Censure

Didier Deschamps sur RFI: «La France est en retard sur d’autres pays»

Le sélectionneur de l’équipe de France de football, Didier Deschamps, était l’invité de Radio Foot Internationale le lundi 23 septembre. Interrogé par Annie Gasnier, Alejandro Valente et Eric Mamruth, le capitaine des champions du monde 1998 s’est longuement confié sur les difficultés de son métier de sélectionneur et sur la laborieuse campagne des Bleus vers le Mondial 2014, tout en se disant très confiant sur la qualification. La Ligue 1, le football africain, le Ballon d’Or sont également au menu de cet entretien.

« Didier Deschamps, vous qui avez été un des joueurs les plus titrés de France avant d’entamer une très riche carrière d’entraîneur et sélectionneur, quelle vie vous plaît le plus, celle de joueur ou celle d’entraîneur?
– Sans aucun doute celle de joueur, c’était la plus belle. Elle a duré assez longtemps, j’ai eu l’immense joie de gagner pas mal de titres. Là, c’est ma passion toujours mais dans un rôle différent, un peu par procuration parce que je vis à travers les joueurs. Quand on est joueur on est actif, on est sur le terrain. C’est le plus beau métier du monde. Donc, je sais que j’ai été, et je le suis toujours, un privilégié, car le football était ma passion et j’ai réussi à faire de ma passion mon métier. J’en ai profité pleinement.
– Et le football au quotidien ne vous manque pas ? Le rôle d’entraîneur de club, où vous êtes plus proche des joueurs ?
– Sincèrement non. Je sortais de trois saisons à l’Olympique de Marseille, avec des échéances, des fréquences de matches tous les trois, quatre jours. Le métier d’entraîneur de club est épuisant, harassant. Là, c’est une autre fonction. J’aimerais évidemment avoir plus de temps sur le terrain avec les joueurs parce que les périodes où l’on est avec les joueurs, en préparation, sont toujours trop courtes. Mais je vis très bien mon nouveau rôle de sélectionneur.

« Avoir des locomotives comme le PSG ou Monaco, c’est capital. On n’a pas le droit de se plaindre de ça, bien au contraire »

– Vous avez été aussi à une époque l’entraîneur de Monaco, avec des résultats glorieux. Avez-vous suivi le choc de ce dimanche entre le PSG et Monaco ?
– J’y étais, oui…
– Qu’avez-vous pensé de ce match ?
– C’était un match de haut niveau, avec beaucoup de qualité, de très grands joueurs. Sur le terrain, c’était le premier contre le deuxième, et je pense que le contenu du match a été à la hauteur des espérances. Du côté du PSG il y a avait un contenu de deux ans avec de grosses individualités. Et une équipe monégasque avec de bons amalgames, de l’expérience et des jeunes intéressants. Ce fut une belle opposition. Paris a eu plus d’occasions et aurait dû certainement l’emporter mais c’était un match très plaisant à voir.
– De bons joueurs mais peu de Français sur le terrain, puisqu’ils n’étaient que quatre au coup d’envoi. N’est-ce pas regrettable ?
