Censure

La différence fondamentale entre le FNDC et les mouvements sociaux de 2007… (Par Ibrahima S. Traoré)

En janvier 2007, sous la houlette de Rabiatou Serah Diallo et de feu Ibrahima Fofana, tous deux leaders syndicaux, toute la Guinée ou presque a battu le macadam pour exiger une meilleure gouvernance économique, politique et sociale. Le tandem Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG)/Union syndicale des travailleurs de Guinée (USTG), porté par un peuple en colère, réussit après plusieurs semaines de manifestations ininterrompues et intenses, au prix de plusieurs dizaines de morts (dont 135 tués rien que le 22 janvier 2007, selon les ONG), à faire plier le président Conté et lui imposer un nouveau gouvernement, sous les vivats d’une foule… naïve et hystérique !

A l’heure du bilan, force est de reconnaître que la montagne a accouché d’une… fourmi, tant ce ‘‘changement’’ a été un feu de paille. Mais le fait de faire courber l’échine au vieux général grabataire était une victoire de la ‘‘société civile’’. Victoire faite de larmes et de sang ; victoire tout de même !

Près de 13 ans après, Abdourahmane Sanoh, Sékou Koundouno, Foniké Mangué, etc., tentent de faire revivre l’expérience de la deuxième moitié des années 2000. Au sein du Front national de défense de la constitution (FNDC), sans grande réussite pour le moment, ils tentent de soulever toute la Guinée contre le président Alpha Condé. Alors question : pourquoi ont-ils (pour le moment) du mal à faire bouger les lignes ? Tentative de réponses. 

  1. La personnalité des leaders.

Rabiatou Serah Diallo et Ibrahima Fofana avaient une forte personnalité dans le milieu syndical, donc de la société civile. Ils étaient écoutés de leurs mandants qui croyaient dur comme fer à la sincérité de leur lutte. Ce qui n’est pas du tout le cas de Sanoh et Cie. Et c’est le moins que l’on puisse dire, et pour cause !

2. Combat d’arrière-garde.

Si Rabiatou Serah et Ibrahima Fofana pouvaient se targuer d’avoir mené de manière autonome (du moins officiellement) leur combat, les membres du FNDC issus de la société civile ne peuvent en dire autant. Ils ont mis publiquement la ‘‘société civile’’ au service de la société politique qui plus est, uniquement constituée d’opposants radicaux. Ces derniers sont affichés au premier plan et du point de vue d’un Guinéen qui ne partage pas leur projet, se présentent les traits d’un lutteur qui veut avoir la victoire sur son entraineur pour se consoler de sa défaite dans l’arène. En clair, cette fusion entre ceux qui se présentent comme des leaders de la société civile, avec les politiciens, confère un caractère éminemment politique, donc partisan à la lutte du FNDC. L’objectif de la lutte (qui d’ailleurs est mal défini), devient essentiellement partial. Le FNDC apparait donc comme une machine de guerre politicienne logée dans une coque de la société civile. Dans ce cas, il va sans dire que les partisans du président Condé auront du mal à se mettre dans une lutte qui ne vise que leur champion. Autant dire que le FNDC mène un combat d’arrière-garde.

3. Problème de légitimité.

Si en leur temps, Serah et Fofana avaient drainé dans la rue 31 préfectures sur 33 (mêmes des fiefs de Conté avaient suivi le mot d’ordre), c’est parce que justement, il y avait moins de teinte politique imprimée sur leur engagement. Aujourd’hui, le FNDC ‘‘mobilise’’ presque exclusivement dans les fiefs du principal parti de l’opposition. Pourquoi ? L’évidence crève les yeux.

4. Déficit d’images

Le FNDC est constitué de bric et de broc et, à quelques exceptions près, ceux qui se présentent comme ‘‘leaders’’ représentant la vitrine du mouvement sont perçus comme des plaisantins. Rares sont les Guinéens qui, partageant ou non les options du FNDC, seraient près à confier leur destin à ses leaders. C’est la dure réalité d’un mouvement qui compte sur des actions d’éclats ponctuels, les réseaux sociaux et les ‘‘cadres’’ mécontents d’avoir été mis à l’écart de la mangeoire pour exister. Ce sont nombre d’entre eux qui usent à fond de leur capacité d’exagération pour provoquer un mouvement de mobilisation extérieur qui pourrait les ramener à la vie. Et ce n’est pas drôle !

Il est également remarquable de constater le caractère diffus des objectifs réels du FNDC dont la stratégie affiche des limites évidentes. Plusieurs semaines après le début de leur mouvement, on est en droit de se poser des questions sur le projet et la vision de cette forme d’anarchie qui va inéluctablement, et malheureusement droit dans le mur.

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