Censure

Nabayagate/ Explications du ministre du Budget : Les trous d’air qui laissent sceptiques

Il faut tout de suite reconnaitre au ministre du Budget, Ismaël Dioubaté, le mérite de vouloir éclairer la lanterne des journalistes dans l’affaire de présumé détournement qui défraie la chronique depuis quelques jours.  Contrairement à son homologue de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle, principale accusée, Zenab Nabaya Dramé qui, met plus d’énergie à tenter de mystifier les journalistes par des phrases creuses et des jérémiades qu’à « prouver » son innocence- En attendant, pour le moment tout au moins, elle n’a daigné répondre à aucune de nos questions !

Cependant la volonté du ministre du Budget suffit-elle à elle seule à tirer l’affaire au clair ? Voyons.

Face à la presse, jeudi 10 décembre, le ministre tente « l’exercice très très difficile et compliqué » (sic) de sauver la soldate Nabaya. Selon le ministre du Budget, le ministère de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle a bénéficié d’une rallonge budgétaire, pour permettre la distanciation physique lors des examens. Car « l’enseignement technique pour chaque salle d’examen mettait 30 candidats par salle en 2019. Pour respecter les barrières sanitaires, on a mis 15 candidats par salle. Ce qui signifie automatiquement que le nombre de centres va augmenter par deux ; on va augmenter le nombre de correcteurs par deux ; on va augmenter le nombre de superviseurs par deux. Et l’autre aspect, c’est que les surveillants qui devaient aller à l’époque pour surveiller les examens, ont demandé de rehausser un tout petit peu les primes de transport. Parce qu’à l’époque, on disait qu’on prenait 3 par taxi. C’est ce qui a amené à accorder un crédit supplémentaire de 15 milliards à l’enseignement technique, qui fait 43 milliards et quelques ».

Contactés par guinee7.com, plusieurs surveillants, encadreurs d’écoles techniques et correcteurs, démentent ces propos du ministre Dioubaté. Les salles d’examens étaient bondées. Voir ci-dessous les photos d’un centre d’examen que nous avons couvert à Labé.

A Conakry, nous disent des personnes interrogées, « les élèves étaient à 30, 50, voire 80 dans les salles ; parfois c’est des amphis qui ont servi de salles d’examens ». Du coup rien n’aurait été multiplié par deux pour justifier les dépenses supplémentaires. Les surveillants interrogés disent n’avoir pas bénéficié d’augmentation de primes, non plus.

Par ailleurs, avait-on besoin de multiplier le nombre de correcteurs par deux dès lors que le nombre de copies (le nombre d’élèves qui font l’examen) n’a pas changé ? Il faut évidemment plus d’imagination pour justifier l’injustifiable !

Dans un de nos articles, nous rappelions les difficultés pour madame la ministre de justifier un trou béant dans le budget alloué à l’organisation des examens. Le ministre du Budget semble le faire à sa place. « Je tiens à préciser que l’activité n’est même pas exécutée totalement. Parce que la première phase des examens a été effectuée au mois de juillet et la seconde phase va être au mois de décembre, pour les concours d’entrée. Donc les 43 milliards ne sont mêmes pas encore totalement dépensés. Parce que l’activité est en cours », a juré Ismaël Dioubaté.

Seulement voilà. Tous les examens –y compris les examens d’entrée-, de l’année scolaire 2019/2020 sont bouclés. Aucun des directeurs d’écoles professionnelles et techniques interrogés par guinee7.com n’a connaissance de ce fameux examen programmé pour décembre. Si cet examen existait, n’allait-il d’ailleurs pas être pris en compte par l’année 2020/2021 ?

Nous avons porté tous ces détails au ministre du Budget, en vue d’un commentaire. « Mieux vaut vous rapprocher du ministère de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle », a gentiment répondu Ismaël Dioubaté qui nous renvoie au même ministère pour le relevé de décaissement des 43 milliards destinés à l’organisation des examens.

Quid des 35 milliards accordés au ministère de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle pour l’équipement des centres de formation professionnelle de Siguiri, Kankan, Kouroussa et Nzérékoré ?

« Les 35 milliards sont sur le compte du payeur général du trésor. Parce que tout simplement, il y a une notion sacro-sainte en matière des finances publiques. C’est le service fait qu’on paie. Les matériels ne sont pas livrés encore, donc aucun montant n’est sorti. Toute la comptabilité est la même. La phase administrative et la phase comptable sont là. Mais il reste seulement les paiements. Mais, puisque le service fait n’est pas accompli, il n’y a de réception des équipements, il n’y aucune attestation de certification pour dire que ce qui est écrit dans les cahiers des charges sont conformes à la livraison, le montant est là-bas. Aucun franc n’est sorti sur ce montant. Vous pouvez vérifier ».

Question : a-t-on fait un appel d’offres pour sélectionner les entreprises ? « Elle (ministre Nabaya) m’a dit qu’elle a précédé par une consultation restreinte. Ce qui est admis par la loi », nous répond le ministre Dioubaté.

Autre question sur ce sujet : a-t-on pris de l’argent d’une rubrique budgétaire pour une autre ? « Il faut pour ça un décret que nous avions obtenu pour le faire », nous a-t-il confié.

Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com

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