Censure

Gouverner autrement : Quelle place pour les Inspections Générales sectorielles ? (Par Kerfalla Sylla)

Gouverner autrement, nette amélioration de la présence et surtout de la ponctualité des Cadres et agents dans l’administration publique !

Depuis le début de son nouveau mandat, M. le Président de la République, avec sa nouvelle orientation « gouverner autrement » ne cesse d’insister sur l’efficacité de l’administration à travers le renforcement des contrôles et l’atteinte des résultats. Les visites surprises dans les départements, les signatures des contrats de performance par les régies financières et leurs audits, les files d’attente créées par les VA (véhicules administratifs) avant 7h00 du matin sont les preuves éloquentes de ce changement. Comme quoi il suffit de peu pour que le guinéen amorce le changement.

D’ailleurs, dans un précédent article (voir https://www.guinee7.com/reforme-sinspirer-des-bonnes-pratiques-pour-plus-defficacite-et-de-modernite-de-ladministration-guineenne/)  j’avais insisté sur la nécessité de s’inspirer des bonnes pratiques et sur l’évaluation périodique des services publics et des agents publics pour juger de leurs efficacités. Les changements prônés par M. le Président s’inscrivent dans cette dynamique.

Aussi, depuis les sorties de M. le Président, nous constatons dans les différents départements les visites régulières de l’Inspection Générale de l’Administration Publique (IGAP) pour contrôler la présence effective des Cadres et agents à leurs postes. Alors, à la fin des visites de M. le Président et de l’IGAP, comment empêcher le retour aux anciennes pratiques ?    

Pourquoi réinventer la roue alors que c’est l’une des plus grandes inventions de l’histoire de l’humanité[1] ?

En réalité, pour accompagner cette nouvelle donne et l’instaurer dans la durée, il existe déjà dans l’administration publique (au moins dans tous les Ministères) tout un arsenal réglementaire et un service qui aurait pu être garant de l’évaluation et de l’efficacité des agents et services publics. Il s’agit des Inspections Générales sectorielles.       

Les Inspections Générales sectorielles, parents pauvres de l’administration publique, avec des moyens mis à leurs dispositions, pourraient contrôler les présences (indépendamment de l’IGAP), évaluer les services et politiques publiques, suivre les contrats de performance signés et surtout remonter les informations (à travers des rapports d’Inspection) aux Hautes Autorités du pays. Pour cela, il faudra renforcer leurs fonctionnements, autonomies et rôles dans la promotion de la bonne gouvernance. Bref, les mettre au centre du « Gouverner autrement ».      

Peut-on gouverner autrement sans renforcer les corps de contrôle et d’Inspection ?

L’amélioration du fonctionnement des Inspections Générales sectorielles consiste à leurs doter d’attributions claires et surtout à préciser par un acte officiel leur positionnement dans l’organigramme d’un Département ministériel.  

En effet, contrairement aux Inspections Générales intersectorielles (IGAP, IGF), la plupart des Inspections Générales sectorielles n’ont pas d’attributions officielles approuvées par Décret ou Arrêté. Celles qui en n’ont, disposent de vieux textes qui ne sont plus en phase avec une administration moderne et surtout avec l’évolution des Cadres réglementaires. Il existe donc un flou volontaire ou involontaire sur leur positionnement dans l’organigramme des départements. Les Inspecteurs Généraux ont quel rang par rapport aux autres Cadres ? En l’absence de repartie administrative officielle, la réponse à cette question dépend du bon vouloir des Ministres. 

Cette situation (sans attributions, sans positionnement hiérarchique) affaiblie considérablement les Inspections Générales sectorielles qui ne disposent d’aucun texte à opposer à leurs assujetties. Nul doute, qu’avec les nouvelles orientations du gouvernement, cette double peine va être résolue.

Quant à l’amélioration de l’autonomie des Inspections Générales sectorielles, elle vise à les doter de moyens financiers adéquats et répond à la problématique de leurs liens avec d’autres services y compris avec les responsables des Départements : les Ministres. Ils sont les destinataires des rapports d’Inspection donc garants de la mise en œuvre des recommandations desdits rapports. En outre, ils sont signataires des ordres de mission donc cautions de l’exécution desdites missions. Cette double dépendance ne garantit pas l’exécution des travaux des Inspections Générales et la mise en œuvre de leurs recommandations.