– Mais les quatre étaient très bons, donc ça va. Je préfère en avoir quatre très bons que dix moyens. Évidemment que c’est plus difficiles parce que les exigences sont plus élevées. Les deux clubs ont les moyens économiques d’acheter de très grands joueurs étrangers, mais dans les effectifs des deux équipes il y a pas mal de Français. Il y a une concurrence plus importante dans ces deux clubs, mais il ne faut pas voir que l’aspect négatif. Avoir ces deux locomotives pour la Ligue 1 est très important, y compris sur le plan international. Tous les pays, sur tous les continents, s’intéressent à la Ligue 1 à travers les grands joueurs qui jouent dans ces deux équipes.
– Et pour le sélectionneur que vous êtes, voir les joueurs français barrés par ces grandes stars ne vous dérange pas ?
– Ils ne sont pas barrés. Il y a de la concurrence. Après certains partent à l’étranger pour avoir du temps de jeu…
– C’est le cas de Mamadou Sakho par exemple…
– Oui, au PSG c’était un peu compliqué pour lui. Après, ce sont les joueurs qui choisissent leur plan de carrière. Ce qui est important, même s’ils ne sont pas nombreux puisqu’ils n’étaient que quatre au coup d’envoi de ce match, c’est que ces joueurs là sont soumis aux exigences du haut niveau. S’entraîner avec de grands joueurs ça fait progresser aussi. Donc s’ils peuvent être de plus en plus nombreux dans les grands clubs, soumis à ces exigences-là, ils progresseront encore plus vite.
– Un championnat à deux vitesses, comme celui qui se dessine en France, est-ce une évolution souhaitable ?
– Avoir des locomotives, c’est capital. La mentalité française fait qu’on préfère souvent le deuxième gentil au champion. Le problème, c’est que le deuxième ne gagne pas. Là il y a deux clubs avec de grands moyens qui attirent les meilleurs joueurs étrangers. On n’a pas le droit de se plaindre de ça, bien au contraire. Sur le plan international, il vaut mieux avoir des équipes qui sont armées pour se mesurer aux grands clubs étrangers. Même si Monaco vient de Ligue 2, ces deux clubs seront capables à moyen terme de rivaliser sur la scène internationale.
– Et quelle est la place de l’Olympique de Marseille dans cette nouvelle configuration ?
– Marseille a fait une très bonne saison l’année dernière et s’est qualifiée pour la Ligue des champions. Il a choisi d’investir sur des joueurs français avec de gros potentiel. Ça restera de toute façon un grand club français même si économiquement il ne peut plus rivaliser avec l’AS Monaco ou le Paris Saint-Germain. La ligue 1 a besoin de l’OM et l’OM a besoin de la Ligue 1.
– Reste que le PSG a bien plus de chances d’aller loin en Ligue des champions que l’OM…
– La réalité est que l’aspect économique et très important. L’argent ne fait pas tout mais quand vous avez beaucoup d’argent vous pouvez acheter de très grands joueurs. Et à partir de là, vous avez plus de probabilités de gagner des matches.

