Censure

Avec les discours musclés du président Condé : Une sortie de crise est-elle encore possible ? (Par Mamady Kéita)

Le président Alpha Condé a effectué une tournée marathon, en Haute Guinée, qui lui  a permis de sillonner la quasi-totalité des localités, durant 3 jours, à la tête d’une importante délégation, où on pouvait remarquer la présence de l’universitaire Albert Bourgi.  A Kankan, Siguiri, Mandiana et Kouroussa, partout, où il est passé, le message du président était quasiment le même, à savoir inviter les populations à se mobiliser pour la présidentielle du 11 octobre. Sur fond d’appel à l’unité nationale et à la tolérance. Il a aussi lancé des piques à son opposition, qu’il accuse d’être financée par le milliardaire Benny Steinmetz. Cette sortie qui fait des vagues au sein de l’opinion, ajoutée à la grande interview accordée au magazine panafricain, dans son édition de cette semaine, où il écarte toute idée de modification du calendrier de la présidentielle, ne risquent-t-elles pas de compromettre toute chance de sortie de crise ? La question vaut tout son pesant.

Pendant que l’opposition continue de réclamer l’annulation du chronogramme électoral proposé par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) fixant la présidentielle au 11 octobre 2015,  le président de la République  lui, s’est lancé dans une campagne électorale avant la lettre. Alpha Condé a choisi la Haute Guinée, pour une tournée de 72 heures. Et le président y met vraiment du cœur, en s’adressant à ses militants.

A Kankan où il est arrivé dans la journée du samedi dernier, le chef de l’Etat a commencé par offrir une enveloppe de 250 millions de francs guinéens aux artistes mobilisés pour l’accueillir.

Dans un discours prononcé en partie en langue malinké, que le chef de l’état pratique avec accent, Alpha a rappelé le parcours parsemé d’embûches qu’il a emprunté  pour se hisser  au sommet de l’Etat.

Le président a invité la foule à ne pas prêter une oreille attentive aux « démagogues,  aigris qui réclament la paternité de sa victoire lors de la présidentielle de 2010. »

Pour Alpha Condé, ceux qui l’ont porté au pouvoir ce sont des militants analphabètes, qui ne savent même pas bien prononcer les initiales du RPG. Eux disent « RPC ».  Il a fustigé le comportement de certains cadres de son parti, qui commencent déjà à s’ériger en dauphin, alors qu’il est encore vivant. « Ceux qui s’agitent déjà se trompent », a-t-il averti.

Alpha Condé a rappelé les promesses de campagne qu’il a remplies. Comme la suppression de l’impôt de capitation, la subvention au monde agricole. Il a reconnu toutefois que les femmes et les jeunes n’ont pas bénéficié de son appui durant ce premier mandat. Par la faute des anciens Premiers ministres, qui selon lui ont coulé le pays, sous le magistère de Lansana Conté.

Il a promis néanmoins de se racheter lors de son second mandat qui aura 3 objectifs, à savoir  « les femmes, les jeunes, l’eau et l’électricité. »

Alpha Condé a prévenu qu’En Guinée, « il n’y aura pas de nouveau 28 septembre, il n’y aura pas de coup d’état militaire. Ceux qui rêvent d’un coup d’État militaire se trompent. Aujourd’hui, nous avons une armée républicaine. La population fait confiance à cette armée ainsi que la communauté internationale », a-t-il rassuré ses militants.

Le chef de l’Etat a rappelé par la même occasion que  c’est l’ethnocentrisme qui a gâté la Guinée. Appelant les populations de la haute Guinée à combattre  ce fléau.

Il a rappelé que ceux qui rêvent de bloquer la Guinée, ne pourront jamais parvenir à leur fin. Car si vous êtes à Conakry, les manifestations qui se font c’est à Bambéto, tout le reste travaille. L’UFDG ne peut pas bloquer la Guinée.  Donc, ne suivez pas les démagogues. Je ne suis pas président des malinkés mais de tous les Guinéens », a insisté le président.

Alpha Condé a tenu des propos assez graves à l’encontre de son opposition qu’il accuse d’être financée. « Ceux qui me combattent sont financés par Steinmetz, le blanc qui avait acquis les blocs 1 et 2 du Simandou par la corruption et que j’ai retirés ». Il a juré que  son  deuxième mandat sera celui de la lutte contre la  corruption. Un combat qui passera par le rajeunissement de l’administration, selon lui.

Dans les préfectures de Siguiri, Kankan, Mandiana, Kouroussa, la ligne du discours n’a pas varié. Sauf qu’à Mandiana, il a annoncé la fermeture des mines d’or à l’exploitation anarchique. Et au départ des Burkinabés qui seraient illégalement installés dans la région. Ceux-ci seraient en effet assez nombreux parmi les orpailleurs qui exercent en Haute Guinée.

Cette tournée du président a été marquée par le caractère populiste de ses discours. Alpha Condé en véritable harangueur de foule, n’a raté aucune occasion pour charger ses opposants, et inviter ses militants à se mobiliser pour lui accorder leurs suffrages lors du scrutin présidentiel à venir. Cette tournée de campagne électoral avant la lettre, a permis au président de visiter  les coins et recoins de la Haute Guinée, région considérée comme son fief traditionnel, en vue de se rapprocher de ses militants.

Si Alpha a réussi à marquer les esprits de nombreux militants du RPG-arc-en-ciel durant sa tournée, il n’en n’est certainement pas le cas pour ceux qui se reconnaissent dans l’opposition. Ceux-ci voyant dans les propos du président des relents de stigmatisation. Des vagues de ressentiment qui risqueraient d’annihiler les efforts allant dans le sens d’une sortie de crise. Si le discours ne change pas de part et d’autre.

Mamady Kéita (L’Indépendant)

 

 

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