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Qualification du système éducatif guinéen : un vrai challenge pour nos autorités politiques (Mamadou Safayiou DIALLO)

L’objectif de ce travail est de passer en revue les défis majeurs du système éducatif national. L’essentiel des statistiques utilisées dans cette analyse proviennent essentiellement du rapport d’Etat sur le système éducatif national en mai 2018. D’autres données recueillies au sein des Ministères de l’Education Nationale et du Plan ont été également utilisées pour les besoins de comparaison.

D’entrée de jeu, il faut rappeler que la Guinée reste dominée à part entière par un système éducatif médiocre et malade. Les maux qui gangrènent l’éducation guinéenne sont aujourd’hui innombrables et concourent tous à sa détérioration progressive et profonde. La preuve est que le taux d’alphabétisation se situe en moyenne autour de 40%. Cette situation n’est pas sans incidence sur le dernier classement de la Guinée suivant l’Indice de Compétitivité Globale 2018, où elle arrive respectivement au 133ème rang et 122ème sur 137 pays classés pour l’enseignement primaire et le supérieur. C’est pourquoi nous essayons à travers ce papier à expliquer à notre entendement, les principales causes de la détérioration du système éducatif national.  

A notre connaissance, l’une des causes de cette détérioration serait dû au comportement des parents. La plupart d’entre eux n’assument pas leur responsabilité en tant qu’éducateur. Nous tenons simplement à souligner que l’éducation commence tout d’abord en famille avant d’aller à l’école. Rares sont les parents de nos jours qui vérifient les cahiers de leurs enfants ou qui se rendent à l’école pour assister à la proclamation des résultats scolaires. Ils pensent qu’en dépensant de l’argent sous forme de frais scolarité dans des écoles privées ou encore des frais des révisions, le tour est joué comme une baquette magique. Les enfants sont parfois laissés à leur sort. C’est lorsqu’ils échouent qu’on essaie de situer les responsabilités.

Nonobstant, au lieu d’incriminer les parents, nous pensons à l’image de beaucoup d’autres guinéens que les élèves/étudiants sont les plus grands responsables de leur échec aujourd’hui car, rien ne dit que les parents, les enseignants ainsi que l’Etats ont indispensables pour leur réussite. Bon nombre d’entre eux ne fournissent aucun effort pour encourager les enseignants dans le cadre de leur activité. Beaucoup des cours sont dispensés sans qu’aucune question ne soit posée à la fin. Les apprenants passent tout leur temps sur les réseaux sociaux. Rares sont les écoles/Universités qui font redoubler les élèves ou étudiants afin de les pousser à doubler l’effort pour passer en classe supérieur. Tout ceci contribue à miner d’avantage notre système éducatif. Malgré tout, il y a cependant des bons élèves/étudiants qui créent parfois la différence car, soucieux de leur avenir.

Les enseignants ont aussi leur part de responsabilité dans la détérioration du système éducatif national. Mais, il existe une corrélation forte entre leur responsabilité et celle de l’Etat qui est censé les encadrer et assurer leur formation ainsi que le contrôle des activités quotidiennes via l’inspection.

Comme tous les autres acteurs, l’Etat a une grande part de responsabilité dans la situation que nous vivons actuellement. Il choisit les responsables qui font fonctionner le système éducatif national même si ce choix est parfois fondé sur la base de critères régionalistes, ethniques et électoralistes. Ce qui fait que bon nombre de ces dirigeants sont désignés non par leur compétence mais plutôt en raison de leur appartenance ou obédience politique. C’est pourquoi nous assistons sans cesse à un détournement des ressources dédiées au système éducatif de leur destination sans que les coupables ne soient inquiétés.

Dans le même sillage, l’Etat est quasiment absent au niveau du préscolaire. De nos jours, peu d’écoles maternelles privées jouent pleinement leur rôle. Malgré ces efforts, peu d’élèves arrivent à l’élémentaire avec un faible niveau. Ce n’est pas pour rien si les élèves d’aujourd’hui ont du mal à lire, écrire et compter en français.

Nonobstant, l’offre scolaire reste concentrée principalement dans 3 régions du pays que sont : Conakry 46%, Kindia 15% et N’Zérékoré 14%, soit un total de 75%. Ce qui veut dire que les autres régions du pays se partagent les 25% restantes. Cette situation est à notre sens non seulement déplorable mais aussi et surtout inacceptable. 71% des écoles primaires sont situés en milieu rural contre 35 % d’établissement du secondaire. Ce qui constitue une source potentielle d’abandon des enfants en milieu rural à la fin de leur cycle primaire car, ils parcourent des kilomètres pour suivre les cours.

S’agissant de l’enseignement technique et de la formation professionnelle, l’action de l’Etat reste et demeure encore très faible dans cet autre secteur. 80% des programmes enseignés ne sont pas en adéquation avec les besoins des entreprises. Ce décalage pourrait résulter principalement par le manque de liberté de choix laissé aussi bien aux offreurs qu’aux demandeurs de formation. C’est ce qui d’ailleurs, expliquerait surement le manque d’opportunités de stage et d’emplois.

Concernant le supérieur 61% des diplômés de l’enseignement supérieur contre 39% de ceux de l’enseignement technique et professionnel ne trouvent pas d’emploi. Cette situation s’explique en grande partie par l’insuffisance des ressources financières allouées au système éducatif.

De plus, la décision de nos autorités d’entrer dans le système LMD sans qu’aucune étude ne soit effectuée au préalable sur les tenants et aboutissants d’une telle mesure pose de nos jours problème. Force est de reconnaitre que dans ce système, centré essentiellement autour de la recherche, l’accès à la documentation de qualité est un défi majeur de la plupart de nos Universités publiques et privées (à date la Guinée compte 57 Universités privées dont 40 sont concentrées à Conakry. La création d’Universités privées a été motivée par les effectifs pléthoriques du public). C’est ce qui d’ailleurs compliquerait la tâche des étudiants sur les travaux d’exposés mais aussi celles des enseignants pour les recherches. De plus, acheter un livre coute très cher aux étudiants et enseignants.

Nous pensons que l’avenir de notre pays dépendra du système éducatif qui sera mis en place. Nous osons espérer que ce travail à l’image de tous les autres travaux réalisés sur cette problématique depuis la sortie des résultats des examens nationaux notamment le baccalauréat, aura un impact significatif sur les décisions de nos autorités et qu’il réveillera nos politiques, sur les véritables enjeux des réformes à entreprendre dans ce secteur délaissé à lui-même.

Pour remédier aux maux dont souffre notre système éducatif, nous proposons comme tout autre citoyen soucieux de l’avenir de notre pays, les solutions suivantes : i) réviser les textes régissant le système éducatif guinéen; ii) mettre en place un dispositif d’éducation gratuite et obligatoire pour les enfants de 4 à 18 ans ; iii) réduire progressivement la dualité existante sur l’offre scolaire ; iv) procéder à la formation des formateurs en vue de mettre enfin à la corruption en milieu scolaire et universitaire ; v) Multiplier les centres de formation technique et professionnel ; vi) réserver à l’Etat le monopole de certaines formations (mines, environnement, Ingénierie, santé…) ; vii) renforcer la législation de l’enseignement privé en vue de diminuer systématiquement le nombre d’Universités privées en Guinée ; viii) mettre en place des bibliothèques et centres de lecture multiformes ; ix) créer un cadre national certification et valorisation des diplômes ; x) améliorer les conditions de vie et de travail des enseignants ; xi) augmenter le budget alloué à l’éducation nationale.

Mamadou Safayiou DIALLO

Economiste, Enseignant-Chercheur

Membre du CRED

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