« Je peux vous assurer que si aujourd’hui je devais établir une liste pour une grande compétition, sur 23 j’en aurais une petite vingtaine de joueurs sûrs »

– Il faudrait donc que d’autres investisseurs étrangers viennent à la Ligue 1…
– Et pourquoi pas ? Au lieu de les laisser aller en Angleterre, en Espagne ou ailleurs… Il ne faut pas les repousser. Si nous n’avons pas la possibilité d’avoir des investisseurs français disposant de moyens très importants pour prendre en charge des clubs de foot, il ne faut pas fermer les portes.
– Est-ce que les joueurs de l’équipe de France vous demandent votre avis lorsqu’ils hésitent entre partir à l’étranger ou rester en France ?
– Certains l’ont fait ou le font. Ne me demandez pas lesquels mais à plusieurs reprises ils m’ont consulté. Alors je leur donne mon avis mais la décision leur appartient.
– Comment le sélectionneur que vous êtes parvient à détecter les talents qui pourront enrichir l’équipe de France ?
– En regardant jouer les sélections de jeunes, tout simplement. Des sélections qui obtiennent de très bons résultats. Cela dit, je n’aime pas trop le terme talent, car parler de talent à cet âge là revient à mettre ces joueurs au-dessus de la mêlée. Je préfère dire qu’il y a des potentiels importants, après c’est à eux de s’affirmer. Il y a des étapes à franchir et le haut niveau a des exigences élevées. Mais à travers la victoire des moins de vingt ans en Coupe du monde et des moins de 19 ans en Championnat d’Europe, il y en a des joueurs. La formation française est reconnue à travers ces résultats même si on a tendance à critiquer le football français. Le joueur français formé en France intéressera toujours les pays étrangers.
– Et la génération actuelle des joueurs de l’équipe de France ? Michel Platini dit que ce n’est pas la meilleure…
– Je n’aime pas trop comparer. J’ai des joueurs qui, pour certains, jouent dans de grands clubs. Il y a une nouvelle génération que j’ai commence à incorporer, avec des joueurs de 20-22 ans qui arrivent…
– Sommes-nous dans une période charnière, de transition ?
– Ce n’est pas charnière. Je saurai juger sur les résultats. Nous avons un objectif, nous qualifier pour la Coupe du monde. Mais je ne peux pas occulter l’avenir et je dois penser à plus long terme en permettant à ces jeunes de venir en équipe de France et de découvrir le haut niveau avec ses exigences.
– En un an vous avez aligné beaucoup d’équipes différentes… Avez-vous une équipe type ?
– Il y a eu plusieurs phases dans cette année. Il y a eu les phases de qualification : sur ces sept matches, j’ai utilisé 23 joueurs titulaires. Ce n’est pas énorme. Après, il y a eu les matches amicaux qui servent aussi à incorporer de nouveaux joueurs. Et dans ces matches amicaux il y a eu la tournée en Amérique du Sud ou j’étais contraint et forcé. J’avais pris la disposition de laisser à disposition de Pierre Mankowski pas mal de joueurs pour la Coupe du monde des moins de 20 ans. Il y a eu aussi de blessés et à la fin pas loin d’une dizaine de joueurs qui n’ont pas pu être présents. Donc, forcément, j’ai dû en appeler d’autres. Mais je peux vous assurer que si aujourd’hui je devais établir une liste pour une grande compétition, sur 23 j’en aurais une petite vingtaine de joueurs sûrs. Après, il en restera quatre ou cinq autour desquels la discussion sera plus importante. Je connais les qualités des uns et des autres, je ne change pas pour changer. C’est parfois contraint et forcé quand les joueurs sont suspendus ou blessés ou ne jouent pas. Il faut que chacun remplisse deux critères, être en bonne santé et avoir du temps de jeu, pour être sélectionnable. C’est le cas de Raphaël Varane, qui s’est blessé début mai. Et en plus, dans certains postes, il arrive qu’il y ait deux ou trois joueurs très proches, sans que l’un soit vraiment au-dessus des autres. La forme du moment va alors peser.
– Ca veut dire que le système, vous l’avez…
– Je connais le système dans lequel on est les plus performants. Mais je ne veux pas me fermer à un seul système. Les joueurs sont capables aussi, d’un match à l’autre, et même en cours de match, d’évoluer pour modifier la donne s’il le faut.
– Vous n’avez pas totalement tourné la page d’un système à deux pointes par exemple….
– Non. Même s’il y a une réalité dans le football de haut niveau et c’est qu’il n’y a pratiquement aucune nation qui joue avec deux attaquants axiaux. Après, tout dépend de l’équipe qu’on rencontre et il faut trouver les bonnes associations. On pense souvent à tort qu’en ayant deux attaquants axiaux on a plus de chances de marquer des buts. Et c’est souvent l’inverse qui se passe…
– Il y a eu une continuité entre le travail de Laurent Blanc et le vôtre ?
– Oui, parce que j’ai repris une équipe de France au sortir d’un championnat d’Europe où elle s’était fait éliminer en quarts de finale par l’Espagne. C’était une situation sans commune mesure avec celle qu’avait trouvé Laurent Blanc au sortir du Mondial 2010 avec tout ce qui c’était passé de très négatif pour le football français. Il y avait beaucoup de joueurs qui étaient là avec Lolo qui y sont toujours avec moi. Mais qui dit changement de sélectionneur dit changements de joueurs aussi.

« Il y a eu un football français avant 2010 et après 2010. La page de Knysna sera tournée quand il y aura des résultats de haut niveau »

