Censure

Le destin paradoxal de l’UFDG ou l’incapacité chronique d’une grande formation politique à conquérir le pouvoir (Par Dr Sidiki Cissé)

Dans la foulée de la libéralisation  de l’espace politique en Guinée  à partir de 1991, l’UFDG (Union des Forces Démocratiques de Guinée) fut ressuscitée de ses cendres en 2017 par son président fondateur, Amadou Oury Bah, communément appelé Bah Oury, suite à un conflit interne au sein de l’UFD (Union des Forces Démocratiques) dont il fut le premier Secrétaire Général à sa création en  septembre 1991. Quelques années plus tard, il sera exclu de  l’UFDG,  sous le règne  de  l’actuel Président du parti, Elh Mamadou Cellou Dalein  Diallo .

Disons le tout de suite et tout net : l’UFDG, version Bah Oury, n’est en rien comparable à celle  de Cellou Dalein , en terme d’audience et de notoriété ; la première, sans véritable assise électorale, se fera connaitre surtout par  un activisme politique quelque peu débordant. Cela aura d’ailleurs conduit à l’interpellation, puis à  la mise en résidence  surveillée pour quelques temps, de Mr Bah Oury,  premier  dirigeant de l’UFD  à cette époque, accusé d’ une improbable ’’tentative d’assassinat’’ contre le Général Lansana Conté en octobre 1992, par le biais du jeune Ahmadou  Lélouma Diallo; la seconde UFDG se distingue elle  par un potentiel humain, financier et matériel  qui fait d’elle  l’une des formations politiques les plus puissantes du pays.

Il  aura fallu la prise en main de l’UFDG originelle en  octobre 2002 par le doyen Bah Mamadou qui lui insufflera le dynamisme, la combativité et la détermination de la défunte UNR (Union pour la Nouvelle République), pour que cette formation, naguère partie intégrante du lot des nombreux partis de décoration,  accédasse au club très fermé des partis qui  pèsent  dans le paysage politique guinéen.

Toutefois, il convient de préciser que  cette grande machine à mobiliser des foules déterminées jusqu’au sacrifice suprême, est l’œuvre de Mamadou cellou Dalein Diallo, quand il prendra les rênes du parti  le 15 novembre  2007, avec la bénédiction  du doyen  Bah  Mamadou.

En dépit de cette formidable capacité de mobilisation, pourquoi l’UFDG peine -t-elle toujours à  occuper le très convoité fauteuil de SEKHOUTOUREYA ?  Moult tentatives d’explications, aussi valables les unes que les autres, sont données pour expliquer ce  apparent paradoxe.

 L’Influence maléfique des idéologues de l’alternance ethnique

Par une fumeuse théorie de l’alternance ethnique  pernicieusement assaisonnée à la sauce d’un ‘’suprémacisme‘’ douteux,  ces idéologues du diable auront réussi à convaincre, puis à  formater l’ esprit  d’un nombre important de nos compatriotes , en leur faisant croire que la démocratie est une question de tour ethnique; pour atteindre cet objectif, distillent- ils ,  tous les moyens devront donc être mis en œuvre, avec ou sans l’appui des autres composantes nationales. Une véritable utopie  au regard de la composition socio- politique du pays !

Malheureusement, les discours  victimaires de ces prophètes malfaisants, ainsi que la non élucidation des  nombreuses tueries perpétrées  dans la zone de l’Axe,  serviront de ferments à l’éclosion, au développement et au renforcement  du sentiment d’injustices ressenties par une  partie de nos compatriotes.

Une position ambivalente

L’illustration la plus parfaite de cette position sera donnée par l’attitude  ambivalente du parti face à 2 évènements  qui ressortent pourtant de la même veine:  son opposition catégorique et violente au  double  scrutin du 22 mars 2020, et une participation massive, bruyante et colorée au scrutin du 18 octobre 2020. Cette attitude lui  vaudra le manque de soutien de bon nombre de ses partenaires au sein  du FNDC, et le départ de plusieurs de ses militants désabusés par cette inattendue volte face.

Le  recours  abusif  aux incommodantes  manifestations de rue

« Si Alpha  Condé ne reconnait pas sa défaite dans les urnes, nous allons la lui démontrer dans la rue », dixit  Elh Cellou Dalein Diallo, candidat de l’UFDG  à la présidentielle du 18 octobre 2020.

Une telle déclaration, faite avant même le vote, prouve à suffisance  que la rue reste l’option privilégiée par le Président de l’UFDG pour la résolution des différends politiques.

Si les manifestations de rue  démontrent indiscutablement la grande capacité de mobilisation et de nuisance de l’UFDG, il est  cependant surprenant  et navrant de constater que cette formation ne se rende pas  encore compte  que ces mobilisations, souvent accompagnées de violences inouïes, la desservent plutôt qu’elles ne la servent. 

L’image  d’apocalypse observée le long de la route  le Prince après l’auto proclamation   du candidat de l’UFDG (lampadaires solaires arrachés, massacre des gendarmes accompagnateurs du train minéralier de Russal, ainsi que les tueries et autres actes  criminels), est loin de séduire la majorité de nos compatriotes sur la nécessité et l’utilité de tant de violences comme moyens de revendications  politiques.

Une indifférence quasi générale des autres composantes de la communauté nationale

Mieux que toutes  les campagnes  de propagande,  quelques constats indiscutables suffisent, à eux seuls,  pour prouver l’indifférence, et  voire même la méfiance de l’écrasante majorité des Guinéens par rapport aux interminables marches de protestation déclenchées par l’UFDG :

Les  manifestations et leur cortège de violences  se déroulent très généralement dans les strictes limites des fiefs électoraux  du parti, à Conakry et  à l’intérieur du pays.

La quasi-totalité des victimes, blessés ou tués, portent les patronymes  caractéristiques d’une seule et unique région de notre pays. Pourquoi  l’extrême  rareté des patronymes des autres régions alors que les manifestants sont supposés provenir de toutes les composantes nationales ?

Pourquoi les Traoré, Camara, Soumah , Bangoura , Loua, Léno et autres sont ils  si  cruellement  rares parmi les manifestants appréhendés, blessés ou tués ?

Pourquoi , hormis Ratoma, les  autres communes  de Conakry  sont si étrangement calmes lors des manifestations de  l’UFDG ?

Il est absolument  hors de  doute que si les manifestants de l’Axe avaient bénéficié  dans leurs  agissements du soutien, ne serait ce que de quelques quartiers des  communes de Matam, Matoto, Dixin et Kaloum , il y a longtemps que la situation  aurait déjà tourné en  faveur  de ce parti ; il est donc  temps  de cesser de se tromper et de tromper l’ opinion nationale et internationale en assimilant la foule des marcheurs d’un parti politique à celle de tout un peuple.

L’UFDG  a le potentiel nécessaire mais non suffisant pour arriver un jour à  SEKHOUTOUREYA. Pour y parvenir, elle devra, comme n’importe quelle autre formation politique, obligatoirement  intégrer  ces 3  données fondamentales  dans le domaine de la politique dans notre pays :

La démocratie n’est pas une question de tour ethnique, pas en Guinée en tout cas.

En Guinée, les manifestations de rue , violentes ou pas, ne conduiront jamais au pouvoir.

Pour gagner les élections dans notre pays, il faudrait avoir l’appui  d’au moins 3 régions sur 4.

Qu’Allah le tout  puissant inspire  les dirigeants de l’UFDG et guide  leurs pas  sur  le chemin des bonnes pratiques  démocratiques, les seules à pouvoir  leur ouvrir un jour  les portes du prestigieux  palais SEKHOUTOUREYA !

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