Censure

Remaniement ministériel, CENI, Sydia, 28 Septembre: Les vérités de Tibou Kamara

Dans l’entretien accordé récemment à la radio Espace.fm, le ministre d’Etat, conseiller personnel du Chef de l’Etat, Tibou Camara, a tenté d’expliquer le différend qui l’oppose au président de l’UFR, Sydia Touré. Il s’est aussi exprimé sur le récent remaniement ministériel intervenu en Guinée. Tibou Kamara est également revenu sur le massacre du 28 septembre, qui s’est déroulé alors qu’il était ministre conseiller de la junte militaire.

Vous affirmiez vers la  fin de la première partie que vous n’êtes pas de cette génération de Sydia Touré. Vous êtes d’une génération qui ne ment pas, alors par quoi se caractérise cette génération, la génération à laquelle appartiennent entre autre Sydia Touré, et pourquoi pas Alpha Condé lui-même ?

Moi, quand j’ai envie de parler de quelqu’un, je le cite en particulier. Moi je ne suis pas dans l’ambigüité. Comme je l’ai dit en ce qui concerne cette génération, je ne suis pas dans l’ambigüité, je ne suis pas dans la faiblesse morale ni dans la médiocrité intellectuelle. Vous savez, on a une génération d’hommes politiques qui pensent que faire la politique, c’est mentir aux autres, faire la politique, c’est manipuler, la conscience populaire et l’opinion politique dans le pays.

Je parle de cette génération, vous savez d’ailleurs, qu’on disait avant, que le meilleur politicien, c’est celui qui sait mentir. Non ! La politique, aujourd’hui, a changé de paradigme, a changé de repères. La politique, c’est la vérité et la sincérité.

Pourquoi vous avez cité nommément Sydia Touré ?

Vous savez si vous avez remarqué chaque fois qu’il y a une polémique dans la cité en ce qui concerne le débat politique, l’origine c’est toujours l’UFR. Et le centre de la désinformation dans notre pays, c’est Sydia Touré. Je vais vous donner un exemple personnel que j’ai vécu avec lui sans avoir le sentiment de trahir quelque secret que ce soit.

C’est par exemple,  alors que tout le monde sait que moi, je n’ai rien avoir avec le 28 septembre, d’ailleurs, je m’en suis démarqué contrairement à beaucoup aujourd’hui, qui en parlent et qui réclament justice. C’est M. Sydia Touré parce qu’il considère que je suis un obstacle pour son ambition présidentielle qui a voulu m’impliquer. Vous avez suivi ici l’assemblée générale de l’UFR qui a voulu m’impliquer dans le dossier du 28 septembre, simplement pour une question d’humeur et de caprice personnelles. Ça,  c’est un mensonge, un mensonge public allant dans le sens de nuire à l’honneur et la réputation voire même à menacer le droit et la liberté de quelqu’un. Vous pensez que ça, c’est de l’éthique, c’est de la morale dont on a besoin dans le débat dans notre pays ?

Vous êtes dans la même équipe M. le ministre…

Là aussi, vous allez  savoir la difficulté de l’homme. Officiellement, l’UFR est dans une alliance avec le RPG. C’est à ce titre que M. Sydia Touré a été nommé comme haut représentant de M. le Chef de l’Etat et qu’un de ces membres siège au gouvernement en tant que ministre de l’Elevage. Allié du pouvoir mais comportement d’opposant. Où vous avez vu ça dans notre monde politique ?

C’est une forme de collaboration dans l’exercice…

La collaboration même suppose la suggestion, alors que l’alliance veut dire un partenariat, mais le partenariat veut dire la confiance et la loyauté. Donc, c’est encore mieux que vous parlez d’allié que de collaborateur, parce que la notion de collaborateur renvoie à une soumission à la suggestion, alors qu’alliance veut dire : vous n’êtes pas d’accord mais vous décidez de mettre en commun vos efforts sur la base d’une vision commune et des valeurs que vous partagez pour aller de l’avant.  Un autre exemple parce que vous savez que c’est important que nous contribuons à la clarté dans le débat et à la vérité dans notre démocratie.