– Les supporters parlent encore beaucoup de Knysna, la presse aussi…
– Surtout la presse !
– Mais pas seulement…
– Oui, les gens ont été marqués. C’est normal.
– La page est-elle tournée ?
– Elle sera tournée quand il y aura des résultats de haut niveau. Mais il faut être réaliste aussi, le football français est marqué par 2010. Il y a eu un football français avant 2010 et après 2010. Mais ces débats n’aident pas à regarder devant nous, et c’est ça le plus important. C’est très versatile, on passe d’un extrême à un autre. Il ne faut pas tout ramener à ce qui s’est passé en 2010, comme ça a été le cas après notre victoire en Biélorussie. Certes, ça a été difficile et on a fait une première mi-temps très laborieuse. Mais quand je lis que rien n’a changé, ça fait mal…
– Ça vient en partie des propos de certains joueurs qui ont rendu hommage à Patrice Evra. On pouvait avoir l’impression que vous étiez enfermé avec les fantômes du passé…
– Pourquoi des fantômes ? Vous savez tous ce qui s’est passé en 2010. Patrice Evra y était. Là, c’est un joueur qui était remplaçant, et il n’était pas le seul, et qui s’est mis à parler dans le vestiaire dans un but collectif par rapport à notre objectif. Et on trouve ça négatif ! Moi je trouve, bien au contraire, que c’était très positif, que ce soit Patrice Evra ou un autre. Je ne vois pas ce qu’il y a de comparable avec ce qui s’est passé il y a trois ans. Bien au contraire.
– Ça veut dire que le vestiaire est sain ?
– Ça veut dire quoi sain ? Dans tous les vestiaires il y a des egos, de personnalités, de caractères bien différents. Il peut y avoir des tensions. Quand vous gagnez des matches tout va bien. Quand il n’y a pas des résultats… C’est partout pareil. En club aussi, le moindre détail peut tout remettre en cause. Est-ce que le groupe vit bien ? Oui. Ils savent qu’ils doivent être très attentifs à ce qu’ils font sur le terrain et aussi en dehors après ce qui s’est passé en 2010. Mais on ne va pas vivre avec le passé. Le plus important est devant nous et surtout nous qualifier pour la Coupe du monde.
– Trouvez-vous que les joueurs sont plus difficiles à diriger aujourd’hui ?
– Vous savez, on se rappelle à mon sujet de la période 1998-2000, mais j’étais joueur aussi dans la période 1990-1994. Et ça restera le point noir de ma carrière. Moi aussi, j’aimerais ne retenir que le positif. Mais je n’oublie pas ça. On ne s’est pas qualifié pour deux coupes du monde d’affilée, et Dieu sait si on avait largement la possibilité de le faire. Cela dit, les mentalités évoluent, et pas seulement dans le foot. Ça arrive dans toute la société, dans la presse et dans le journalisme aussi. Oui, la gestion humaine est devenue plus difficile. L’éducation y joue un petit peu, un petit peu beaucoup, et puis l’environnement des joueurs, qui perturbe cet équilibre dont a besoin un joueur de haut niveau. A partir du moment où ce sont des joueurs qui ont une bonne mentalité on peut toujours corriger. Mais aujourd’hui on vit dans un monde beaucoup plus individualiste, beaucoup plus égoïste. Les gens sont de plus en plus isolés à cause surtout des nouvelles technologies. Les centres d’intérêt sont totalement différents aujourd’hui de ce qu’ils étaient il y a dix ans. On ne peut pas se battre contre ça, le football est juste le reflet de la société.

« S’il y a un exemple, c’est Toni Parker. Malgré sa carrière individuelle aux Etats-Unis, la star qu’il est là-bas est très attachée à l’équipe de France. Mais il a dû attendre dix ans pour être sacré »

