Censure

La chronique de Mamadou Dian Baldé : Kassory peut-il casser la baraque ?

Le directeur de publication de L’Indépendant-Le Démocrate, Mamadou Dian Baldé a consacré sa chronique  de ce  dimanche au grand oral du Premier ministre chef du gouvernement Dr Kassory Fofana devant l’assemblée nationale. Discours qui annonce un changement de méthode de gouvernance, avec un fort  accent qui sera porté d’après lui, sur la moralisation de l’administration publique et l’amélioration des conditions de vie des populations. La récente sortie sans « filtre » du général Sékouba Konaté chez nos confrères de radio espace, ainsi que la hausse du prix des carburants à la pompe, figurent aussi parmi les sujets abordés dans cette chronique.

Chronique qui vous est  servie tous les dimanches sur City fm, en avant-première de l’émission « A vous de convaincre ».  

Talibé Barry: Bonjour Mamadou Dian, ça faisait un bail. Nous vous souhaitons bon retour, avec votre chronique consacrée à l’exégèse du discours de politique générale du Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana. Vous croyez, vous, à ce changement de paradigme promis par  le chef du gouvernement?

Mamadou Dian Baldé : Avec cet exécutif, j’ai appris à être comme Saint Thomas, ne croire que ce que je vois. Car ce gouvernement depuis huit ans, nous en a mis plein les oreilles sur des promesses de lutte contre la corruption et l’impunité. Mais en vain.

On attend de voir ce que la méthode Kassory nous réserve. Le Premier ministre, il faut le préciser, s’est engagé à opérer un grand virage en portant le fer contre le système de gouvernance à la godille, lors de son grand oral devant le parlement.

Il compte pour se faire, mettre  un accent fort sur la lutte contre la corruption, le talon d’Achille d’Alpha Condé.

A entendre Dr Kassory Fofana, on voit bien qu’il veut redonner une nouvelle direction  à la vision politique du chef de l’Etat, tout en demeurant fidèle aux fondamentaux de sa gouvernance.

Pour  mener à bien cette mission avec son équipe, leur bréviaire demeure bien entendu  le Plan national de développement économique et social (PNDES). Qui selon le Premier ministre prend en compte ‘’le programme économique. Et constitue un instrument susceptible de donner une nouvelle impulsion à la politique de développement de la Guinée.’’

Dr Kassory Fofana a reconnu toutefois que ‘’notre pays est à la croisée des chemins, avec de nombreux défis qui restent à relever sur les plans économique, politique et social.’’

Des défis que je qualifierai de dantesques, dans un environnement marqué par la corruption et l’impunité qui en découle.

Pour illustrer le fléau de corruption qui gangrène notre administration publique, Kassory cite  ‘’le rapport 2011 de l’Agence Nationale de Lutte contre la Corruption, repris par celui de 2017, qui estime le volume des pots de vin pour la Guinée à 600 milliards de francs guinéens, en moyenne chaque année.’’

Le Premier ministre reconnait dans la foulée qu’il ‘’ne saurait y avoir de développement économique viable sans une lutte conséquente contre la corruption.’’

Il promet donc de placer au centre de l’action gouvernementale ‘’la lutte contre la corruption pour traduire dans la réalité la vision du Chef de l’État pour une gestion parcimonieuse des finances publiques, de façon à investir plus efficacement dans l’amélioration des conditions de vie des populations.’’

Ce discours a certes eu un écho favorable au sein d’une partie de l’opinion. Mais les Guinéens sont fatigués qu’on leur pompe l’air, à chaque fois que les gouvernants prennent la parole. Comme pour dire que le temps n’est plus aux débats spécieux. Cela le Premier ministre doit l’intégrer.

Contrairement à ses prédécesseurs qui avaient l’échine souple, Kassory est considéré par son entourage comme un casse-cou, qui sera à la hauteur de la mission qui lui est assignée.

On verra bien comment il va ferrailler contre les lobbies et autres clans qui pompent notre fric. Une pieuvre dont les tentacules  s’étendent jusqu’à la présidence de la République.

Sékouba Konaté remue le couteau dans la plaie

Il y aussi la récente sortie du général Sékouba Konaté, sur radio espace, à partir de Paris où il réside désormais. Vous, vous pensez que l’ancien président de la Transition n’a fait que remuer le couteau dans la plaie?  