Vous avez vu M. Sydia Touré au congrès du RDR (parti d’Alassane Ouattara, président CI), il était fier de revendiquer d’avoir été un collaborateur d’Alassane Ouattara et se targuait d’être son ami. Dans ce studio, plus d’une fois, alors qu’il est dépositaire d’un décret du Chef de l’Etat, vous lui avez posé la question : est-ce qu’il est avec le Chef de l’Etat? Est-ce qu’il est son collaborateur ? Il n’a jamais voulu reconnaître qu’il était collaborateur du président Alpha Condé.

En quoi, c’est plus flatteur d’être un ancien collaborateur du président Ouattara que d’être le collaborateur actuel du Pr Alpha Condé? En quoi, c’est plus flatteur ? Si vous vous rappelez au temps du président Conté, le slogan de Sydia c’était «  Conté, Ton pied mon pied ». Maintenant avec Alpha Condé, je crois que le slogan ‘’c’est un pied dedans et un pied dehors’’.

Vous travaillez tous pour le président Alpha Condé. Maintenant qu’il y a des attaques à gauche et à droite, ce n’est pas le lieu en fait ?

Je comprends votre préoccupation mais je vais vous dire. Aujourd’hui, il y a des acteurs qui évoluent sur la scène politique et qui animent les débats et qui contribuent soit à éclairer notre opinion ou à l’abrutir davantage. Moi, ce que je veux, c’est de la sincérité dans le débat public, c’est la vérité dans notre démocratie, cela n’est pas un sujet banal, soyons dans la clarté.

Vous avez dit, vous êtes à l’origine de cette ouverture en ce qui concerne le président et la presse. Est-ce que l’ouverture dont vous parlez doit être circonscrite à certains acteurs politiques ou vous travaillez à l’élargir à tout le monde malgré quelques  sous-entendus, malgré quelques problèmes personnels ?

D’abord, je vais vous dire pourquoi il y a des problèmes. Vous avez parlé tout à l’heure des élections comme pour dire que nous allions à l’essentiel. Aujourd’hui, vous savez pourquoi il y a des problèmes dans notre pays et qu’il y a de blocage notamment dans l’accord politique et d’une manière générale des tensions entre les acteurs. C’est parce que dans la classe politique, vous avez ceux qui ont de problèmes avec Alpha Condé et puis vous avez ceux qui ont de problèmes avec Cellou. Ce qui fait que avec l’un ou l’autre, selon les circonstances et les mutations qui s’opèrent là aussi en fonction des intérêts et des circonstances des gouvernements, il y a une tension permanente parce qu’il y a ceux qui ont un problème d’un côté et ceux qui ont un problème de l’autre côté et naturellement, qui ne travaillerons jamais à ce qu’il y ait une solution entre les deux.

Voilà les difficultés que nous avons. Le président Houphouët Boigny disait que : les problèmes les plus difficiles auxquels on ne peut pas trouver de solutions, ce sont des problèmes de personnes. Malheureusement, il y a trop de problèmes de personnes dans notre pays et l’exemple vient d’être donné à travers la discussion que nous venons d’avoir. Il n’y a que d’ailleurs des problèmes de personnes. Personne n’est animé par l’idéal commun et ne travaille dans l’élan patriotique à ce que le pays soit en paix et aille de l’avant. Chacun s’occupe à l’autre avec la volonté de le nuire, de le détruire en considérant que ce n’est pas un homme qu’on tue ; c’est un obstacle qu’on élimine. Ce n’est pas un pays qu’on retarde, c’est un intérêt qu’on défend. Il faut qu’on aille de l’avant.

A vous entendre on comprend bien que vos différends avec M. Sydia Touré ne datent pas de ce propos vous concernant dans le dossier du 28 septembre. J’aimerais en savoir un peu plus là-dessus mais en même temps, quelqu’un qui est investi de la confiance du Chef de l’Etat parce ce qu’à ce jour, il est encore, haut représentant du chef de l’Etat. Vous voyez le professeur Alpha Condé avec tout ce qu’on sait de l’homme politique garder auprès de lui, un partenaire, un allié qui lui serait nuisible ?