– L’amour du maillot national est toujours présent ? Ou les clubs prennent une place de plus en plus prépondérante ?
– Les joueurs sont salariés par les clubs. Ils y sont au quotidien…
– La sélection passe donc après ?
– Rien ne doit être au-dessus de l’équipe nationale. J’ai gagné un championnat d’Europe et une Coupe du monde et il n’y a rien de plus beau. Y compris quand vous gagnez tous les titres avec un club…
– Tous les joueurs s’en rendent vraiment compte ?
– Oui, ils en ont conscience. Est-ce que c’est réellement ce qu’ils pensent ou ce qu’ils ressentent ? Ce n’est pas toujours le cas. Ceux qui sont à l’étranger peuvent donner l’impression d’un moindre attachement. Mais je peux vous assurer que quand je ne les sélectionne pas, ils n’ont pas le sourire.
– L’équipe de France de basket vient de gagner l’Euro…
– Oui, c’est super…
– Dans ses rangs il y a des stars de la NBA mais qui ont mouillé le maillot. Est-ce un exemple à suivre ?
– S’il y a un exemple, c’est Toni Parker. Malgré sa carrière individuelle aux Etats-Unis, la star qu’il est là-bas est très attachée à l’équipe de France. Mais il a dû attendre dix ans pour être sacré. Et avant il a mangé du pain noir lui aussi. Evidemment, il faut de grands joueurs pour gagner de grandes compétitions, dans le basket ou dans n’importe quel autre sport collectif.
– L’équipe de France de foot a-t-elle son Tony Parker ?
– Forcément il faut des leaders. J’en ai bien évidemment. Il vaut mieux en avoir plusieurs mais on ne peut pas demander à quelqu’un qui a dix sélections de devenir un leader du jour au lendemain. Il faut se construire, il faut du temps et de la légitimité. Ça s’obtient aussi avec le crédit qu’on peut avoir en étant quatre, cinq, six ans en équipe de France. Ça n’arrive pas en claquant les doigts en se levant le matin et en se disant ‘je veux être le leader’.
– L’absence de relais sur le terrain vous manque ?
– J’ai des relais. Ils sont différents. On compare toujours par rapport à d’autres générations. Mais il y a des joueurs de haut niveau, des joueurs qui font la différence en équipe de France et dans les grands clubs étrangers. J’aspire en avoir plus et il y a des jeunes, comme Paul Pogba ou Raphaël Varane, deux joueurs très jeunes et qui évoluent dans deux des plus grands clubs comme la Juventus et le Real Madrid.
– Et le choix d’Hugo Lloris comme capitaine ? Est-il un leader ? N’est-ce pas un choix par défaut ?
– Pas du tout. C’est un faux débat. Il y a énormément de gardiens de but qui sont capitaines. Il y a Casillas avec l’Espagne ou Buffon avec l’Italie, pour ne citer que ces deux exemples. Hugo a une légitimité naturelle, il est exemplaire dans tout ce qu’il fait. Certes, son poste de gardien est un peu restrictif car il n’a pas la même préparation que les autres joueurs de champ. Ce n’est pas quelqu’un qui parle et qui aboie à tort et à travers. Il est très bien dans ce rôle là.

« Le problème c’est que Karim Benzema est en manque d’efficacité depuis un bon moment »

– Les auditeurs de Radio Foot se posent beaucoup de questions au sujet de Karim Benzema. Pouvez-vous nous expliquer quel est le problème qu’il a avec l’équipe de France ?
– Le problème c’est qu’il est en manque d’efficacité depuis un bon moment …
– Ça le tourmente ?
– Il dit que non. Mais pour avoir été joueur, même les plus grands… On ne va pas parler de doute car ça donne l’impression que le joueur est malade. Je parlerais de manque de confiance et qui dit manque de confiance évoque une spontanéité qui est moins présente, et un peu de réussite et de chance aussi. Il est tombé parfois sur des gardiens qui ont fait de superbes arrêts, ou un pied, une jambe, un poteau rentrant qui devient poteau sortant. C’est ce qui fait la différence dans les bonnes périodes des attaquants, où ils ont une grande efficacité. Mais tous les attaquants de haut niveau ont connu des périodes difficiles et de manque d’efficacité.
– Benzema a-t-il perdu sa place de titulaire pour un bon moment ?
– Non. J’ai juste décidé de ne pas lui faire démarrer le dernier match. C’est tout.
– C’est pour le faire réagir ?
– C’était un choix sportif qui me semblait le plus logique par rapport aux joueurs dont je disposais. On verra ce qui se passera sur les matches d’octobre. Il sait ce que j’attends de lui et il a conscience qu’il peut en faire plus.
– C’est seulement un problème de Karim Benzema ou un problème d’animation offensive de l’équipe de France ?
– Les deux sont liés. Vous demandez à un attaquant et il vous dira qu’il faut jouer avec trois attaquants. Un milieu dira qu’il faut qu’on soit cinq au milieu et un défenseur voudra plus de récupérateurs pour être mieux protégé. Il faut trouver un équilibre et l’animation pour pouvoir associer les uns et les autres efficacement.
– Franck Ribéry, récemment primé et en pleine réussite avec le Bayern, peut-il devenir le leader des Bleus ?
– Il l’a toujours été. Ce n’est pas le fait de lui remettre un prix qui va le changer. J’espère pour lui qu’il pourra remporter le prochain Ballon d’Or…
– Vous êtes membre du jury !
– Il paraît… Mais pour revenir à Franck, il a toujours été un leader technique sur le terrain. C’est aussi quelqu’un de très apprécié dans le groupe et qui depuis plusieurs années est très efficace dans un grand club comme le Bayern Munich, même si en sélection on a pu lui reprocher des problèmes d’efficacité. Je veux bien avoir des problèmes à résoudre mais Franck est tout sauf un problème… Franck Ribéry est un très, très grand joueur.