L’entretien accordé récemment  à radio espace fm,  par le général Sékouba Konaté, continue d’alimenter la polémique dans la cité. On y voit en effet, l’ancien président de la Transition  descendre en flammes le chef de l’État, en le qualifiant de président « soi-disant élu », qui a  déçu les espoirs de tout un peuple.

Ces propos venant de l’ancien président de la Transition, qui a eu la lourde charge d’organiser l’élection présidentielle, ayant favorisé la transmission du pouvoir exécutif à un gouvernement civil, ne peuvent que soulever des interrogations  sur ce scrutin de 2010, dont des zones d’ombre subsistent encore.

Cette sortie du général Sékouba Konaté ressemble bien à un mea-culpa, pour sa gestion de cette transition qui s’est faite de manière pas tout à fait catholique. Avec des soupçons de corruption qui continuent de peser sur sa personne. Et le fait de passer aux yeux de l’opinion pour quelqu’un qui aspire au lucre, ne plaide pas en sa faveur.

Sékouba Konaté reproche surtout à Alpha Condé de ne pas être un ‘’homme de parole’’. Ce qui laisse supposer qu’entre les deux personnalités, il a pu bien avoir un ‘’deal’’. Contrairement à ce que ses détracteurs pourraient penser, le général Konaté  n’avait pas l’air d’avoir du vent dans les voiles, lors de cet entretien vérité.

Pour couper court, il faut retenir que l’ancien président de la Transition s’est montré très sceptique sur l’avenir de la Guinée. Il va jusqu’à dire que la nomination de Kassory Fofana à la Primature n’apportera pas le changement attendu par les Guinéens.

Avec le recul, il se rend finalement compte que notre pays n’a pas connu d’évolution en matière de gouvernance, ce depuis 58. C’est toujours le même système oligarchique.   

Sékouba a sans doute voulu à travers cette sortie, faire son mea-culpa, pour les « péchés » commis durant la transition. Mais si cette démarche visait à faire pleurer dans les chaumières, il faut dire  qu’elle est vouée à l’échec. Il n’y a qu’à voir sur les réseaux sociaux, où des citoyens se sont répandus en invectives contre le général, pour comprendre à tel point les gens en ont gros sur le cœur contre sa personne.

Il aurait donc mieux fait de se taire, à mon avis, que de remuer le couteau dans la plaie.

Hausse du prix des carburants : ça risque d’exploser à la figure du gouvernement

L’augmentation des prix à la pompe est pour vous une décision qui tombe mal et qui pourrait précipiter la fin de l’état de grâce pour le Premier ministre et son gouvernement ?

L’explosion du prix des carburants à la pompe survenu ce 1er juillet risque d’atteindre le gouvernement  en pleine  figure. Cette mesure impopulaire cristallise déjà les mécontentements des citoyens.

Politiques et société civile ont de concert, dénoncé cette hausse qualifiée « d’unilatérale ».

Ce dimanche, à la faveur d’une réunion d’urgence qui s’est tenue  à son siège, le  réseau Convergence des Jeunes Leaders pour la Paix et la Démocratie (CoJeLPaiD), d’Abdoul Sacko a lancé un appel pour la mise en place d’un front commun de refus de ce diktat.

Le mouvement syndical aussi doit se retrouver ce lundi pour décider de la conduite à tenir face à cette hausse des prix des carburants qui vient grever le budget des ménages.

Voilà qui risque de raccourcir la période de grâce des 100 premiers jours du gouvernement Kassory.

L’argument brandi par le  gouvernement, relatif aux pertes accusées sur la TSPP (Taxe sur les produits pétroliers) qui s’élèveraient à près de mille milliards de francs guinéens, sur la période allant d’octobre à juin, ne tient pas la route.

Et les citoyens sont unanimes à penser qu’il revient plutôt à l’état de réduire son train de vie, en  serrant la vis dans tous les ministères et autres régies financières, afin d’utiliser nos ressources de manière judicieuse. Au lieu de faire payer aux  populations pour ses erreurs qu’il  a commises, dans la gestion des deniers publics.

A cette allure, on ne peut blâmer les enseignants qui réclament un salaire de base de 8 millions de nos francs.

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