Je pense que M. le président de la République a un devoir de rassembler, à un devoir d’appeler toutes les compétences et tous les talents qu’il juge nécessaire au succès de son mandat mais cela doit se faire et c’est là où moi j’essaie de faire le débat. Cela doit se faire dans la clarté, dans la sincérité de l’engagement et dans un minimum de loyauté vis-à-vis non seulement de lui mais aussi d’autres qui sont investis de sa confiance. Malheureusement, vous êtes aussi des observateurs attentifs et vigilants dans la scène publique guinéenne.

Je vous dis voilà quelqu’un qui est dans une alliance qui continue à se réclamer de l’opposition et qui a un comportement d’opposant. Moi personnellement, la conception que j’ai de la politique et simplement de la vie en générale, ce n’est pas cela. Moi j’aime la clarté si demain je décide pour une raison ou pour une autre, je ne me sens pas à l’aise avec le président de la république ou que je ne partage pas sa vision, je pars. On a le même problème avec le gouvernement, en privé, vous avez beaucoup de ministres qui vous disent combien de fois il serait peut être mal à l’aise par rapport à ceci ou à cela mais en public jamais ils n’ont assumé leurs points de vue et leurs divergences. Moi je ne suis pas pour cette lâcheté dans l’engagement public. Où vous êtes d’accord, vous restez, vous n’êtes pas d’accord, vous partez.

On ne peut pas rester et ne pas être d’accord ou alors agiter la menace d’une démission, mais la démission on ne l’annonce pas, elle s’apprend lorsqu’elle intervienne. Donc il faut sortir des ambigüités pour aller vers plus de clarté pour le respect de chacun d’entre nous mais aussi pour l’honneur de notre pays et d’une manière générale de l’élite parce qu’avoir un pied dedans quand ça t’arrange et avoir un pied dehors quand ça ne t’arrange pas et se réclamer d’un pouvoir lorsqu’on estime pouvoir en tirer un avantage mais le dénoncer lorsqu’on estime qu’ il y a une faiblesse qu’on ne peut pas assumer parce que cela nuirait à notre réputation.  Je trouve tout cela inutile lorsqu’on a des principes et qu’on croit à des valeurs.

En parlant de l’attitude de certains membres du gouvernement, cela nous amène à penser au mini remaniement. Il y a eu le cas de Siaka Barry qui a focalisé les attentions. Comment vous avez observé le départ de Siaka Barry, l’arrivée de Bantama Sow. Il y a aussi le limogeage de Jacqueline Sultan, remplacée à l’Agriculture par un des fidèles qui est Kiridi Bangoura. Est-ce qu’il n’y a pas une tendance à resserrer les fidèles autour du président Alpha Condé dans la perspective d’un projet éventuel ?

Pour baisser un peu l’intensité du débat, on va faire un peu d’humour politique. Vous savez comme quelqu’un l’a dit quand j’ai vu Siaka et tant d’autres lorsqu’ils quittent le gouvernement, je pense à cette phrase que j’ai lue comme ça il y a longtemps. Vous savez la condition d’ancien ministre, c’est toujours difficile. Alors l’image qu’on a donnée qui était frappante, est celle-ci : « être un ancien ministre, c’est s’asseoir à l’arrière d’une voiture et s’apercevoir qu’elle ne démarre pas».

Lorsque vous êtes dans les fonctions, vous êtes habitué à une certaine image, et certains avantages et conforts, et subitement lorsqu’on vous débarque, vous revenez dans la solitude du citoyen ordinaire. Et vous êtes confronté aux difficultés. Ça c’est la première chose. La deuxième chose, c’est un peu d’amusement aussi parce que le pays est un peu difficile lorsqu’il s’agit du sort individuel.

Personne n’a jamais posé la question pourquoi on le nomme ministre ? Parce que parfois il n’y a même pas de consultation mais tout le monde s’indigne qu’on l’enlève ministre, si on ne se demande pas pourquoi on te nomme, pourquoi tu vas t’indigner qu’on t’enlève, ce n’est pas logique.