« Quand on prépare quelque chose pour réussir, comme la qualification pour la Coupe du monde, ce n’est pas d’envisager l’échec qui va vous aider, bien au contraire. Il y aura une vie après de toute façon… »

– Quels sont les défis des deux matches d’octobre, en amical contre l’Australie et face à la Finlande pour la fin de la phase des poules pour la Coupe du monde ?
– C’est un double objectif. Il s’agira de se préparer pour les barrages du mois de novembre et engranger des points pour améliorer notre classement FIFA. Prendre des points nous permettrait de récupérer des places dans ce classement et peut être nous permettre d’être tête de série et être un peu protégé pour éviter les meilleures nations.
– Vous travaillez dans l’urgence, mais arrivez-vous aussi à intégrer le long terme, par exemple cet Euro 2016 que la France va organiser ?
– Je ne pense pas à l’Euro 2016. Mais je ne travaille pas non plus dans l’urgence. Je gère le quotidien. Un entraîneur, un sélectionneur ne peut pas se projeter dans le long terme. Tout au mieux le moyen terme. Mais le plus important c’est le résultat parce qu’il conditionne tellement de choses.
– Les gens attendent beaucoup de l’équipe de France, mais quel est son niveau réel par rapport aux grandes nations ?
– La réalité aujourd’hui c’est qu’il y a beaucoup d’équipes nationales qui ont de l’avance sur nous. Le dernier grand résultat remonte à 2006 (finale de Coupe du monde. NDLR). Il y a sept ans. Ça fait beaucoup de temps, donc aujourd’hui il y a des nations qui ont pris de l’avance, qui nous sont supérieures. On n’est plus à époque de 1982-84 ou de 1998-2000. Notre historique dans les grandes compétions depuis 2008 est bien moins performant, même si 2012 a été beaucoup mieux.
– Si la France ratait le rendez-vous de 2014, ce serait quoi ? Une catastrophe ?
– Je ne peux pas me mettre dans cette situation. Toute mon énergie est focalisée pour atteindre un objectif. Quand on prépare quelque chose pour réussir ce n’est pas d’envisager l’échec qui va vous aider, bien au contraire. Il y aura une vie après de toute façon…
– Vous êtes confiant ?
– Oui. Si je ne l’étais pas, je vois mal comment je pourrais transmettre de la confiance à mes joueurs !
– Le travail est-il plus compliqué que vous ne l’imaginiez ?
– Il est toujours compliqué. Entraîneur ou sélectionneur, avec l’exposition médiatique, c’est toujours difficile. J’ai entraîné Monaco, la Juventus de Turin, Marseille pendant trois ans donc je suis habitué à ça, je ne me plains pas.
– Vous arrivez malgré tout à imposer une ligne directrice ?
– Bien sûr. Le cadre de vie, le cadre du travail, je serai ferme jusqu’au bout. Les joueurs le savent. Après, on n’est pas à l’abri. Je ne peux pas vous dire qu’il ne va rien se passer. Il suffit d’une personne pour remettre tout en cause.
– Mais ça avance…
– Oui… En gérant les impondérables, les résultats. Nous sommes dans notre objectif, qui était de se qualifier pour la Coupe du monde. Au départ il y avait deux possibilités. La première était de jouer la première place face à l’Espagne et on l’a jouée. Aujourd’hui ce n’est plus possible d’espérer avoir cette première place mais on a la deuxième possibilité, c’est-à-dire passer par les barrages ce qui était au départ dans la logique sportive. Après il y a eu les matches amicaux où l’on a rencontré les meilleures nations du monde. Et ce qui nous a fait très mal, et je le prévoyais, ça a été notre tournée en Amérique du Sud. Les joueurs n’étaient pas prêts parce que certains d’entre eux avaient arrêté la compétition depuis quinze jours. Beaucoup de joueurs ont fait défection et dans ces conditions ont se retrouve à affronter le Brésil et l’Uruguay qui étaient en compétition car ils préparaient la Coupe des Confédérations. C’était injouable pour nous et pour les gens tout ce que nous avions fait avant a été balayé. Mais j’asusme, ça m’a servi aussi pour avoir plus d’informations sur certains joueurs. Mais sportivement ça nous a fait mal.

