Censure

Salut Abdoulaye, c’est Hassimiou !

J’ai longtemps hésité avant d’accoucher de ces lignes. En fait, depuis ta disparition tragique je me demande comment te parler. Un an après ta mort je m’adresse à toi directement, puisque pour moi tu n’es pas mort.

Mon cher Abdoulaye, pour être honnête avec toi, pour moi tu vis encore. Tu as seulement pris un peu tes distances à travers ce voyage que nous aimons souvent qualifier de non retour.

J’ai mal ! J’ai très mal Abdoulaye ! Tu as laissé un grand vide autour de moi, tes amis en général, tes lecteurs de partout dans le monde.

Tes derniers moments sur terre, il est vrai qu’on était pas souvent ensemble ; et je te faisais souvent ce reproche. Mais, comme toujours, tu trouvais les mots justes pour ne pas vexer. Ton sourire ne t’a pas quitté jusqu’au jour fatidique du 17 juin 2018. Tu étais certes mon aîné, mais surtout un grand-frère, bouclier de protection contre toute forme d’attaque d’où qu’elle vienne.

Mes premiers pas dans le métier de journaliste, je les ai faits à tes côtés. Je me rappelle de nos échanges, des analyses toujours très pertinentes, mais surtout de tes conseils.

Tu me manques Abdoulaye !

Un jour, je t’ai fait une confidence à propos des menaces que je recevais de la part d’inconnus ; je me rappelle des conseils que tu m’avais prodigués ; des propositions que tu m’avais faites ; J’ai toujours voulu te dire merci !

Tu me manques Abdoulaye !

Avant ton mariage, nous étions des voisins à Cosa. Tu te rappelles de ça ? Bien sûr que oui ! Toi tu étais célibataire et moi un jeune marié dont la femme n’était pas là. Tous les soirs pratiquement on partageait le même plat. Généralement on prenait du poulet grillé avec des jus. Et tu aimais toujours payer la facture avec un sourire dont seul toi avais le plaisir d’offrir. Tu aimais donner, tu aimais partager ; en vérité tu partageais tout. Abdoulaye tu étais le seul journaliste dans un média concurrent qui partageait des informations avec tes autres confrères. Le bonheur c’est ce qui est partagé, tu me l’as dit plusieurs fois.

Tu me manques mon cher Abdoulaye !

Sur le plan professionnel, tu étais irréprochable. Oui je le dis parce que même quand tu constatais des choses que tu estimais anormales dans ta propre rédaction, tu n’hésitais pas à le dire, donc à l’exprimer quelquefois sur ta page Facebook. Puisqu’on partageait tout, sinon assez de choses, je sais que plusieurs fois des Hommes politiques ont tenté de te manipuler, comme c’est souvent le cas dans notre milieu. Mais sans vexer qui que ce soit, tu as toujours su dire non, avec encore une fois ton sourire qui ne t’a jamais quitté.

Tu me manques mon cher Abdoulaye !

Tu étais un surdoué. Tu étais en avance sur nous. Tu étais l’un des rares journalistes qui assuraient ses trois rôles : informer, former et divertir.

Ton intelligence était telle que tu avais déjà anticipé en nous donnant au revoir. Sur ta page Facebook, oui tu nous avais fait un adieu. Mais comme c’est souvent le cas, on avait pas réussi à déchiffrer le code.

Dans notre milieu, il est difficile de trouver un homme comme toi. Tu étais ami avec tout le monde, notamment des filles, et même des femmes mariées. Mais jamais tu n’as dérapé. Nassiou, Djamilatou, et tant d’autres étaient tes amies, des confidentes pour toi. Tout comme moi, elles pleurent, mais elles prient surtout pour toi. Tu avais le sens de l’amitié, le respect de la parole donnée.

Ta femme, Marie Louise Diallo a eu une chance inouïe ! Celle de trouver un homme fidèle et surtout respectueux. Oui ! Abdoulaye Bah tu aimais beaucoup ta femme. Vous aviez une telle complicité que certains se demandaient si elle n’était pas ta cousine. Même Marie Louise n’échappait pas à tes « attaques ». C’est pourquoi je suis de ceux là qui pensent qu’elle doit plutôt continuer à prier pour toi au lieu de te pleurer.

Tu me manques mon cher Abdoulaye !

Le jour où tu as fait l’accident, crois-moi je n’avais pas bien dormi. Ce n’était pas des cauchemars. C’était plutôt une douleur. Ce n’est qu’après ton décès que j’ai compris que je souffrais. Dimanche 17 juin 2018. Jour fatidique.

J’étais de ceux qui avaient eu le « privilège » d’accéder à la salle de réanimation. Lors que le Président Alpha Condé et sa délégation sont arrivés, les médecins avaient accepté que certains accèdent à la salle où tu luttais contre la mort. Désolé Abdoulaye. Je te demande pardon. Pardon de n’avoir pas pu te serrer la main et te dire d’être fort. En réalité, j’avais peur. Et ça tu le sais. J’avais peur de ne pas pouvoir supporter le fait de te voir dans une telle situation et ne rien pouvoir t’apporter pour soulager tes douleurs. Je le regrette sincèrement.

Jusqu’à la dernière minute, j’ai refusé de croire au pronostic vital donné par un médecin de l’hôpital de l’amitié sino-guinéenne où tu étais alité. Aux environs de 18h, une nouvelle tombe ! Elle est rassurante. Ton état se serait amélioré. Il fallait tout de suite te trouver des poches de sang. J’ai soupiré. C’était la première bonne nouvelle de la journée. Après, j’ai compris. En réalité, tu venais de rendre l’âme. Les médecins voulaient juste que la foule se disperse pour pouvoir certainement sortir ton corps.

J’ai mal !

Tu me manques mon cher Abdoulaye !

Dans la vie, l’Homme n’est rien. Dans la vie, le matériel compte très peu.

Je te pleure Abdoulaye ! Je pleure de savoir que ceux qui ont été à l’origine de cet accident fatal courent toujours. Je pleure de savoir que le dossier de cette enquête semble avoir disparu.

Dors en paix mon cher ami et frère Abdoulaye Bah !

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