Comment vous avez vu tout ça?

Sincèrement, ça me désole parce que la fonction de ministre ce n’est pas un métier, ce n’est pas un mérite particulier. C’est lui qui a pris la décision puisque ce n’est pas une élection. Le seul qui soit élu dont le mandat est connu, c’est le président de la république. On dit qu’il est élu pour un mandat de cinq ans. Mais on a jamais nommé quelqu’un ministre en lui disant qu’il  a un mandat dont la durée est connue d’avance. Regardez par exemple en Algérie, récemment le Premier ministre n’est resté en poste que pendant trois mois. Partout aujourd’hui il y a de remaniement c’est même presque devenu une épidémie.  Le Sénégal, il y en a eu, en Côte d’Ivoire il y en a eu, au Mali,  je crois qu’on est au quatrième Premier ministre depuis le début du mandat de cinq ans IBK. Donc, le remaniement fait partie du rythme et de la respiration normale de l’Etat et du pays.  Et  c’est une prérogative dont le président use avec tellement de fierté et de plaisir sans doute qu’il y a ce sentiment de vouloir changer le cours de destin de chacun.

Moi je pense que lorsqu’on est appelé au gouvernement, faut considérer comme une occasion de servir son pays. Lorsqu’on est remercié, cela ne veut pas dire qu’on est déméritant, peut-être le président parfois, est dans une  logique qui est discrétionnaire et qui lui permet de juger à un moment donné que quelqu’un lui est utile à ce poste et qu’à un autre moment, c’est un autre qui fait l’affaire et que plus tard, c’est X. Pourquoi  s’y offusquerait-on?

Parlant de la crise liée à l’organisation des élections communales avec les budgets  mais aussi le chronogramme des communales et le retrait de l’opposition du comité de suivi, vous n’allez pas nous dire que le retard est dû à une main noire de M. Sydia ou peut être de Malick Sankhon ?

Vous savez, il faut que chacun prenne ses responsabilités. Vous savez que le président de la république lorsqu’il y a eu la première crispation avait fait une déclaration officielle en réitérant son engagement à respecter les engagements issus de l’accord politique d’octobre 2016. Par la même occasion, il a invité chacun à prendre aussi ses responsabilités pour que le processus ne soit en aucun moment bloqué. Et moi en tant que conseiller, je ne suis pas un acteur du dialogue, je veille à ce qu’il y ait une compréhension entre les différents acteurs.

Je disais tout à l’heure que les difficultés qu’on a dans les débats politiques dans notre pays, c’est qu’ils tournent autour de deux personnes et des problèmes que chacun a avec ses deux personnes, ce n’est pas une vision de l’avenir. Ce n’est pas une préoccupation quotidienne des Guinéens. Ce n’est même pas le défi de la démocratie. Tout c’est par rapport au président Alpha Condé et le président de l’UFDG, Cellou. Le personnel politique lui-même gravite selon les circonstances et les intérêts entre l’un ou l’autre. Donc quand, c’est comme ça, c’est un peu difficile que le débat puisse avancer parce que les frustrations des uns et les intérêts des autres. Malheureusement, ils s’invitent souvent dans les principes et dans l’engagement commun au point de créer les crispations inutiles.

Sinon lorsqu’il y a eu la suspension de la manifestation ça coïncidé fort heureusement avec l’issue heureuse à la crise qui minait l’institution en charge des élections nationales. Et d’ailleurs, tout le monde a salué avec beaucoup de ferveur le communiqué de la CENI qui annonçait enfin la disponibilité d’un projet de chronogramme. Le manque de sincérité dont je parlais tout à l’heure parfois peu créer les malentendus considérables. La CENI annonce avoir un chronogramme qui est prêt mais qui n’a pas été dit. La CENI dit que le chronogramme est disponible mais on commence à le mettre en œuvre qu’en l’instant où nous disposons de notre budget, ça veut dire : pas de budget, pas de chronogramme. Une pression à donner de l’argent pour organiser des élections. Un chantage à l’opposition pour qu’elle puisse quand même revendiquer que cet argent soit disponible pour que les élections soient organisées.