« La proximité avec l’Afrique fait partie de notre culture footballistique et aussi sur notre culture en général »

– D’autres équipes préparent des barrages, notamment les africaines…
– Il y a un choc d’ailleurs…
– Vous regardez le foot africain aussi ?
– Evidemment. Il y a beaucoup de joueurs africains en Ligue, j’en connais beaucoup, j’en ai entraîné beaucoup, et à travers la CAN aussi qui est une très belle compétition. Et je regarde la phase de qualifications africaine également.
– Quand vous parlez de choc vous faites référence au match à venir entre la Côté d’Ivoire et le Sénégal ?
– On peut appeler ça un choc, oui !
– Vous avez un favori ?
– Non, je ne veux pas me faire d’ennemis ! Mais ce que je sais c’est qu’il y aura un grand pays africain qui ne sera pas présent au Brésil.
– Vous pourriez un jour aller travailler en Afrique ?
– J’ai eu plusieurs fois la possibilité. Mais ce sont de choix de carrière qui m’ont amené à ne pas donner suite…
– Dans ces équipes africaines il y a de nombreux joueurs qui auraient pu jouer pour l’équipe de France. Le problème des binationaux, qui a pollué la gestion de Laurent Blanc, pèse aussi sur la vôtre ?
– Pollué n’est pas le mot. Ce n’est pas un problème mais une réalité. La législation est faite comme ça évidemment au détriment de l’équipe nationale ou des clubs français qui forment ces joueurs-là. La formation a un coût mais après ça fait partie de la liberté.
– La Fédération travaille pour convaincre ces joueurs de ne pas quitter la sphère des Bleus ?
– Le seul moyen de les convaincre c’est de les sélectionner. Comme ça ils ne peuvent pas l’être par un autre pays. Mais on ne peut pas sélectionner pour sélectionner, c’est le joueur qui choisit en avançant, sans parler de l’environnement familial. Ça ne doit pas être un débat, ça fait partie de la liberté de circulation des joueurs comme des employés dans l’Europe ou dans le monde.
– L’équipe de France est allé en Amérique du Sud. A quand une tournée en Afrique ?
– Ça fait longtemps qu’elle n’y est pas allée. Mais il ne faut pas se voiler la face, lorsqu’on fait des tournées c’est parce qu’il y a un intérêt économique très important. Je ne vais pas dire qu’aller en Afrique rapporte moins d’argent mais… Il y a une question de dates aussi. La période de juin est utilisée par tous les pays africains pour leurs matches de qualification alors que nous ne jouons pas habituellement à cette époque.
– Et pourtant, les Bleus ont beaucoup de supporters en Afrique. Le trophée des champions a été un succès cette année à Libreville…
– J’y suis allé deux fois avec Marseille aussi… Mais ce n’est pas moi qui m’occupe du planning de l’équipe de France. Mais pourquoi pas ? Le football français est très présent en Afrique et les joueurs africains sont très présents dans le championnat français. Cette proximité fait partie de notre culture footballistique et aussi sur notre culture en général.
– Un sujet qui passionne aussi nos auditeurs est le duel Messi-Cristiano Ronaldo. Si une fée vous permettait d’en choisir un des deux pour l’équipe de France, vous prendriez lequel ?
– J’ai Franck Ribéry et il est français.
– Votre tournée sud-américaine vous a permis de voir de près comment la Coupe du monde se prépare au Brésil. Vous prévoyez une belle fête ?
– On prévoit d’y aller. Après, tout est en construction, il y a de beaux stades et qui dit Brésil dit pays du football avec un esprit festif. Donc tous les gens qui pensent à la Coupe du monde ont tous envie d’y aller. Il faut que nous y soyons aussi ! »

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