C’est pourquoi ce double lien doit être revu : d’une part, les Inspections Générales doivent avoir la possibilité de déclencher des missions sans l’aval des Ministres (signature des Ordres de mission par les Inspecteurs Généraux) et surtout leurs recommandations doivent simultanément s’adresser à d’autres Autorités (Présidence, Parlement, Primature, Cour des Comptes, Inspection Générale d’Etat, etc.) ayant la possibilité de juger de leurs mises en œuvre. L’objectif final étant que, sans aucune possibilité d’appel ou d’arbitrage, les Ministres ne soient les seules Autorités devant décidés de l’exécution d’une mission et de la mise en œuvre des recommandations d’un rapport. 

En outre, pour remettre les Inspecteurs Généraux au centre de la promotion de la bonne gouvernance (objectif ultime du gouverner autrement) dans les administrations publiques, il faut juste veiller au respect de leurs champs d’intervention. S’il n’existe aucun doute que leurs compétences doivent être élargies à l’audit et à l’évaluation des services publics, il faudrait forcément qu’ils couvrent les dépenses publiques et les établissements publics à caractère administratif (indépendamment de l’IGF).  C’est ce dernier point qui est sujet à interprétation.

Les Inspections Générales sectorielles doivent t’elles couvrir les pools financiers et les EPA ? et si on tranchait au haut niveau ?       

En réalité, il ne devrait pas avoir de discussion sur l’intervention des Inspections sectorielles à ce échelon. En interprétant les textes dans le sens de l’amélioration des services publics, on comprend aisément que la LOLF (une Loi) leur en donne l’autorisation. Même s’il existe d’autres textes de niveau inférieurs ou plus anciens (Décrets ou Arrêtés) qui disent le contraire.  

En effet, l’article 75 de la Loi organique relative aux lois de finances stipule « …Le contrôle administratif est le contrôle de l’administration sur ses agents, incluant le contrôle interne à priori, concomitant et à posteriori. Il est exercé par voie hiérarchique, par le contrôle financier, par le comptable public, par l’Inspection Générale des Finances, ainsi que par tout autre organe ou service de contrôle interne… »

Il suffit juste de faire comprendre à tous que l’expression « tout autre organe ou service de contrôle interne » inclut les Inspections Générales sectorielles.Malheureusement même « gouverner autrement » ne pourra changer ceux qui lisent les textes dans l’autre sens.  

Pour ceux qui veulent bien lire, l’article 67 du Règlement General sur la Gestion Budgétaire et la Comptabilité publique est encore plus explicite « Sans préjudice des pouvoirs de l’Assemblée Nationale, les opérations d’exécution du budget de l’Etat sont soumises à contrôle interne et contrôle externe.

Le contrôle interne est exercé par l’administration sur ses agents. A ce titre, il est qualifié de contrôle administratif.

Le contrôle administratif est exercé par le contrôleur financier, le comptable public et les inspections ministérielles. Il peut comprendre des contrôles à priori, concomitants et à posteriori.

Le contrôle juridictionnel est exercé par la Cour des comptes. »

Enfin, pour répondre à la question du début, les Inspections Générales ont leur place et sont au cœur du Gouverner autrement. Il suffit juste que chaque partie prenante respecte ses prérogatives. Et surtout les doter d’attributions, de moyens et veiller à la publication de leurs rapports d’inspection. Car l’article 73 du Règlement General sur la Gestion Budgétaire et la Comptabilité publique rappelle « Les missions d’inspection, de vérification ou d’audit exercées par toutes les inspections ministérielles et interministérielles doivent concerner notamment les questions financières, budgétaires et comptables.

…Les rapports produits à la suite de leurs différentes missions par les inspections, accompagnés des réponses des services, sont rendus publics, sauf ceux touchant à la défense nationale. »


[1] « Il y a eu trois grandes inventions depuis le commencement des âges : le feu, la roue, la Banque Centrale. » W. Rogers

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