Vous savez, il s’agit quand même d’un budget de 350 milliards. On a l’habitude de dire que nous avons les élections si ce n’est pas les plus chères au monde au moins les plus chères de la sous-région. Parce que vous imaginez pour organiser des élections communales, on dépense 350 milliards et comme par le passé tout le monde se plaint. Ce n’est un secret, c’est de la gestion un peu à l’aveuglette ce qui a d’ailleurs conduit à des secousses internes de la CENI. Donc c’était nécessaire puisqu’il s’agit de l’argent public, de ressources publiques qu’un minimum de précautions, cette fois ci, soit engagé pour qu’on s’assure d’abord de la viabilité du budget. Et en suite qu’on s’assure qu’il y a un minimum de garde-fous pour que l’argent soit utilisé à bon échéant.

Mais puisqu’on ne peut pas prendre autant de précautions sans retarder le calendrier et sans qu’on ne soit accusé de mauvaise foi dans l’organisation des élections, donc pour parer au plus pressé, on a dit d’accord. On donne quand même un minimum qui permet de régler les instances, de lancer le chronogramme. Et puis ensuite, vous dépensez cet argent, vous donnez les justificatifs par rapport à l’utilisation de l’argent et puis vous donnez le motif de nouveaux décaissements, et puis le processus continue.

En quoi le CENI devient indépendante avec tout ce que vous dites parce que si on se réfère un peu, le peuple a l’impression que le gouvernement joue avec l’opposition parce qu’à chaque fois qu’on brandit la menace de manifestation, on se bouge de l’autre côté, c’est le sentiment que le peule a

C’est une mauvaise  impression qu’il faut changer, et une mauvaise perception aussi de l’action publique.  Pour Boké c’est valable aussi pour notre nation avec l’opposition et d’une manière générale le fonctionnement du gouvernement de l’administration et de l’Etat. Il ne faut pas donner le sentiment de n’agir que sous la pression pour ne pas dire les menaces.

Vous êtes  d’accord avec nous ?

Oui ! Parfaitement, c’est une perception très mauvaise de notre fonctionnement qu’il faut changer. Et cette impression, il faut le reconnaître avec la succession des coïncidences liées.

Alors votre annonce  n’a pas empêché l’opposition de se retirer du comité de suivi et a annoncé la reprise des manifestations superposée à la situation explosive de ce que nous connaissons dans le  Kakandé. Est-ce que c’est un bon cocktail ?

Non ! D’abord, il faut dire que l’opposition a décidé de descendre dans la rue avant les annonces très fortes qui ont été faites hier. C’est tout à fait normal puisqu’il faut le reconnaitre ce que les gens ne savent pas souvent, l’opposition use de toutes les voies de recours : les dialogues, les contacts avec les autorités, privilégier donc le dialogue pour ses revendications, ce n’est qu’un désespoir de cause ou lorsqu’on a le sentiment soit de se faire rouler ou de ne pas être entendu qu’elle use de l’ultime recours que constituent les manifestations de rues.

Donc, face à cette menace, il y a une analyse plus sérieuse de la situation. Le Chef de l’Etat, il faut le reconnaitre qui a été absent puisque l’agenda pour septembre a été chargé avec les nombreux déplacements à l’étranger, lorsqu’il a été informé de la situation, il faut lui accorder le bénéfice de cette bonne foi. En faire une évaluation sereine et à apporter des réponses claires que l’opposition attendait pour être rassurée et avoir la confiance à nouveau des autorités.

Je vais poser une question par rapport au dossier du 28 septembre. Vous avez été entendu par un pool de juges mais beaucoup de Guinéens ne comprennent pas le retard dans la tenue de ce procès.

Bientôt ça va être la date commémorative de ce massacre. Les victimes attendent que justice soit faite. Le peuple veut y voir plus clair autour de ce dossier. Est-ce que le Chef de l’Etat a conscience que ce secteur névralgique, la justice guinéenne, est attendu au tournant dans ce dossier ?

