traoré)

L’ANIES (Agence nationale d’inclusion économique et sociale) constituera un vecteur puissant de redistribution des fruits de la prospérité économique. C’est du moins ce que ses marchands grossistes nous vendent dans un langage fleuri.

Environ six millions de Guinéens seraient concernés par ce programme, martèlent-ils. In fine, les plus pauvres d’entre nous recevront, pour certains, du cash ; d’autres devront se retrousser les manches avant de pouvoir goûter aux fruits des… travaux à haute intensité de main d’œuvre. Voici une manière très originale pour notre gouvernement de faire toucher à la partie laissée en rade du circuit économique, des dividendes de la prospérité.

S’assurer du partage équitable des richesses du pays est sans doute l’une des fonctions cardinales d’un Etat. Reste à voir la méthode. Au demeurant, celle adoptée par le gouvernement Kassory ne rassure pas.

D’abord pour faire un recensement biométrique des bénéficiaires, l’Anies, suite à un appel d’offres, dit-on, s’est trouvé un partenaire : IDEMIA France. Si l’Agence ne dit pas officiellement combien l’identification individuelle va couter, elle se targue néanmoins d’avoir fait un bon deal avec la société d’identification biométrique. « Un rabais a pu être obtenu sur le coût unitaire de l’enrôlement biométrique sur ce projet, qui se situe en-dessous de la moyenne estimée par la Banque mondiale », se félicite-t-on dans un enthousiasme on ne peut plus gênant. Quid des arguments pour convaincre de la nécessité de faire un recensement biométrique des damnés du développement en Guinée ? Mystère et boule de gomme.

Dès lors, certaines questions taraudent nos esprits : allons-nous créer un corps de pauvres en Guinée ? Pourquoi ficher à coups d’importantes sommes des gens que l’on voudrait sortir paradoxalement et rapidement de la misère ? L’argent devant être dépensé pour l’enrôlement biométrique ne peut-il pas servir à une action de développement ? Le diable est dans le détail !

Le plus désespérant, c’est que les actions de l’Anies ressemblent à bien des égards à une sérénade. Déjà des objets de communication (t-shirts, casquettes, etc.) au logo de l’agence sont fabriqués et distribués.  Pourquoi ?  Pour certainement enrichir davantage les prestataires de services sur le dos du pauvre. Bonjour l’éthique !

Ceci ressemble au fameux DSRP (Document de stratégie de réduction de la pauvreté) à l’époque de Lansana Conté où les promoteurs en boubous amidonnés ou en costumes griffés passaient l’essentiel du temps à faire des séminaires dans de grandes salles climatisées sans jamais trouver des solutions efficaces à la lutte contre la pauvreté. Et pourtant, cette solution, aux yeux des spécialistes, passe par les routes bien faites vers les zones de productions agricoles ; l’aménagement des zones agricoles, la construction des écoles avec des enseignants bien formés, la construction des centres de santés équipés avec un personnel qualifié, un système éducatif efficace capable de dénicher les élèves les plus méritants, avec des bourses accordées aux plus pauvres d’entre eux, une justice indépendante et efficace, etc.

Bref, une solution à l’Anies n’est que de la poudre de perlimpinpin, une pathétique stratégie d’enfumage pour naïfs dans un pays où la corruption fait preuve d’une résilience incroyable. Ceci explique cela : la répartition équitable des richesses passe d’abord et avant tout par là.

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