A quelques heures du début des manifestations clôturant les journées « portes ouvertes » de l’U.F.R., le président Alpha CONDÉ a cru devoir prendre un décret précipité, nommant M. Baïdy ARIBO deuxième vice-gouverneur de la Banque Centrale. Acte banal en apparence à la discrétion du Chef de l’ÉTAT. Il en use au bénéfice d’un compatriote. Normal. On pourrait se limiter à ce constat tout aussi banal. De mon point de vue, ce serait une grave ERREUR.
L’appartenance politique du récipiendaire, le moment choisi pour le nommer, et les soupçons légitimes engendrés par sa nomination précipitée, obligent à se poser quelques questions sur les mobiles (politiques) du président, et sur l’acceptation hâtive de sa « générosité » par le « notable »supposé de l’U.F.R.
Le président Alpha CONDÉ n’est pas un enfant de chœur. Il est rusé, comme l’a d’ailleurs reconnu M. Sidya TOURÉ. Il n’a jamais été spécialement bienveillant pour lui, et il serait surprenant qu’il se mette tout d’un coup à vouloir du « bien » pour celui qu’il perçoit, à juste raison comme son principal concurrent, en tout cas le plus solide, et le plus CRÉDIBLE à l’Intérieur du pays, comme au plan International.
Alors, quelles interrogations ?
D’abord sur la personnalité (politique) du bénéficiaire du décret
Monsieur Baïdy ARIBO est un « militant » de l’U.F.R, de surcroît un membre important de son Bureau exécutif, c’est-à-dire l’instance la plus élevée du parti. Il n’en est pas le seul membre. En théorie, les principaux Responsables du Bureau exécutif devraient se sentir tenus par une obligation morale de LOYAUTÉ au Parti, mais surtout aux MILITANTS et SYMPATHISANTS. C’est forte de ce principe, que l’U.F.R. n’exclut personne, et n’exclura pas plus aujourd’hui que demain. Dans ce parti, on y vient parce que, on l’a décidé de son propre chef. Par ailleurs, M. ARIBO est porté à l’Assemblée Nationale par les voix exclusives des électeurs U.F.R. pour y représenter le parti et porter sa voix lors des débats nationaux. Il n’y a pas ou pas encore de raisons objectives de mettre en doute sa LOYAUTÉ à l’égard des militants et sympathisants. Toutefois, on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi, a-t-il fait semblant d’être surpris par un COUP qui avait tout l’air d’avoir été concocté à dessein avec son concours, et dont la publication a opportunément coïncidé avec la montée en puissance des manifestations de « son »parti ? Ne pouvait-il pas demander à son présidentiel ami de surseoir de quarante-huit ou soixante-douze heures à l’annonce tonitruante de ce fameux décret ? Le vacarme orchestré autour était-il indispensable ?
Posant ces questions, je suis plus intrigué que suspicieux. Je suppose que M. ARIBO est un homme honorable, et qu’il est parfaitement libre de changer de loyauté en cours de route. Si c’était le premier pas d’un semblable chemin, ce ne serait pas la première fois dans notre pays. Il ne serait pas non plus la première personne à le faire, et il n’y aurait pas à l’en blâmer. On peut tout au plus s’en désoler. Car les conditions sociales et économiques quotidiennes créées par le pouvoir à mon avis délibérément, s’y prêtent. La loyauté à ses propres convictions, pour ceux qui en ont, ne résiste pas toujours aux attraits matériels (voitures, monnaies en euros, dollars, voyages….) du pouvoir en place. Monsieur Baïdy ARIBO sera-t-il l’une des trop rares exceptions dans la vie politique guinéenne ?—Pour ma part, je m’abstiens de lui faire un procès d’intention, même si certains de ses actes passés et récents me laissent dubitatif.
Manœuvre politicienne contre Sidya TOURÉ et l’U.F.R.
La promotion par décret d’un « membre » de notre parti est une
bonne nouvelle, pour lui. Sous réserve de compétence ou de formation intellectuelle éprouvée, on devrait s’en réjouir. M. Baïdy ARIBO est un citoyen guinéen. A ce titre, il peut être promu à n’importe quelle fonction en rapport avec son niveau de formation professionnelle ou intellectuelle, comme ça se passe chez nos voisins (Sénégal, Côte d’Ivoire….). Être gouverneur, ou 1er vice-gouverneur, ou 2ème vice-gouverneur d’une banque centrale exige un certain nombre de qualité intellectuelle. Sur ce point précis, il faut espérer que le compte y est.
Nos compatriotes n’ignorent pas que cette nomination soudaine visait plutôt à débaucher des éléments de l’U.F.R., et a amoindrir la dimension personnelle prise par Sidya. Pour cela, le choix du président Alpha CONDÉ s’est porté sur les personnes les plus perméables aux prébendes. S’il a réussi le débauchage, il a manifestement échoué à « casser » l’ascension populaire, puisque la mobilisation de la population de CONAKRY à l’appel de Sidya TOURÉ a été plus importante après le débauchage qu’avant. On pourrait même penser que le surcroît de mobilisation populaire observée a visé à montrer que KALOUM ne répond qu’à l’appel du Chef de l’U.F.R., et à personne d’autre.
En tout état de cause, ce n’est pas rabaisser Monsieur ARIBO que de constater qu’il tient sa « notoriété » relative de la personne du chef de l’U.F.R., ou plus exactement au fait de parler à KALOUM au nom de Sidya. Il est vraisemblable que parti avec le président Alpha CONDÉ décrié, rejetté, les kalomikas (habitants de Kaloum) renverront Monsieur ARIBO à sa place, c’est-à-dire très peu.

Pour terminer, je souhaite personnellement que l’ensemble des militants et sympathisants U.F.R., où qu’ils soient, ne fassent aucun procès à M. ARIBO, ni aucune hostilité à son égard. Ce n’est pas la philosophie de notre mouvement. Par ailleurs, ARIBO est juste utile comme des milliers de militants, ni moins, ni plus. L’accroissement à mon avis durable de la mobilisation après son départ, l’atteste.
Militants et sympathisants U.F.R. ! Restons Fraternels et Bienveillants.
Mamadou Billo SY SAVANÉ(France).