Vous savez, on ne peut pas vouloir la démocratie et s’opposer aux principes démocratiques dont l’un des plus reconnus et qui est un principe sacro-saint : c’est la séparation des pouvoirs. Vous savez que la justice est très jalouse de son indépendance. C’est elle qui mène l’instruction et entend toutes les personnes susceptibles d’aider à éclairer sa lanterne et préparer au mieux le procès pour qu’elle se déroule dans les meilleures conditions. Le président n’a aucun pouvoir d’agir sur la justice pour imposer un rythme par rapport à une instruction qui est en cours.

Maintenant, la justice jugera de quel moment elle peut tenir le procès. C’est pourquoi moi personnellement je me suis toujours insurgé, de vouloir poser un agenda ou un rythme à la justice lorsqu’il s’agit d’une instruction dans une affaire sérieuse pour ne pas dire grave comme le 28 septembre.

Pourquoi à votre avis Dadis Camara ne peut toujours pas rentrer au pays pour participer à la manifestation de la vérité, pour livrer sa version des faits, sa part de vérité dans ces douloureux événements du 28 septembre que le pays a connus en 2009 ?

Personne ne croyait que Toumba Diakité serait venu. Tout le monde pensait qu’il était perdu. Vous avez vu, il a fini par venir et par participer à l’instruction. Faisons confiance en la justice, de toutes les façons si nous voulons une instruction sérieuse et un procès crédible, il faut nécessairement que tous les acteurs impliqués et qui en savent quelque chose, soient présents. Moi je pense que c’est une question de temps et peut être en fonction de l’évolution de l’instruction, et de besoin de l’enquête, tel ou tel autre pourrait être entendu ou être convoqué.

A la différence, il y a une réclamation expresse d’un des acteurs pour venir alors que l’autre n’en a pas fait pour autant. Comment comprendre que celui qui demande à rentrer n’est pas accepté de rentrer et celui qui n’a pas demandé de ne pas rentrer est fait rentrer forcément?

Moi, je pense que ça c’est une analyse simpliste. Ce n’est pas aux citoyens de se présenter devant la justice ou de demander à être entendu. On peut émettre le vœu de participer à une instruction donc à la manifestation de la vérité mais, il faut attendre que la justice t’appelle dans les conditions qu’elle voudra.

Vous avez banalisez la question, au-delà même de la question judiciaire, c’est un Guinéen, né fils de Guinée qui demande à rentrer dans son pays depuis plusieurs années, depuis que le Pr Alpha Condé est là. Ce Guinéen ne peut pas rentrer. Ça c’est un premier aspect. Le deuxième aspect, on lui a quand même tiré dessus alors qu’il était président de la république. A ce jour, aucune instruction judiciaire n’est ouverte sur Moussa Dadis Camara. Est-ce que cette position  n’accrédite pas la théorie du complot qui a tant été  présentée à la face du monde ?

D’abord, je ne crois pas qu’il n’y ait pas eu d’instructions qui étaient ouvertes. La tentative d’assassinat, je pense qu’elle a eu lieu au moment où il était encore en fonction. Et je pense qu’à cette époque, une instruction  a dû être ouverte. Si ça n’a pas été, tôt ou tard ça le serra parce qu’il s’agit quand même d’une tentative d’assassinat portant sur un citoyen guinéen et qui plus a eu à diriger notre Etat.

Vous savez aucun crime ne reste impuni, c’est une question de temps et c’est une question d’époque. Vous voyez qu’il y a des crimes qui ont été commis, 10 ans, 20 ans, 30 ans qui rattrapent aujourd’hui les personnes qui ont été les auteurs. Le temps de la justice n’est pas forcement, le temps de la politique qui a un peu les décisions précipitées, qui attirent les populistes.

La justice agit dans la confiance et dans la sérénité. Moi je suis convaincu comme d’autres avant, que le capitaine Dadis retrouvera un jour la Guinée et aura l’occasion de se défendre, et sa contribution à la vérité dans l’affaire du 28 septembre étant si essentielle, si déterminante, je ne pense pas qu’on puisse s’en passer.

Une synthèse d’Alpha Amadou Diallo (L’Indépendant)

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